Le secteur du recouvrement de créance est régi par des règles très strictes. Ses acteurs s’en affranchissent pourtant volontiers et nous constatons de nombreux abus que nous avons l’habitude de combattre.
Pour autant, le recouvrement est une pratique légitime et de nombreux débiteurs font preuve d’une imagination sans borne pour ne pas payer leurs dettes (on les aide parfois !).
Plongée dans la jungle du recouvrement.
Définition du recouvrement de créance
Le recouvrement de créance est une activité réglementée qui consiste à engager l’ensemble des démarches nécessaire au paiement d’une dette. Le recouvrement peut être amiable, ou forcé.
Le recouvrement forcé
Le recouvrement forcé consiste à engager l’ensemble des procédures nécessaires pour contraindre le débiteur à rembourser une dette.
Une procédure de recouvrement forcé se compose toujours de deux étapes : l’obtention du titre exécutoire, puis le recouvrement à proprement parler.
Le droit français offre, à chaque étape de la procédure, de nombreuses solutions. Certaines d’entre elles ne pourront être mises en œuvre que lorsque certaines conditions sont remplies. Par exemple, le recouvrement d’une créance de nature professionnelle exigera une saisine du tribunal de commerce. Cette procédure pourra, ensuite, prendre plusieurs formes : injonction de payer, référé, procédure au fond.
Cette variété se retrouve devant toutes les juridictions, et implique qu’il existe une myriade de situations, pour répondre à une myriade de besoins.
Une fois le titre exécutoire obtenu, le créancier pourra mettre en œuvre une mesure d’exécution. Ses possibilités sont là encore très nombreuses : saisie-attribution (saisie des comptes bancaires), saisie immobilière, saisie des navires, saisie des parts sociales, etc.
Le recouvrement amiable
Le recouvrement amiable consiste à obtenir, de la part du débiteur, le paiement d’une dette sans avoir recours à une procédure judiciaire. Le paiement est parfois obtenu grâce à un échange constructif, parfois également grâce à des menaces (ex. mise en demeure de payer, courrier de commissaire de justice ou d’avocat).
Nous avons l’habitude de recommander à nos clients d’essayer de recouvrer amiablement leurs créances avant toute procédure judiciaire, lorsque ces créances sont d’un petit montant. Pour les dettes les plus importantes, le dialogue est rarement constructif.
Par ailleurs, les discussions amiables peuvent être très longues. Le créancier devra alors prendre en compte le risque de prescription de sa créance. Nous avons également l’habitude d’intervenir à ce sujet, parfois en adoptant des stratégies dilatoires destinées à provoquer la prescription des dettes de nos clients.
Le recouvrement pour le compte d’autrui
Le recouvrement pour le compte d’autrui désigne l’activité des sociétés de recouvrement qui sont mandatées pour procéder au recouvrement des créances de leurs clients. On ne doit pas confondre cette activité avec celle des sociétés spécialisées dans le rachat de créances. En effet, les sociétés qui exercent dans ce secteur d’activité exercent souvent ces deux activités. On est tantôt confrontés à elles pour du recouvrement en propre, tantôt pour du recouvrement pour le compte d’autrui.
Le recouvrement amiable d’une créance : les sociétés de recouvrement, règles et limites
Le secteur du recouvrement amiable est très dur et de nombreux abus ont été constatés au fil du temps. Une législation rigide a donc été mise en place. Bien que nous soyons confrontés tous les jours à ses limites, elle a le mérite d’exister. On vous explique.
Les règles applicables aux sociétés de recouvrement
Le code des procédures civiles d’exécution consacre un chapitre entier aux personnes chargées du recouvrement amiable des créances (art. L. 124-1 et art. R. 124-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution).
Le corpus de règles qui nous intéresse s’applique à ceux qui pratiquent le recouvrement à titre occasionnel comme habituel. En revanche, il ne s’applique pas à ceux qui font du recouvrement au titre de leur statut professionnel. Cela concerne essentiellement les huissiers de justice (commissaires de justice) et les avocats.
