Le commandement de payer valant saisie immobilière (CSI)

Table des matières

Le commandement de payer valant saisie immobilière (parfois abrégé CSI) est l’acte de procédure qui engage la procédure de saisie immobilière. C’est un acte que le créancier doit préparer avec beaucoup de minutie. Ses effets sont, pour le débiteur, aussi nombreux qu’importants.

Les mentions du commandement de payer valant saisie immobilière

Le commandement de payer valant saisie doit comporter plusieurs types de mentions obligatoires.

  • Le commandement est un acte délivré par un huissier de justice (ou commissaire de justice). Les actes d’huissier doivent comprendre certaines mentions obligatoires, détaillées à l’article 648 du code de procédure civile.
  • Il engage une procédure d’exécution forcée. Tous les actes d’exécution forcée doivent indiquer le créancier, le débiteur, le titre exécutoire et le montant des sommes dues.
  • Il engage, plus spécifiquement, une procédure de saisie immobilière. Il comprendra certaines mentions propres à cette procédure. Tout cela est décrit à l’article R. 321-3 du code des procédures civiles d’exécution.
  • Enfin, il doit être publié au fichier immobilier. Le service de la publicité foncière n’accepte la publication que si l’acte respecte certaines conditions. Ces conditions sont décrites dans le décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière.

Le commandement devra, en conséquence, comporter les mentions suivantes :

  • L’indication de la date et de la nature du titre exécutoire.
  • La désignation du créancier et du débiteur, conformément aux articles 5, 6 et 34 du décret du 4 janvier 1955.
  • La désignation de l’huissier (commissaire de justice) avec sa demeure et sa signature.
  • La constitution d’avocat du créancier poursuivant, laquelle emporte élection de domicile à son adresse. Le terme constitution désigne le fait, pour l’avocat, de représenter son client devant un tribunal.
  • Le décompte des sommes dues en principal, frais et intérêts, avec l’indication du taux appliqué aux intérêts.
  • L’avertissement d’avoir à payer dans un délai de 8 jours. Ce délai peut être augmenté dans certains cas, comme nous allons le voir.
  • La désignation des immeubles saisis. Le terme immeuble désigne ici tout type de bien immobilier : terrain, appartement, maison, hangar, etc.
  • L’indication que l’immeuble est indisponible à compter de la signification du commandement. L’indisponibilité implique qu’il ne peut plus être vendu, donné, etc.
  • L’indication que le débiteur peut rechercher un acquéreur ou donner mandat à cet effet. La vente amiable sera toutefois soumise à l’autorisation du juge de l’exécution.
  • La sommation d’avoir à communiquer l’ensemble des informations relatives au bail, s’il y en a un.
  • L’indication que l’huissier pourra pénétrer dans les lieux pour dresser le procès-verbal descriptif.
  • L’indication du juge territorialement compétent.
  • La possibilité de demander l’aide juridictionnelle, et le bénéfice d’une mesure de surendettement.

Le délai de paiement de 8 jours est porté à 1 mois si la saisie est engagée contre une caution hypothécaire. Cela correspond à l’hypothèse dans laquelle un tiers a donné l’un de ses immeubles en garantie des dettes du débiteur.

La sanction des erreurs dans les mentions du commandement de payer valant saisie immobilière

L’ensemble des mentions obligatoires du commandement de payer valant saisie sont prescrites à peine de nullité.

La nullité ne sera prononcée que si l’erreur a occasionné un grief au débiteur (Civ. 2e, 30 avril 2009, n° 08-12.105).

Exception à la règle, l’erreur affectant le décompte des sommes dues n’est jamais une cause de nullité.

La délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière

Les effets de la délivrance du commandement

La signification du commandement est, pour le créancier, un acte de disposition.

Un acte de disposition entraîne une transmission de droits pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur d’un patrimoine.

Cette définition est applicable au commandement de payer valant saisie immobilière. En effet, en cas de carence d’enchères à l’audience d’adjudication, le créancier poursuivant est déclaré adjudicataire. Le prix d’adjudication sera alors égal au montant de la mise à prix.

La mise en œuvre d’une saisie immobilière est donc risquée pour le créancier poursuivant.

Les modalités de délivrance du commandement en fonction de la situation du débiteur

La situation du débiteur peut impacter les modalités de signification du commandement. Il y a plusieurs hypothèses.

La signification du commandement de payer valant saisie immobilière au débiteur saisi

Le commandement peut, tout d’abord, être signifié au débiteur saisi. La situation de ce dernier doit alors être analysée avec soin.

La signification du commandement au débiteur marié sous le régime de la communauté

  • Si la dette est propre à l’un des époux et entre dans la communauté, il faut signifier à chacun des époux.
  • Si la dette est propre à l’un des époux et n’entre pas dans la communauté, il faut signifier à chacun des époux. La jurisprudence confirme que le paiement de la dette de l’un des époux peut être poursuivie contre les biens communs (Civ. 2e, 6 janvier 2012, n° 10-27.665).

