En matière de saisie immobilière, la vente amiable permet d’éviter la décote qu’entraîne souvent la vente aux enchères. Pour autant, cette solution présente ses propres inconvénients. Par ailleurs, elle est technique à mettre en œuvre, et souvent déroutante pour le notaire. On fait le point.
L’autorisation de vendre amiablement
La demande de vente amiable
Pour être vendre amiablement, le débiteur doit tout d’abord demander l’autorisation au juge de l’exécution. Cette demande doit être présentée à l’audience d’orientation, dans des conditions analysées dans une publication dédiée.
Le jugement d’orientation autorisant la vente amiable
Lorsque cette demande est autorisée, le jugement d’orientation fixera :
- Le prix net vendeur en-deçà duquel la vente ne peut pas avoir lieu.
- La date de l’audience de rappel.
L’audience de rappel sera aura lieu dans un délai de 4 mois maximum à compter du jugement d’orientation.
Le jugement de prorogation du délai de vente amiable
A l’audience de rappel, le juge peut accorder un délai supplémentaire de 3 mois. Le débiteur doit toutefois justifier d’un engagement écrit d’acquisition. Cela implique notamment que le notaire doit éviter de préparer une promesse de vente.
En conséquence, le débiteur dispose d’un délai théorique de 7 mois maximum.
En pratique, ce délai est souvent plus long. En effet, les délais de 4 et 3 mois sont calculés à partir du jugement. Or le jugement est souvent rendu dans le mois qui suit l’audience. Cela implique que le débiteur dispose souvent d’un délai de 8 mois, parfois de 9 mois.
La conclusion de la vente amiable
Les diligences du débiteur
Le débiteur, tout d’abord, doit accomplir l’ensemble des diligences nécessaires à la conclusion de la vente amiable.
Il doit rendre compte de ses démarches au créancier. En pratique, le créancier demande rarement des comptes.
Néanmoins, il s’aperçoit que le débiteur est négligent et ne fait rien, il peut l’assigner devant le juge de l’exécution. Celui-ci pourra alors ordonner la vente aux enchères sans attendre davantage.
Le paiement du prix et des frais de procédure par l’acquéreur
L’acquéreur doit payer le prix de vente et les frais de procédure.
Le texte impose une chronologie spécifique au notaire. En effet, l’acheteur doit :
- Consigner le prix de vente auprès de la Caisse des dépôts et consignations,
- Payer les frais de procédure (les frais taxés) à l’avocat du créancier poursuivant.
Une fois la consignation et le paiement effectués, le notaire peut établir l’acte de vente.
Si la vente n’a pas lieu par sa faute, l’acquéreur perd le droit de récupérer les montants versés. Ceux-ci sont intégrés à la procédure et seront distribués avec le prix de vente, lorsque l’immeuble aura finalement été vendu.
L’acquéreur non professionnel conserve la possibilité de se rétracter. En effet, les dispositions de l’article L. 271-2 du code de la construction et de l’habitation sont d’ordre public.
La composition des frais de procédure
Les frais de procédure qui s’ajoutent au prix de vente sont composés de trois choses :
- Les frais à proprement parler, ou dépens.
- Les émoluments fixes, dus à l’avocat du créancier poursuivant.
- L’émolument proportionnel, également dû à l’avocat du créancier poursuivant.
Les dépens incorporent toutes les dépenses que le créancier a dû engager pour en arriver à cette étape de la procédure. Compte tenu du déroulement de la procédure, ils intègrent :
- toujours des frais d’huissier, d’expert diagnostiqueur, et de commandes réalisées auprès de la publicité foncière,
- souvent le coût de l’intégralité du dossier de diagnostics techniques,
- parfois des frais annexes comme par exemple le coût d’un serrurier.
La principale variable qui peut impacter le montant des dépens est la taille et la nature du bien à vendre. En effet, le coût des diagnostics et du procès-verbal descriptif dépendent beaucoup de la superficie à traiter.
Les émoluments fixes rémunèrent l’avocat au titre de l’accomplissement de certaines diligences. Tout comme l’huissier, ces prestations sont soumises à un barème très rigide. Ce barème se trouve à l’article A. 444-193 du code de commerce.
