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La formation du contrat de crédit immobilier

Table des matières

Acheter un bien immobilier implique généralement de souscrire un crédit. Cette opération, qui peut sembler simple, obéit en réalité à des règles strictes destinées à protéger l’emprunteur. Le contrat de crédit immobilier ne se forme pas instantanément mais suit un processus précis et séquencé. Comprendre ces étapes est essentiel pour éviter les pièges et s’engager en toute connaissance de cause. Depuis la réforme du crédit immobilier et vos droits, la protection de l’emprunteur a été renforcée.

La préparation de l’offre de crédit : une étape préalable indispensable

Avant même de formuler une offre de prêt formelle, l’établissement prêteur a l’obligation légale d’évaluer votre situation financière. Cette phase préliminaire, encadrée par les articles L. 313-16 et suivants du Code de la consommation, impose au banquier de vérifier que vous serez « vraisemblablement » en mesure de respecter vos obligations de remboursement.

Pour ce faire, vous devrez fournir des informations détaillées et exactes concernant :

  • Vos revenus (salaires, revenus fonciers, etc.) et votre épargne disponible.
  • Vos charges récurrentes (loyer, autres crédits en cours, pensions alimentaires…).
  • Vos dettes existantes et autres engagements financiers.

La banque procède alors à une évaluation rigoureuse de votre solvabilité. Il est important de souligner qu’un prêteur qui accorderait un crédit sans cette analyse sérieuse de votre capacité de remboursement pourrait voir sa responsabilité engagée en cas de difficultés ultérieures (comme l’illustre la jurisprudence constante, par exemple Cass. 1re civ., 12 sept. 2007, n°06-15.640).

Depuis l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, une nouveauté est apparue : l’évaluation de la valeur du bien immobilier financé par un expert indépendant est possible. Bien que non systématique, cette expertise peut influencer la décision de la banque et les conditions du prêt.

Le contenu obligatoire de l’offre de crédit : la transparence avant tout

L’offre de crédit immobilier n’est pas un document anodin. Son contenu est strictement réglementé par l’article L. 313-25 du Code de la consommation pour garantir une information complète et claire de l’emprunteur. Elle doit impérativement mentionner :

  • L’identité précise des parties (prêteur, emprunteur(s), et le cas échéant, des cautions personnes physiques).
  • La nature (prêt amortissable, prêt relais…), l’objet (acquisition résidence principale, travaux…) et les modalités du prêt (conditions de mise à disposition des fonds…).
  • Pour les prêts à taux fixe : un échéancier détaillé des amortissements, précisant pour chaque échéance la répartition entre le capital remboursé et les intérêts.
  • Pour les prêts à taux variable : une notice expliquant les conditions et modalités de variation du taux, ainsi qu’une simulation chiffrée de l’impact d’une variation sur les mensualités, la durée et le coût total (cette simulation a une valeur indicative).
  • Le montant exact du crédit accordé et son coût total.
  • Le Taux Annuel Effectif Global (TAEG), qui inclut tous les frais liés au crédit (intérêts, frais de dossier, assurance obligatoire, etc.).
  • Les assurances et garanties (hypothèques, cautions…) exigées par le prêteur, avec une évaluation de leur coût.
  • La mention du droit pour l’emprunteur de choisir son assurance (cf. art. L. 313-30).
  • Les conditions éventuelles de transfert du prêt à un tiers.

La Cour de cassation veille scrupuleusement au respect de ce formalisme. Un TAEG erroné ou l’omission d’une mention obligatoire peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur, sanction confirmée par exemple dans un arrêt du 25 février 2016 (n°14-29.838). Vous pouvez en savoir plus sur l’information précontractuelle en crédit immobilier pour mieux comprendre vos droits.

Le délai de réflexion obligatoire : une protection contre l’engagement hâtif

Pour éviter les décisions prises sous pression, le législateur a instauré un délai de réflexion incompressible. L’article L. 313-34 du Code de la consommation est très clair : l’emprunteur (et les cautions personnes physiques) ne peut accepter l’offre de crédit qu’après un délai de dix jours francs suivant sa réception.

Pendant ce délai minimal de 10 jours :

  • L’offre émise par la banque ne peut être modifiée.
  • Le prêteur est engagé par les conditions proposées dans l’offre (qui doit elle-même être maintenue pendant au moins 30 jours).
  • Aucun versement d’argent, sous quelque forme que ce soit, ne peut être exigé de l’emprunteur ni effectué par le prêteur au titre de l’opération.

Cette règle est d’ordre public, ce qui signifie qu’il est impossible d’y renoncer, même par accord mutuel. La Cour de cassation l’a rappelé fermement (Civ. 1re, 9 déc. 1997, n°95-15.494). Une acceptation donnée avant l’expiration de ce délai rendrait le contrat de prêt nul ou exposerait le prêteur à la déchéance de son droit aux intérêts. Ce délai s’applique à tous, y compris aux emprunteurs considérés comme « avertis ».