Les sociétés de recouvrement ont, pour commencer, l’obligation de souscrire une police d’assurance dédiée, et de conclure une convention de recouvrement avec leur client.
Concernant le débiteur, elles doivent obligatoirement lui adresser une lettre recommandée amiable qui :
- détaille leur identité complète et indique qu’elles exercent une activité de recouvrement amiable,
- rappelle l’identité du créancier qui les a mandaté,
- rappelle les caractéristiques de la dette (titre exécutoire et détail du principal, des intérêts et des accessoires),
- indique que la dette doit être payée et explique comment,
- reproduit les alinéas 2 et 3 de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution (qui rappelle que la plupart des frais de recouvrement peuvent être mis à la charge du débiteur).
Enfin, les sociétés de recouvrement ont des obligations importantes vis-à-vis du créancier :
- elles doivent l’informer des demandes et tentatives de négociation du débiteur,
- elles doivent le payer rapidement lorsqu’elles reçoivent des fonds,
- elles doivent adresser des quittances au débiteur pour attester du paiement des sommes que leur adresse le débiteur.
Ces règles sont loin d’être neutres pour le débiteur. En effet, un décalage trop important entre la remise des fonds au recouvreur, et le paiement du créancier, provoque souvent des erreurs de décomptes. Ces serreurs ne profitent jamais au débiteur.
Les frais de recouvrement
Les frais de recouvrement sont très encadrés. L’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution rappelle, tout d’abord, que les frais de recouvrement amiable restent à la charge du créancier.
Toute clause contraire est réputée non écrite. La violation de ces dispositions est durement sanctionnée, car le code de la consommation prévoit, à l’article L. 132-23, des peines d’amende et de prison.
Pour les professionnels, les choses sont un peu différentes. En effet, ils peuvent solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de 40 euros (article D. 441-5 du code de commerce).
Les nombreux contrôles que le débiteur peut effectuer
Le débiteur concerné par une procédure de recouvrent peut, et doit, exercer de nombreux contrôles.
La nature et la composition de la créance
Le débiteur a tout d’abord intérêt à contrôler la nature et la composition de sa dette.
La nature de la dette implique de comprendre son origine et le contexte dans lequel elle est née. Cela permet d’identifier les règles applicables en matière de recouvrement et de prescription. C’est parfois évident (ex. une relation claire entre un professionnel et un consommateur), parfois complexe (ex. le stagiaire en cours de professionnalisation).
La composition de la dette est encore plus critique. Les organismes de recouvrement ont pour habitude de réclamer des sommes qui ne sont pas dues : intérêts de retard prescrits, frais et pénalités imaginaires, etc. Par ailleurs, ils ont également pour habitude de procéder à des imputations fantaisistes lorsqu’ils reçoivent de l’argent.
C’est totalement illicite : lorsque le débiteur paye partiellement sa dette, le texte donne des règles précises pour déterminer ce qui doit être remboursé. Les sommes doivent d’abord être affectées aux intérêts de retard, et ensuite à la dette que le débiteur a le plus intérêt à rembourser (art. 1342-10 du code civil).
Or les organismes de recouvrement ajoutent des intérêts imaginaires, et les huissiers priorisent le remboursement de leurs frais de recouvrement (les dépens). Cela amène parfois les débiteurs à… ne jamais rembourser leur dette : tous leurs paiements sont absorbés par des sommes indues.
Notre cabinet s’est largement spécialisé dans la vérification des créances : nous sommes en mesure de reconstituer les calculs d’intérêts et de contrôler les imputations. Nos outils nous permettent d’identifier les imputations erronées, parfois même lorsqu’il manque des données mathématiques (dates, chiffres, périodes).
