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La séparation des activités bancaires : quand les banques doivent compartimenter leurs risques

Table des matières

La crise financière de 2008 a révélé les dangers d’un système bancaire insuffisamment cloisonné. Les activités spéculatives des banques ont mis en péril l’épargne des déposants. Pour éviter que ce scénario ne se reproduise, la France a adopté un cadre juridique contraignant.

La loi de séparation et de régulation des activités bancaires de 2013

La loi du 26 juillet 2013 a imposé une réorganisation profonde du secteur bancaire français. Son objectif : isoler les activités spéculatives dans des filiales distinctes pour protéger les dépôts du public.

Le texte cible particulièrement les activités dites « pour compte propre », c’est-à-dire les opérations spéculatives que les banques réalisent avec leurs fonds propres. L’article L. 511-47 du Code monétaire et financier prévoit désormais que ces activités doivent être cantonnées dans des filiales séparées, soumises à des exigences prudentielles renforcées.

La filialisation s’applique aux établissements de crédit, aux compagnies financières et aux compagnies financières holding mixtes dont les activités de négociation sur instruments financiers dépassent certains seuils définis par décret en Conseil d’État.

Sont concernées :

  • Les activités de négociation sur instruments financiers impliquant le compte propre
  • Les opérations conclues avec des organismes de placement collectif à effet de levier

Certaines activités échappent toutefois à cette obligation de filialisation :

  • La fourniture de services d’investissement à la clientèle
  • La compensation d’instruments financiers
  • La couverture des risques de l’établissement
  • La tenue de marché
  • La gestion de trésorerie du groupe
  • Les opérations d’investissement du groupe

Ce dispositif vise à garantir la stabilité financière, la solvabilité envers les déposants, et à éviter les conflits d’intérêts avec les clients.

La résolution bancaire : anticiper les crises

La loi de 2013 a aussi mis en place un dispositif de résolution bancaire pour mieux gérer les défaillances.

Chaque banque doit désormais établir un plan préventif de rétablissement décrivant les mesures qu’elle prendrait en cas de difficulté. Ce document confidentiel est soumis au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

En parallèle, l’ACPR élabore un plan préventif de résolution pour chaque établissement. Ce plan prévoit les mesures à prendre si les dispositifs internes de la banque échouent.

En cas de défaillance avérée, l’ACPR peut intervenir avec des pouvoirs considérables :

  • Modifier unilatéralement l’organisation capitalistique
  • Interdire ou limiter certaines activités
  • Faire appel au fonds de garantie des dépôts et de résolution

Ce n’est qu’après l’échec de toutes ces mesures qu’une procédure collective ordinaire peut être engagée.

La loi du 26 juillet 2013 a également rebaptisé le fonds de garantie des dépôts en « fonds de garantie des dépôts et de résolution ». Son champ d’intervention a été étendu aux compagnies financières, aux compagnies financières holding mixtes et aux entreprises d’investissement.

L’ACPR peut saisir ce fonds si elle estime qu’une entité est défaillante sans perspective de redressement à court terme.

Le mécanisme européen de résolution

Le dispositif français s’inscrit dans un cadre européen harmonisé, établi par la directive 2014/59/UE du 15 mai 2014. Cette directive fixe un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.

La loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 a habilité le gouvernement français à transposer cette directive par ordonnance et à étendre la procédure de résolution aux sociétés de financement.

Un mécanisme de surveillance unique des établissements de crédit a également été mis en place par le règlement (UE) n° 1024/2013. Ce règlement confie à la Banque centrale européenne des missions de supervision prudentielle.

L’ordonnance n° 2014-1332 du 6 novembre 2014 a adapté la législation française pour permettre la mise en œuvre de ce règlement, notamment en organisant la coopération entre l’ACPR et la BCE.

Les procédures collectives appliquées aux établissements de crédit présentent des particularités. L’article 86 de la directive 2014/59/UE prévoit qu’une décision soumettant un établissement de crédit à une procédure collective ne peut être prise qu’avec l’accord de l’ACPR. Le décret n° 2020-4 du 3 janvier 2020 a modifié l’article R. 613-14 du Code monétaire et financier pour renforcer ce contrôle.

Pour les clients des banques, ces mesures ont un impact direct sur la sécurité de leurs dépôts. Le fonds de garantie des dépôts et de résolution assure une indemnisation des déposants jusqu’à 70 000 € en cas de défaillance bancaire.

Les entreprises doivent être attentives à la santé financière des établissements bancaires avec lesquels elles travaillent. Un diagnostic précoce peut permettre d’éviter des pertes en cas de défaillance.

Sources

  • Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (JO 27 juillet 2013)
  • Code monétaire et financier, articles L. 511-47 à L. 511-50, L. 613-31-11 à L. 613-31-18, L. 613-34
  • Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014
  • Règlement (UE) n° 1024/2013 du 15 octobre 2013
  • Ordonnance n° 2014-1332 du 6 novembre 2014
  • Décret n° 2020-4 du 3 janvier 2020
  • Loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014

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