La signification du commandement au débiteur marié sous le régime de la séparation de biens

  • Si la dette est conjointe, le commandement est signifié à chacun des époux.
  • Si la dette est propre à l’un des époux, il est signifié au seul débiteur.
  • Si la dette est propre à l’un des époux, et que le bien constitue la résidence de famille, il est dénoncé au conjoint dans les 24 heures de sa signification au débiteur. Ce délai est prévu à peine de caducité.

Attention, les deux dernières hypothèses s’appliquent si le conjoint débiteur est seul propriétaire.

La signification du commandement au débiteur décédé

En cas de décès, il y a trois possibilités :

  • La dévolution successorale a été publiée au fichier immobilier.

Les héritiers sont donc connus et il suffira de poursuivre la procédure contre eux. Le créancier devra préalablement leur signifier le titre exécutoire (article 877 du code civil).

  • La dévolution n’a pas été publiée et les héritiers ne sont pas connus.

Le créancier devra faire désigner l’Administration des domaines en qualité de curateur de la succession vacante. La procédure de saisie pourra être poursuivie contre les Domaines.

  • La dévolution n’a pas été publiée, mais les héritiers sont connus.

Le créancier devra leur faire signifier une sommation d’avoir à opter, pour avoir la liste des héritiers acceptants. Le titre exécutoire devra ensuite leur être signifié.

Les mentions du commandement seront ensuite modifiés. Le créancier visera l’article 36 5° du décret du 14 octobre 1955. La publication sera requise, à ce visa, contre le défunt, seul connu du fichier immobilier.

En effet, les indications du commandement et du fichier doivent être identiques. En cas de discordance, la publicité foncière rejettera la publication. Si les débiteurs ne sont pas connus du fichier, la publication sera impossible. C’est pourquoi elle sera requise contre le défunt.

La signification du commandement au tiers acquéreur

Les hypothèques sont des garanties attachées à des biens immobiliers. Lorsque l’immeuble change de mains, le créancier peut poursuivre une saisie immobilière contre le nouveau propriétaire. C’est pourquoi le notaire, lorsqu’il enregistre une vente, se charge de radier toutes les inscriptions hypothécaires.

Les modalités de signification du commandement seront modifiées :

  • Un commandement de payer sera signifié au débiteur. Ce commandement précisera qu’un commandement de payer valant saisie immobilière est signifié au tiers acquéreur.
  • Un commandement de payer valant saisie immobilière sera ensuite signifié au tiers acquéreur. Ce commandement comportera les mentions qui ont été vues précédemment, et visera les articles 2456 et 2463 du code civil.

La publication du commandement de payer valant saisie immobilière

Le commandement de payer valant saisie doit être publié au fichier immobilier dans les deux mois de sa signification au débiteur.

L’avocat peut requérir sa publication avant l’expiration du délai de mise en demeure de paiement.

Lorsque la publication est rejetée, le délai de publication est augmenté. Cette augmentation est égale au nombre de jours écoulés entre la notification du rejet et sa régularisation.

Les effets du commandement de payer valant saisie immobilière

La signification du commandement a de nombreux effets pour le débiteur.

La nullité des actes de disposition

La signification du commandement rend le bien indisponible. Le débiteur ne peut ni le grever de droits réels (ex. hypothèques), ni l’aliéner (ex. vente, donation).

L’inopposabilité des baux

Les baux antérieurs à la signification du commandement sont toujours opposables.

Les baux postérieurs à cette signification sont opposables à l’adjudicataire, si celui-ci en a eu connaissance avant d’acheter (Cass. civ., 2e, 27 févr. 2020, n° 18-19.174, publié au Bulletin).

L’avocat du créancier poursuivant doit demander au juge l’inopposabilité du bail pour protéger l’adjudicataire.

La saisie des fruits (des loyers)

Les fruits de l’immeuble sont immobilisés à compter de la signification. Le débiteur en est séquestre.

La notion de fruits désigne, en droit, les biens produits par une chose. Il peut s’agir des fruits (ex. verger), des loyers (ex. bail), etc.

Ils seront ajoutés au prix de vente, pour être distribués avec lui.

En pratique, le débiteur conservera rarement les fruits. Le créancier a donc la possibilité d’ordonner leur consignation entre les mains du séquestre. Le texte ne précise pas de quel séquestre il s’agit. Le créancier désignera généralement le même séquestre que celui désigné pour le prix de vente.

Si les fruits peuvent s’abîmer (ex. des pommes), le juge peut autoriser leur coupe et leur vente par tout moyen.

La mise sous séquestre de l’immeuble

Le débiteur conserve l’usage de l’immeuble jusqu’à la vente, sauf à ce que celui-ci soit loué.

