Les erreurs de l’organisme de crédit à la consommation sont souvent sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts contractuels. Les intérêts contractuels sont alors remplacés par des intérêts calculés au taux légal.
Problème : la hausse des taux directeurs de la BCE s’est traduite par une hausse du taux légal. Il arrive désormais souvent qu’il soit supérieur au taux contractuel. La déchéance du droit aux intérêts contractuels permet alors à la banque de profiter d’un taux plus avantageux.
La sanction s’en trouve privée de toute portée.
Cela a conduit la cour de justice de l’Union européenne à intervenir et à poser de nouvelles règles.
Le principe du droit aux intérêts légaux pour le crédit à la consommation
Par principe, le prêteur déchu du droit aux intérêts contractuels peut réclamer les intérêts légaux. En effet, selon l’article 1231-7 alinéa 1er du code civil :
En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
L’article L.313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier ajoute :
En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.
Le taux légal, une fois majoré, peut dépasser 9 points. La déchéance du droit aux intérêts conventionnels permettait ainsi aux organismes de crédit de profiter d’un taux très avantageux. Le mécanisme, prévu initialement comme un mécanisme de sanction, s’en trouvait privé d’intérêt.
Le problème, par ailleurs, s’inscrivait dans le contexte plus global de la protection des consommateurs. L’échec de la sanction, privait les consommateurs d’une protection essentielle.
Or la protection des consommateurs est une préoccupation centrale du droit de l’Union européenne.
La protection des consommateurs
L’adoption de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil a posé les jalons d’un plus grand respect du caractère d’ordre public du droit de la consommation.
L’article 23 de la directive dispose que les Etats membres choisissent le régime des sanctions applicables, en cas de violation des règles nationales adoptées conformément à la directive.
De plus, ils prennent toutes les mesures utiles pour qu’elles soient appliquées, et que les sanctions soient effectives, proportionnées et dissuasives.
Désormais, le principe du droit aux intérêts légaux pourrait devenir une exception pour le prêt à la consommation.
Les intérêts légaux limités par le prêt à la consommation
Les intérêts légaux sont parfois limités par la qualification de prêt à la consommation, sous l’influence de l’Union Européenne.
Selon la Cour de Justice des communautés européennes, dans le célèbre arrêt Simmenthal du 9 mars 1978, le juge national est soumis à des obligations.
Il doit assurer le plein effet des normes communautaires, le cas échéant en laissant inappliquée toute disposition législative nationale contraire.
Sur le fondement de l’article 23 de la directive 2008/48, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt important en date du 27 mars 2014.
Dans l’arrêt LCL / Fesih Kalhan, la CJUE a jugé que l’article 23 de la directive 2008/48 s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal si :
» les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations. »
Et la Cour de Justice d’ajouter,
… si la sanction de la déchéance du droit aux intérêts se trouvait affaiblie, voire purement et simplement annihilée, en raison du fait que l’application des intérêts au taux légal majoré est susceptible de compenser les effets d’une telle sanction, il en découlerait nécessairement que celle-ci ne présente pas un caractère véritablement dissuasif » et qu’il appartient à la juridiction saisie » de comparer, dans les circonstances de l’affaire dont elle est saisie, les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l’hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu’il percevrait en application de la sanction de la violation de cette même obligation.
La Cour de Justice de l’Union Européenne considère que le prêteur déchu du droit aux intérêts ne peut plus échapper à la sanction en profitant du taux d’intérêt légal.
Les intérêts du prêt à la consommation ne sont donc plus dus par principe à l’emprunteur.
Le tribunal judiciaire de Marseille, le 28 février 2024, a appliqué cette jurisprudence en faveur de nos clients.
Une fois le jugement rendu, si vous vous posez des questions sur le sort de la dette d’intérêts, cliquez ici.