La saisie-attribution : comment ça marche ?

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Pour contester une saisie-attribution, le débiteur doit respecter un formalisme rigoureux, et savoir apprécier les risques auxquels il s’expose. La procédure de saisie attribution consiste en une voie d’exécution qui permet à un créancier d’être payé par un tiers détenteur qui détient de l’argent pour le débiteur.

Elle réserve toujours un effet de surprise au créancier, car elle est pratiquée sans avertissement, et ensuite dénoncée au débiteur. Lorsqu’il conteste, le débiteur a donc un temps de retard. C’est une mesure redoutable, particulièrement lorsqu’elle s’applique dans le cadre d’une saisie de compte bancaire.

Dans cet article, nous allons rappeler la procédure applicable, avant d’examiner les arguments à faire valoir pour une contestation de la saisie.

La saisie attribution et sa dénonciation de la saisie

Le créancier doit tout d’abord procéder à la signification de la saisie attribution au tiers saisi. Un acte de saisie attribution comporte des mentions obligatoires, prévues à peine de nullité. Ces mentions sont listées dans l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution (CPCE). Elles incluent le titre exécutoire et le décompte des sommes réclamées.

Le tiers saisi doit sur-le-champ indiquer à l’huissier (désormais commissaire de justice) s’il détient des fonds disponibles pour le compte du débiteur. S’il ne fournit aucune réponse, le créancier peut demander sa condamnation à payer les sommes dues par le débiteur. S’il donne un renseignement inexact ou mensongère, le créancier peut demander sa condamnation à payer des dommages et intérêts.

Le commissaire de justice qui a procédé à la saisie disposera ensuite d’un délai de 8 jours pour procéder à la dénonciation de la saisie au débiteur. Ce délai est prévu à peine de caducité. En conséquence, s’il n’est pas respecté, l’acte de saisie attribution deviendra inopérante et perdra tous ses effets.

Une copie du procès verbal de saisie attribution sera annexé à l’acte de dénonciation. L’ensemble permettra au débiteur d’identifier le titre exécutoire, les sommes dues, et les voies de recours.

Le débiteur, pour exercer ses recours, doit assigner le créancier à comparaître devant le juge de l’exécution (JEX). À cette fin, il dispose d’un délai de 1 mois à compter de la réception de la dénonce. La contestation est formée par voie d’assignation devant le juge compétent. L’assignation devant le juge sera dénoncée le même jour, par lettre recommandée avec accusé de réception, au commissaire de justice qui a pratiqué la mesure. Celui-ci sera alors informé qu’il ne doit pas demander le déblocage des fonds bloqués avant la fin de la procédure.

Les délais de contestation, s’ils expirent lors de jours non ouvrables, sont prorogés au premier jour ouvrable suivant.

Les arguments pour contester une saisie-attribution

Plusieurs arguments peuvent être soulevés par le débiteur pour remettre en cause le bien-fondé de la saisie.

1) Le titre n’est pas exécutoire

Selon l’article L. 111-2 du CPCE, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire pour saisir. Un titre est exécutoire lorsqu’il est revêtu de la formule exécutoire. Celle-ci autorise tout commissaire de justice à pratiquer des mesures d’exécution forcée. Il peut alors demander le concours des procureurs généraux, des procureurs de la République et des commandants et officiers de la force publique.

L’article L. 111-3 donne la liste des titres exécutoires. Les titres exécutoires les plus courants sont les décisions du tribunal judiciaire et les actes authentiques (notariés).

Sauf indication contraire, les décisions de justice rendues en première instance sont exécutoires de droit. Elles peuvent être mises à exécution même lorsqu’elles sont frappées d’appel. Le premier président de la cour d’appel peut toutefois arrêter l’exécution provisoire (article 514-3 du code de procédure civile).

Les actes authentiques peuvent, comme les décisions de justice, être revêtus de la formule exécutoire. S’ils contiennent toutes les informations nécessaires à l’évaluation de la créance, alors leur recouvrement forcé pourra être poursuivi.

Le débiteur, pour se défendre, peut remettre en cause le caractère exécutoire du titre, au motif que :

  • La décision de première instance n’était pas ou plus assortie de l’exécution provisoire,
  • L’acte était authentique (notarié) mais pas revêtu de la formule exécutoire. Cette situation peut se présenter : les actes comportent souvent une clause autorisant le notaire à délivrer une copie revêtue de la formule exécutoire. Cela signifie, a contrario, que toutes les versions ne sont pas nécessairement exécutoires.