L’acceptation de l’offre : un acte formalisé

L’acceptation de l’offre de prêt doit respecter un formalisme précis pour être valable. L’article L. 313-34 du Code de la consommation exige une acceptation donnée par écrit. Elle doit être retournée au prêteur par courrier, le cachet de la poste faisant foi de la date d’acceptation. Les parties peuvent convenir d’un autre moyen (par exemple électronique sécurisé) à condition qu’il permette de rendre certaine la date d’acceptation.

L’acceptation verbale est sans valeur juridique. De même, la question de l’acceptation par un mandataire est délicate, car elle semble difficilement compatible avec le caractère personnel du délai de réflexion.

Il est fondamental de noter qu’une acceptation donnée prématurément (avant la fin du délai de 10 jours) est nulle et ne peut être « ratifiée » ou « confirmée » par une simple réitération après le délai. Pour que le contrat soit valablement formé, il faudrait reprendre le processus et émettre une nouvelle acceptation respectant le délai (Cass. Civ. 1re, 30 mars 1994, n°92-13.653).

La coordination avec les opérations accessoires

Le contrat de crédit est souvent lié à d’autres opérations indispensables à sa réalisation :

  • L’assurance emprunteur : Bien que le choix de l’assureur soit libre (loi Lemoine 2022), la souscription d’une assurance couvrant les risques décès et invalidité est quasi systématiquement exigée par les banques. L’article L. 313-29 du Code de la consommation impose la remise d’une notice d’information détaillée. Le banquier a un devoir de conseil renforcé sur l’adéquation des garanties à votre situation personnelle (Cass. Ass. Plén., 2 mars 2007, n°06-15.267).
  • Les garanties : Hypothèque conventionnelle, privilège de prêteur de deniers (PPD), cautionnement bancaire… L’offre doit mentionner les garanties exigées et leur coût estimé.
  • Les prêts multiples : Si votre projet est financé par plusieurs prêts (prêt principal, prêt à taux zéro, prêt complémentaire…), l’article L. 313-37 prévoit une interdépendance : chaque prêt est conclu sous la condition suspensive de l’octroi effectif des autres prêts significatifs (représentant plus de 10% du crédit total).

Le moment précis de la formation du contrat de crédit

Une question essentielle est de savoir à quel moment exact le contrat de crédit est juridiquement formé. Contrairement à une idée ancienne, le prêt d’argent consenti par un professionnel n’est plus considéré comme un contrat « réel » qui nécessiterait la remise effective des fonds pour exister.

La Cour de cassation a clairement établi que le contrat de crédit immobilier est un contrat consensuel, formé dès l’acceptation régulière de l’offre par l’emprunteur (Cass. 1re civ., 27 mai 1998, n°96-17.312).

Cette qualification a des conséquences pratiques importantes :

  1. Dès l’acceptation valable, l’emprunteur acquiert le droit d’exiger le versement des fonds promis par le prêteur.
  2. Les garanties associées au prêt (comme l’assurance) prennent effet à compter de cette acceptation, sans attendre le déblocage des fonds.

Ce principe a aussi une incidence sur la fameuse condition suspensive d’obtention de prêt stipulée dans la majorité des avant-contrats de vente immobilière (promesse ou compromis). La jurisprudence considère que cette condition est réputée accomplie non pas à l’acceptation, mais dès la présentation à l’acquéreur d’une offre de prêt ferme et conforme aux caractéristiques définies dans l’avant-contrat (Cass. 1re civ., 9 déc. 1992, n°91-12.498).

Le processus de formation du contrat de crédit immobilier est donc jalonné d’étapes clés et de délais impératifs visant à protéger l’emprunteur. La complexité de ces règles et les enjeux financiers considérables rendent souvent indispensable une analyse juridique approfondie.

Si vous préparez un projet d’acquisition ou si vous avez des questions sur une offre de prêt, nos avocats vous conseillent en crédit immobilier. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour sécuriser votre engagement.

Sources

  • Code de la consommation, articles L. 313-16 à L. 313-37 (formation du contrat, offre, acceptation)
  • Code de la consommation, articles L. 313-25 (contenu de l’offre), L. 313-34 (délai de réflexion et acceptation)
  • Ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 27 mai 1998, n° 96-17.312 (nature consensuelle du contrat)
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 9 décembre 1997, n° 95-15.494 (ordre public du délai de réflexion)
  • Cour de cassation, Assemblée plénière, 2 mars 2007, n° 06-15.267 (devoir de conseil assurance)
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 février 2016, n° 14-29.838 (sanction TEG erroné)
  • Loi n° 2022-270 du 28 février 2022 (droit de résiliation assurance emprunteur)

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