Le cas échéant, il en devient séquestre. Il ne pourra procéder à aucune modification.

L’opposabilité du commandement de payer valant saisie aux tiers

Le commandement est opposable aux tiers à compter de sa publication au fichier immobilier.

La durée des effets du commandement de payer valant saisie immobilière

Le délai de péremption des effets du commandement de payer valant saisie immobilière

Le commandement de payer valant saisie a une durée de validité de 5 ans. Ce délai court à compter de sa publication au fichier immobilier.

La péremption du commandement de payer valant saisie immobilière

Le commandement peut être frappé de péremption s’il n’est pas prorogé avant d’expirer.

Le juge peut soulever d’office la péremption (Civ. 2e, 21 mars 2019, n° 17-31.170).

Elle peut être demandée pour la première fois devant la cour, même si elle était acquise l’audience d’orientation (Civ. 2e, 18 octobre 2018, n° 17-21.293).

La péremption a de nombreux effets.

Elle ne prive pas le commandement de son effet interruptif de prescription.

Le commandement interrompt le délai de prescription jusqu’à la décision qui constate sa péremption (Cass. 2e civ., 1er mars 2018, n° 17-11.238, Bull. 2018, II, n° 42).

La demande de constat de péremption du commandement de payer valant saisie

Le texte ne précise pas comment le juge doit être saisi d’une demande de péremption.

En pratique, un avocat doit intervenir et présentera des conclusions d’incident.

La prorogation des effets du commandement de payer valant saisie

Le créancier peut demander au juge une prorogation des effets du commandement. Le cas échéant, les effets du commandement seront prorogés pour une nouvelle période de 5 ans.

La prorogation court à compter de la publication, au fichier immobilier, de la décision de prorogation (Cass. 2e civ., 19 oct. 2017, n° 16-15.236, Publié au bulletin).

La demande de prorogation des effets du commandement est une demande incidente qui peut être présentée après l’audience d’orientation (Civ. 2e, 9 juin 2011, n° 10-30.310).

La caducité du commandement de payer valant saisie immobilière

La procédure de saisie immobilière est soumise à de nombreux délais. Ces délais sont généralement prévus à peine de caducité. Or la caducité est une sanction qui frappe le commandement.

La liste des délais prévus à peine de caducité du commandement de payer valant saisie immobilière

 Les délais prescrits à peine de caducité sont :

  • La dénonciation du commandement au conjoint dans les 24 heures de sa signification au débiteur. Ce délai s’applique lorsque le bien constitue la résidence de famille.
  • La publication du commandement dans les 2 mois de sa signification.
  • La signification de l’assignation à l’audience d’orientation dans les 2 mois de la publication du commandement.
  • La mise en cause des créanciers inscrits dans les 5 jours de l’assignation du débiteur.
  • Le dépôt au greffe du cahier des conditions de vente dans les 5 jours ouvrables qui suivent la notification de l’assignation à l’audience d’orientation.
  • Le délai de 3 mois dans lequel l’audience d’orientation doit avoir lieu. Le délai plancher de 1 mois, lui, n’est pas prévu à peine de caducité.
  • L’affichage de la vente forcée dans un délai compris entre -2 et -1 mois avant l’audience d’adjudication.
  • Le défaut de réquisition de la vente au jour de l’audience d’adjudication.

Les effets de la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière

La caducité prive rétroactivement d’effet le commandement et entraîne l’extinction de l’instance (Civ. 2e, 4 septembre 2014, n° 13-11.887).

Par ailleurs, la caducité « atteint tous les actes de la procédure de saisie » que le commandement engage. Par conséquent, tous les actes de procédure subséquents sont anéantis (Civ. 2e, 19 février 2015, n° 13.28-445).

Le relevé de caducité

Le juge peut relever la caducité pour motif légitime.

Il devra être saisi d’une demande de relevé par le créancier. Celui-ci disposera d’un délai de quinze jours à compter du prononcé de la caducité.

Foire aux questions

Comment contester un commandement de payer valant saisie immobilière ?

Le débiteur ne peut pas assigner le créancier pour contester le commandement de payer valant saisie. Il doit attendre que le créancier l’assigne à comparaître à l’audience d’orientation. A cette audience, il pourra contester le commandement, uniquement s’il est représenté par un avocat.

Comment rendre un bien immobilier insaisissable ?

La résidence principale de l’entrepreneur individuel est insaisissable de plein droit (article L. 526-1 du code de commerce). Il peut protéger d’autres biens grâce à une déclaration notariée. Dans tous les autres cas, il est impossible de protéger son bien d’une saisie immobilière.

En revanche, il existe des techniques permettant de compliquer les choses pour le créancier. Au point, parfois, de rendre le bien quasiment insaisissable.

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