Enfin, l’émolument proportionnel rémunère également l’avocat au titre de son travail. Son montant est calculé conformément aux articles A. 444-191 et A. 444-102 du code de commerce, selon le barème suivant :
Tranche d’assiette | Taux applicable |
---|---|
De 0 à 6 500 € | 3,870 % |
De 6 500 € à 17 000 € | 1,596 % |
De 17 000 € à 60 000 € | 1,064 % |
Plus de 60 000 € | 0,799 % |
L’état de frais
Les frais de procédure sont taxés. La taxation consiste, pour l’avocat, à soumettre la liste de ses dépenses au juge de l’exécution. Celui-ci contrôle leur conformité, et appose le sceau de la juridiction pour ordonner leur paiement.
L’avocat a deux possibilités :
- Soumettre son état de frais au juge avant l’orientation du dossier. Cette solution permet au juge de mentionner le montant des frais dans le jugement d’orientation. Ce n’est pas la solution que nous privilégions. En effet, elle empêche de faire taxer l’émolument proportionnel si le prix de vente amiable n’est pas connu à ce stade.
- Soumettre son état de frais au juge après le jugement d’orientation, une fois le prix de vente connu. Cela permet d’intégrer la totalité des sommes dans la demande, en ce compris l’émolument proportionnel. La jurisprudence autorise cette pratique (Caen, 27 septembre 2012, n° 12/02041).
La rédaction de l’acte de vente par le notaire
Une fois le prix de vente payé, et les frais de procédure consignés, le notaire peut rédiger le titre de vente.
Il devra s’assurer que la vente est conforme aux conditions posées par le jugement d’orientation.
Par ailleurs, il pourra demander la communication des pièces recueillies par l’avocat du créancier poursuivant pour préparer la vente. Celui-ci disposera de plusieurs éléments nécessaires à la rédaction de l’acte de vente.
Les effets de la vente amiable
Les effets d’une vente volontaire
La vente amiable sur autorisation du juge produit tous les effets d’une vente classique. Tous, à l’exception de la rescision pour lésion. En effet, l’acheteur ne peut pas demander la rescision (annulation) de la vente au motif qu’il a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d’un immeuble (lésion).
La purge des inscriptions
La vente amiable purge de plein droit l’immeuble de toute hypothèque et de tout privilège du chef du débiteur.
Toutefois, la purge des inscriptions n’emporte pas automatiquement leur radiation. Celle-ci sera ordonnée ultérieurement par le jugement constatant la réalisation de la vente amiable.
C’est très perturbant pour le notaire, qui aura l’impression d’enregistrer une vente sans procéder à la radiation des inscriptions.
Le jugement constatant la vente amiable… ou son échec
A l’audience de rappel, le juge vérifie que la vente aux conditions fixées dans le jugement autorisant la vente amiable. Il contrôle également la consignation du prix de vente entre les mains de la Caisse des dépôts et consignation.
Une fois ces vérifications terminées, il ordonne la radiation des inscriptions d’hypothèque et de privilège prises du chef du débiteur.
Cette diligence, habituellement réalisée par le notaire au moment de la vente, est ici réalisée par juge lorsqu’il contrôle la vente. Ce décalage dans le temps ne doit pas intimider le notaire ou dissuader l’acheteur, il est normal et sans danger.
Si la vente amiable n’a pas été réalisée, ou à de mauvaises conditions, le juge ordonne la vente forcée. Une date d’audience d’adjudication est alors fixée.
Conclusion
La vente amiable permet au débiteur de maîtriser le prix de vente. En effet, il échappe à l’aléa des enchères. Le lecteur devra toutefois avoir deux choses à l’esprit.
Tout d’abord, la tension du marché immobilier a conduit beaucoup de personnes à s’orienter vers les enchères. Cet afflux a entraîné une tension du marché des enchères, qui rejoint progressivement le prix du marché classique dans certaines zones (Paris en tête).
Ensuite, la vente amiable ne permet pas au débiteur d’être payé rapidement. En effet, si le prix de vente est supérieur au montant de ses dettes, le solde sera bloqué pendant des mois. Celui-ci sera distribué à l’issue d’une deuxième phase de la procédure de saisie immobilière, appelée distribution du prix.
C’est certainement l’effet le plus délétère et destructif de la saisie immobilière. Le débiteur n’aura plus accès à ses liquidités pendant des mois, voir des années.
Seule l’intervention d’un avocat permet d’éviter cette issue malheureuse. En effet, il existe des solutions pour palier à cette problématique.