Dans l’arène du commerce international, le soutien financier public aux crédits exports constitue un levier économique puissant. Méconnu du grand public mais essentiel pour les entreprises exportatrices, ce mécanisme a connu de profondes transformations ces dernières décennies. Tour d’horizon de ce dispositif stratégique et de ses implications juridiques pour les exportateurs français.
L’intérêt stratégique du soutien public
Le développement des exportations représente un moteur essentiel de la croissance économique. Cette activité génère pourtant d’importants besoins de financement à des taux favorables. Les risques inhérents au commerce international – méconnaissance des contractants étrangers, risque de défaillance du débiteur étranger, risque politique – rendent l’action des exportateurs incertaine.
C’est pourquoi les États ont mis en place des institutions et procédures publiques visant à favoriser les financements exports et la couverture des risques. Comme le souligne le fascicule 1050 du JurisClasseur Droit bancaire et financier sur les crédits à l’exportation, ce soutien peut prendre plusieurs formes :
- Bonifications de taux
- Action favorable sur les taux d’intérêts
- Crédits directs consentis par une institution spécialisée nationale
- Polices d’assurance-crédit accordées pour le compte de l’État
L’évolution des procédures françaises de soutien
De la mobilisation à la stabilisation
La technique classique d’intervention de l’État français consistait en la mobilisation à taux privilégié des crédits. Les crédits acheteurs en francs consentis avant 1986 étaient mobilisés par la Banque de France, qui escomptait des effets secondaires avalisés par la BFCE (Banque française du commerce extérieur).
Cette procédure a été abandonnée au profit d’une procédure dite de « stabilisation ». Introduite en France en 1982, la stabilisation consiste pour l’État à verser (ou percevoir) la différence entre le taux de sortie du crédit et le coût du refinancement des banques.
Les réformes successives
Le dispositif français a connu de nombreuses modifications depuis les années 80, notamment :
- Le 29 novembre 1982 : introduction des crédits acheteurs en devises avec procédure de stabilisation
- Le 24 décembre 1985 : suppression de l’intervention financière publique pour les crédits en francs sur les pays « relativement riches »
- Le 29 janvier 1986 : remplacement de la mobilisation par la stabilisation pour les crédits à moyen terme
- Le 20 juillet 1989 : extension de la stabilisation à tous les crédits exports, quel que soit le terme
Ces mesures s’inscrivent dans un mouvement plus large de « débonification » et de réforme du financement de l’économie, comme l’a analysé J.-Ch. Naouri dans son article « La réforme du financement de l’économie » paru dans la revue Banque en mars 1986.
Le calcul de la stabilisation : une mécanique complexe
La Banque française du commerce extérieur (BFCE) était initialement chargée de gérer la procédure de stabilisation. Malgré sa privatisation et sa fusion avec le Crédit national au sein du groupe Natexis, cette fonction a été maintenue.
Le calcul du taux de refinancement des banques, élément clé de la stabilisation, a évolué au fil du temps :
- Pour la période de fabrication : application du taux du marché monétaire à un an
- Pour la période de remboursement : utilisation du TRIBOR (Taux de référence de l’indicateur bancaire d’origine des ressources)
En 1996, une simplification a été opérée : les établissements utilisant la stabilisation étaient réputés se refinancer au taux interbancaire de Paris (en francs) ou au LIBOR (en devises). Depuis 1999, avec l’avènement de l’euro, c’est l’EURIBOR qui sert de référence pour la stabilisation en euros.
La marge des banques est fixée administrativement, variant selon le montant et la nature du crédit :
- 0,85% pour les crédits acheteurs inférieurs à 3 millions d’euros
- 0,75% pour les crédits acheteurs d’un montant supérieur
- 0,725% pour les crédits fournisseurs jusqu’à la septième année, puis 0,175% au-delà
Les crédits mixtes : un levier supplémentaire
Pour stimuler les exportations françaises, des crédits mixtes peuvent être mis en place. Ils couplent des prêts du Trésor à des conditions très avantageuses avec des crédits acheteurs.
Ces opérations reposent sur un protocole intergouvernemental, complété par des protocoles bancaires d’application. Ces derniers prennent souvent la forme de simples « fiches d’imputation » faisant référence au protocole principal, comme l’explique M.-F. Baud dans son article « Les accords gouvernementaux » publié dans le MOCI en décembre 1985.
Contraintes et opportunités actuelles
Le système de soutien public aux crédits exports continue d’évoluer sous l’influence de plusieurs facteurs :
- La réglementation internationale, notamment « l’Arrangement sur les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public » négocié sous l’égide de l’OCDE
- Les règles européennes relatives aux aides d’État
- La concurrence internationale et la nécessité de maintenir la compétitivité des exportateurs français
Les entreprises doivent désormais jongler entre différentes catégories de crédits exports :
- Les crédits « administrés » ou « classiques » bénéficiant d’une garantie COFACE et d’une procédure de bonification
- Les crédits en « garantie pure », couverts par la COFACE mais sans soutien financier
- Les crédits « libres », sans procédure publique
En pratique, ces différentes formes se combinent fréquemment. Une même exportation peut être financée partiellement avec soutien public et partiellement par des crédits libres, parfois appelés « crédits financiers d’accompagnement ».
Plusieurs éléments sont à considérer lors de la mise en place d’un financement export soutenu par l’État :
- La classification du pays importateur (pays « relativement riches » ou pays « intermédiaires »)
- Les contraintes sur la durée maximale des crédits
- Les règles relatives aux acomptes minimums (généralement 15%)
- Les limitations concernant le financement des dépenses locales
Pour un exportateur, la compréhension fine de ces mécanismes peut faire toute la différence. Le montage juridique optimal d’une opération export dépend non seulement des caractéristiques commerciales de la transaction, mais aussi des spécificités du système de soutien public disponible.
Les enjeux peuvent être considérables. Un mauvais calcul de stabilisation, une erreur dans l’évaluation des procédures de notification ou d’alignement prévues par l’Arrangement OCDE, ou une méconnaissance des compatibilités entre différents types de soutien peuvent compromettre la rentabilité d’une opération.
Notre cabinet accompagne les entreprises exportatrices dans l’optimisation de leurs montages financiers. Nous pouvons vous aider à déterminer le dispositif le plus avantageux pour votre situation particulière et vous assister dans les démarches administratives correspondantes. N’hésitez pas à nous contacter pour un premier diagnostic de vos besoins en financement export.
Sources
- JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fascicule 1050 : Crédits à l’exportation. Crédits acheteurs et fournisseurs, par Gautier Bourdeaux, première publication le 2 septembre 2009.
- Naouri, J.-Ch., La réforme du financement de l’économie, Banque, mars 1986, p. 211 et suivantes.
- Baud, M.-F., Les accords gouvernementaux, MOCI, 23 décembre 1985, p. 15 et suivantes.
- Loi n° 97-1239 du 29 décembre 1997, modifiée par la Loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 (article 41).
- Mattout, J.-P., Droit bancaire international, La revue Banque, 3e édition, 2004.