2) La prescription du titre exécutoire

L’article L. 111-4 du CPCE dispose que le délai de prescription d’un titre exécutoire est de 10 ans.

Si le titre exécutoire a plus de 10 ans et que la prescription n’a jamais été interrompue, le débiteur peut opposer sa prescription.

La prescription est une fin de non-recevoir. Elle entraîne l’irrecevabilité des demandes du créancier, par application de l’article 122 du code de procédure civile. Le JEX devra alors le débouter, et ordonner la mainlevée de la saisie.

3) L’absence de créance liquide

L’évaluation d’une créance est simple lorsqu’elle est constatée par une décision judiciaire. En effet, lorsqu’une décision condamne une partie à payer une somme d’argent, elle peut également préciser :

  • La date de départ des intérêts et la nature et le taux applicable aux intérêts de retard,
  • L’indice INSEE applicable et son point de départ (ex. le BT01 en matière de construction).

Lorsqu’une créance est ancienne et a fait l’objet de plusieurs paiements partiels, le créancier doit prouver que les sommes qu’il réclame sont exactes. Si les sommes réclamées comportent des intérêts, il faudra présenter l’historique de compte. Sans ce document, qui mentionne la date de tous les mouvements financiers, la reconstitution des intérêts est impossible. En l’absence de cette pièce, le caractère liquide de la créance peut généralement être contesté.

Si la créance a pour origine un acte authentique, alors celui-ci doit décrire les règles de calcul du montant dû. Si les indications de l’acte sont incomplètes ou contiennent une erreur, alors le caractère liquide de la créance pourra à nouveau être contesté.

La cour de cassation précise que le JEX peut être saisi d’une demande de comptes entre les parties. S’il refuse de faire les comptes, il commet un déni de justice (Cass. 2e civ., 15 avr. 2021, n° 20-13.953).

Pour contester la saisie, le débiteur pourra donc exploiter une demande de comptes, pour forcer le créancier à produire l’historique du compte. Sans l’historique de compte, le juge de l’exécution ne pourra que débouter le créancier, car il ne pourra pas faire les comptes.

4) L’absence de créance exigible

La question de l’exigibilité de la créance se pose en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier. L’établissement de crédit ou la banque qui constate des impayés prononcera souvent la déchéance du terme.

La déchéance du terme entraîne la résiliation du contrat et rend exigibles toutes les échéances futures. Par exemple, si le prêt arrive à terme dans 10 mois, et les échéances sont de 1 000 euros, la déchéance du terme entraîne l’exigibilité de la somme de 10 000 euros.

La cour de cassation a néanmoins précisé que la déchéance du terme ne peut, « sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle » (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 14-15.655, Bull. 2015 n° 6, I, n° 131).

Elle a ensuite ajouté que la clause qui prive le débiteur d’un préavis d’un délai raisonnable est abusive (Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044, Publié au bulletin). Elle s’aligne, sur ce point, sur la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne.

Si le créancier a fixé un préavis trop court avant de prononcer la déchéance du terme, alors celle-ci est irrégulière. Le débiteur pourra donc critiquer la saisie-attribution, au motif que la créance n’était en réalité pas exigible.

5) L’ordre public du droit de la consommation

La cour de justice de l’Union européenne a jugé que le juge de l’exécution doit déclarer d’office les clauses abusives inopposables au débiteur. Elle a précisé qu’il avait l’obligation de le faire, même lorsque les poursuites étaient engagées sur le fondement d’une décision de justice définitive.

Dans l’univers des avocats et des juges, cette décision est révolutionnaire. On considérait jusqu’à présent qu’une décision définitive ne pouvait plus être remise en cause : elle était revêtue de l’autorité de la chose jugée. Le juge de l’exécution ne pouvait que s’incliner devant l’autorité de la décision exécutée. Le JEX peut maintenant déclarer inopposable une clause abusive que le premier juge n’aurait pas identifiée.