Le pouvoir de l’organisme de recouvrement et de le commissaire de justice
Les organismes de recouvrement ne peuvent pas pratiquer de mesure d’exécution forcée, comme par exemple une saisie, pour recouvrer une somme d’argent.
Ces procédures seront toujours mises en œuvre par des commissaires de justice (huissiers de justice).
Cela ne signifie pas que le cas des huissiers de justice est plus simple à traiter, bien au contraire. En effet, ils possèdent une « double casquette » et peuvent tout à la fois procéder au recouvrement forcé et amiable.
Les études spécialisées dans le recouvrement usent et abusent de la confusion que cette double casquette génère. Ils multiplient les appels, SMS et courriers dans lesquels ils menacent les débiteurs dans des termes très durs.
Ces menaces sont bien souvent dépourvues de sérieux, que ce soit dans le cadre d’un recouvrement amiable ou forcé.
L’exemple le plus typique concerne la saisie des meubles : cette saisie est toujours mise en avant par les huissiers pour inciter les débiteurs au paiement. Ils vont parfois jusqu’à commencer à la mettre en œuvre (visite du domicile par un commissaire de justice qui fait l’inventaire des meubles).
Pour autant, cela va rarement plus loin. Et pour cause : la deuxième phase de la procédure impose l’organisation d’une vente aux enchères. C’est très coûteux et rarement justifié au regard de la valeur du mobilier.
Le cas particulier de l’interruption du délai de prescription : la reconnaissance de dette involontaire
L’un des principaux enjeux du recouvrement concerne la prescription. En effet, les délais de prescription peuvent être très brefs (ex. 2 ans en présence d’un consommateur). Par ailleurs, les cessions de créance qui peuvent avoir lieu aboutissent souvent à des mises en sommeil des dossiers pendant des périodes très longues. On peut alors être confronté au risque de prescription du titre exécutoire (malgré sa durée de validité de 10 ans).
Voir à ce sujet, nos publications dédiées :
- Combien de temps un huissier peut-il réclamer une dette ?
- La prescription de l’exécution d’un jugement
En présence d’une créance prescrite, les organismes de recouvrement adoptent souvent une approche du « gentil flic / méchant flic ». Le débiteur est alors confronté à un interlocuteur sympathique qui propose des solutions de paiement très souples, puis à un autre très dur, et on alterne jusqu’à le faire craquer.
Celui-ci met alors le doigt dans l’engrenage : le paiement d’une somme prescrite vaut renonciation à la prescription (articles 2250 et suivants du code civil).
C’est dû à la nature d’une dette d’argent : on dit qu’il s’agit d’une obligation naturelle. Cela signifie qu’elle ne disparaît pas lorsqu’elle est frappée par la prescription extinctive, car elle correspond à une prétention légitime du créancier. Comme la dette continue à exister lorsqu’elle est prescrite, elle peut être payée. Pire encore, ce paiement annule tous les effets de la prescription lorsqu’elle était acquise avant ce paiement : on ne peut plus se prévaloir de celle-ci.
Nous sommes très souvent confrontés à des débiteurs qui nous disent qu’ils sont sur le point de conclure un accord très avantageux, car ils discutent avec une personne très aimable. Nous connaissons la suite : une fois l’accord conclu, le créancier fait savoir que le montant convenu ne suffit pas (généralement, rien n’est signé), et une phase de recouvrement beaucoup plus violente s’amorce.
Les pratiques abusives des organismes de recouvrement et des huissiers de justice
Le secteur du recouvrement étant très dur, il fait l’objet d’enquêtes régulières de la part de la DGCCRF. Les tribunaux critiquent également régulièrement des pratiques abusives. Pour autant, celles-ci perdurent : c’est que malgré les sanctions, l’affaire est lucrative.
