Qui n’a jamais reçu une lettre d’huissier ? Cette expérience stressante place le destinataire dans une situation juridique précise : celle du débiteur saisi. Personnage central des procédures civiles d’exécution, le débiteur dispose de droits spécifiques, mais doit également respecter certaines obligations.
La qualité de débiteur
La personne du débiteur
Le débiteur est celui qui s’est engagé personnellement. L’article 2284 du Code civil rappelle que « quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». Ce principe fonde la possibilité pour le créancier d’agir sur les biens du débiteur défaillant.
Certaines personnes bénéficient toutefois d’un régime particulier :
- Le majeur sous sauvegarde de justice reste pleinement capable
- Le majeur en curatelle est assisté pour les actes importants
- Le mineur émancipé jouit d’une capacité proche de celle du majeur
La gestion des dettes d’autrui par des tiers est rigoureusement encadrée. L’article L. 342-1 du Code de la consommation déclare nulle toute convention par laquelle un intermédiaire se charge, moyennant rémunération, d’intervenir dans le remboursement des dettes d’un particulier.
Le débiteur marié et le débiteur pacsé
Le statut matrimonial modifie les règles applicables aux dettes.
Pour un débiteur marié :
- Les dettes ménagères engagent solidairement les époux (art. 220 C. civ.)
- Cette solidarité cesse pour les dépenses « manifestement excessives »
- Dans les régimes de communauté, les biens communs peuvent être saisis
- Les biens propres ne sont saisis que pour les dettes personnelles
Pour un débiteur pacsé :
- L’article 515-4 du Code civil prévoit une solidarité des partenaires
- Cette solidarité concerne uniquement les « besoins de la vie courante »
- Elle ne s’applique pas aux « dépenses manifestement excessives »
Un arrêt important de la Cour de cassation (Civ. 2e, 21 mars 2019, n°18-10.408) précise le régime applicable aux comptes joints : « L’effet attributif de la saisie s’étend, sous réserve des règles propres aux régimes matrimoniaux entre époux, à la totalité du solde créditeur. »
Les personnes autres que le débiteur
Les poursuites peuvent atteindre d’autres personnes :
- Le représentant légal du débiteur (mandataire, tuteur, administrateur)
- L’ayant cause universel (héritier)
L’article 877 du Code civil dispose que « le titre exécutoire contre le défunt l’est aussi contre l’héritier. » Néanmoins, les créanciers doivent attendre huit jours après signification du titre à l’héritier avant de poursuivre l’exécution.
Les conséquences des procédures pour le débiteur
L’indisponibilité et la garde des biens
La première conséquence d’une saisie est l’indisponibilité des biens visés. L’article L. 141-2 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) énonce clairement : « L’acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l’objet. »
Le débiteur conserve la propriété des biens saisis mais ne peut plus les vendre ni les donner. Il en devient légalement le gardien, avec toutes les responsabilités que cela implique. Le code pénal punit sévèrement le détournement d’objets saisis (art. 314-6) : trois ans d’emprisonnement et 375 000 € d’amende.
Des règles particulières s’appliquent selon les types de biens :
- Pour les biens meubles, le débiteur conserve l’usage sauf s’ils sont consomptibles
- Pour les créances, la saisie interrompt la prescription
- Pour les immeubles, le débiteur reste séquestre sauf circonstances graves
Un juge peut modifier ces dispositions en confiant les biens à un séquestre (art. R. 221-19 CPCE) ou en ordonnant l’immobilisation d’un véhicule.
Les particularités dans l’exécution
Le débiteur supporte normalement tous les frais de procédure. L’article L. 111-8 du CPCE dispose que « les frais de l’exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés ».
Il existe des exceptions à ce principe. Les frais restent à la charge du créancier :
- Quand ils concernent un acte non prescrit par la loi
- Quand la créance n’est pas liquide, certaine et exigible
- Quand les frais sont jugés disproportionnés
En cas d’inexécution, l’article 1222 du Code civil permet au créancier de faire exécuter lui-même l’obligation aux frais du débiteur, après mise en demeure.
Les frais de procédure
La question des frais est cruciale pour le débiteur. Contrairement à une idée répandue, tous les frais ne lui incombent pas automatiquement.
Le juge peut refuser de mettre certains frais à la charge du débiteur s’il estime qu’ils n’étaient pas nécessaires. C’est notamment le cas lorsque le créancier multiplie inutilement les actes de procédure ou recourt à des mesures disproportionnées.
En pratique, ces frais comprennent :
- Le coût des actes d’huissier
- Les émoluments liés aux diligences
- Les droits d’enregistrement
- Les frais de déplacement
- Les frais de garde des biens saisis
La résistance du débiteur et ses conséquences
La résistance abusive du débiteur peut être sanctionnée. L’article L. 121-3 du CPCE donne au juge de l’exécution le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts s’il résiste de manière abusive à l’exécution.
Plus grave encore, l’organisation délibérée de son insolvabilité par le débiteur constitue un délit pénal. L’article 314-7 du Code pénal sanctionne celui qui organiserait ou aggraverait son insolvabilité « en vue de se soustraire à l’exécution d’une condamnation de nature patrimoniale. »
Ce délit peut prendre diverses formes :
- Augmentation artificielle du passif
- Diminution de l’actif
- Dissimulation de revenus
- Dissimulation de biens
La jurisprudence a ainsi condamné un débiteur qui avait quitté son emploi dans le seul but de devenir insolvable (Crim. 1er févr. 1990).
Le débiteur a tout intérêt à coopérer avec l’huissier et à chercher des solutions amiables plutôt qu’à s’enfermer dans une résistance stérile qui aggravera sa situation.
Notre cabinet accompagne régulièrement des débiteurs en difficulté. Nous les aidons à comprendre leurs droits et à négocier des solutions adaptées. Une consultation précoce permet souvent d’éviter des procédures longues et coûteuses. N’hésitez pas à nous contacter dès réception d’un commandement de payer.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution : articles L. 111-1 à L. 311-8, L. 121-2, L. 121-3, L. 141-2, R. 221-19
- Code civil : articles 877, 1222, 2284, 2285, 220, 515-4, 515-5
- Code pénal : articles 314-6, 314-7
- Code de la consommation : article L. 342-1
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 21 mars 2019, n°18-10.408
- Cour de cassation, chambre criminelle, 1er février 1990, Gazette du Palais 1990.2.390