Les étapes de la contestation d’une saisie-attribution

Pour contester une saisie attribution compte, le débiteur doit suivre plusieurs étapes :

  1. Vérifier si la créance est partiellement ou totalement contestée
  2. Contacter un avocat spécialisé pour rédiger une lettre de contestation
  3. Préparer l’assignation devant le juge de l’exécution
  4. Informer le commissaire de justice par lettre recommandée avec accusé de réception
  5. Se présenter à l’audience du tribunal judiciaire

Certaines situations particulières peuvent également justifier un recours pour contester une saisie attribution :

  • Si la saisie concerne un compte joint, le cotitulaire du compte doit être informé
  • En cas de solde bancaire insaisissable (SBI), il convient de vérifier qu’il a été automatiquement laissé à disposition
  • Pour les sommes insaisissables comme les allocations familiales, l’aide personnalisée au logement ou certaines prestations versées par la CAF
  • Lorsque des revenus comme le salaire, les pensions de retraite ou les allocations chômage sont concernés (qui ne sont que partiellement saisissables)

De même, certaines prestations sont totalement insaisissables comme :

  • Les rentes versées suite à un accident du travail
  • Certaines aides sociales de solidarité
  • Les pensions d’invalidité
  • Les prestations en nature versées au titre de l’assurance maladie

Cette mise en œuvre d’une contestation nécessite une bonne connaissance des délais et des procédures, car toute erreur ou retard peut rendre le recours juridique inopérant.

Contester une saisie-attribution : conseils pratiques

Contester une saisie-attribution est un exercice complexe qui impose au débiteur de maîtriser son environnement législatif et de savoir apprécier ses chances de succès. Voici quelques conseils pratiques :

  • Consultez rapidement un professionnel du droit dès réception de l’acte de dénonciation
  • Vérifiez si votre situation permet de bénéficier de l’aide juridictionnelle pour limiter les frais
  • Rassemblez tous les documents liés à votre dette (contrat, titre exécutoire, etc.)
  • N’attendez pas l’expiration du délai de contestation d’un mois
  • Si vous êtes titulaire d’un compte joint, informez immédiatement l’autre titulaire

L’assistance d’un professionnel du droit est fortement recommandée pour naviguer dans cette procédure d’exécution complexe.

Foire aux questions

Quelques questions courantes :

Le blocage de la saisie-attribution

Il est impossible d’empêcher la mise en œuvre d’une procédure de saisie-attribution. Elle ne peut être contestée qu’a posteriori. Une fois mise en œuvre, sa contestation entraîne le blocage des fonds pendant la durée de la procédure.

Les juges sont sensibles à cette problématique et font souvent le nécessaire pour que la procédure aboutisse rapidement.

La saisie-attribution des comptes bancaires

Elle présente quelques spécificités. En effet, les huissiers sont habilités à communiquer avec les banques de façon dématérialisée pour les besoins de la saisie. Le délai de réponse du tiers saisi sera alors un peu différent, mais tout cela sera transparent pour le débiteur.

La saisie-attribution en cas de solde insuffisant

La saisie-attribution ne sera sans doute pas dénoncée au débiteur si le solde du compte est insuffisant. Le créancier voudra éviter d’engager des frais inutiles.

Si la saisie est pratiquée entre les mains d’une banque, cela aura un effet pervers. En effet, la banque prélèvera une commission pour le traitement de la saisie. Cette commission est généralement prévue dans les conditions tarifaires.

Le solde bancaire insaisissable

Le créancier devra toujours laisser à la disposition du débiteur une somme égale au revenu de solidarité active (RSA). On parle du solde bancaire insaisissable.

Combien de fois la saisie-attribution des comptes bancaires peut-elle être pratiquée ?

Le texte ne fixe aucune limite au nombre de saisies pouvant être pratiquées. Tant que le débiteur doit des sommes, le créancier peut saisir. La seule limite se trouvera dans l’abus de saisie. L’abus de saisie est toutefois difficile à qualifier.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), notamment les articles L. 111-2, L. 111-3, L. 111-4, L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants
  • Décret n° 2012-783 du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du CPCE
  • Décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 relatif à la procédure d’injonction de payer
  • Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice
  • Arrêt de la Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 15 avril 2021, n° 20-13.953
  • Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 3 juin 2015, n° 14-15.655
  • Arrêt de la Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 22 mars 2023, n° 21-16.044
  • Circulaire du 12 février 2013 relative à l’entrée en vigueur du CPCE
  • Décret n° 2019-992 du 26 septembre 2019 portant modification du CPCE
  • Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile

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