Les enquêtes de la DGCCRF : des taux d’infractions alarmants qui ne diminuent pas
La nature du secteur du recouvrement a conduit la DGCCRF a mener des enquêtes en 2010, 2011, 2014, 2016, 2018, 2020 et 2022…
Son travail consiste à réaliser des audit des pratiques d’études d’huissiers et de sociétés de recouvrement sélectionnées au hasard, selon la méthode de l’échantillonnage. Cela lui a permis de constater :
- En 2018, un taux d’anomalies de 32 %,
- En 2020, un taux d’anomalies de 40 % pour les sociétés de recouvrement et de 30 % pour les études d’huissiers,
- En 2022, un taux d’anomalies de 41 %.
Les pratiques du secteur sont donc loin de s’assainir, bien au contraire, et notre cabinet est aux premières loges pour constater cette évolution défavorable. Ces pratiques sont qualifiées par la jurisprudence de pratiques commerciales trompeuses… car la jurisprudence a estimé, pour commencé, que le recouvrement était une pratique commerciale. Explications :
L’activité de recouvrement est une pratique commerciale qui peut être déloyale
Le recouvrement amiable est qualifié de pratique commerciale. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, Cour, 20 juill. 2017, C-357/16) considère qu’elle entre dans le champ d’application de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales.
La DGCCRF énumère ces pratiques déloyales :
- l’entretien d’une confusion entre recouvrement amiable et procédure de recouvrement forcé sur un courrier-type utilisé par un huissier de justice (commissaire de justice) ;
- l’envoi de courriers laissant penser aux débiteurs que les frais d’une procédure judiciaire ultérieure seraient d’office et nécessairement à leur charge, préjugeant ainsi de la décision de justice. Les huissiers n’étaient par ailleurs pas mandatés pour entreprendre une action en justice.
- la présentation de frais illicites (par exemple des frais de dommages et intérêts ou le coût de la mise en demeure) comme étant légaux et exigibles ;
- le fait de menacer des débiteurs de poursuites judiciaires, alors que la créance concernée était prescrite ;
- la réclamation aux débiteurs de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 1231-6 du Code civil, sans que les conditions prévues par ce texte soient réunies (mauvaise foi du débiteur et préjudice distinct du retard de paiement) ;
- l’utilisation de l’en-tête d’une étude d’huissiers de justice pour adresser des mises en demeure.
Les pratiques commerciales déloyales peuvent être sanctionnées par l’allocation de dommages et intérêts et par une amende civile (article L. 131-1 A du code de la consommation).
Foire aux questions
Quelles sont les étapes du recouvrement amiable ?
Le recouvrement amiable n’est soumis à aucune règle particulière. Il se compose généralement de lettres recommandées, d’appels et de SMS destinés à intimider le débiteur. Néanmoins, il n’est soumis à aucun tempo particulier. Les contraintes pesant sur son tempo proviendront des règles applicables en matière de prescription.
Comment initier une procédure de recouvrement judiciaire ?
Une procédure de recouvrement judiciaire peut être mise en œuvre de plusieurs façons. La solution la mieux appropriée dépend de la configuration du dossier : nature de la créance, relations entre les parties. La compétence juridictionnelle peut revenir, selon le cas, à un tribunal de commerce, à un tribunal judiciaire, etc. A l’intérieur de chacune de ces juridictions, plusieurs types de procédures peuvent être mises en œuvre. C’est pourquoi le recours à un avocat est souvent nécessaire.
Quels sont les frais associés au recouvrement de créances ?
Le créancier n’a pas le droit de facturer des frais de recouvrement au débiteur, sauf dans quatre hypothèses :
- Le coût des actes de procédure imposés au créancier par la loi,
- Les sommes mises à la charge du débiteur par le juge,
- Les frais relatifs au recouvrement d’un chèque impayé,
- Entre professionnel, l’indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros.
Quand est-il préférable de faire appel à un avocat ?
Le recours à un avocat est commandé dès que le litige devient complexe, ou que son enjeu financier dépasse 5 000 euros. Dans les cas les plus simples, le créancier peut essayer d’obtenir seul une ordonnance d’injonction de payer.