La crise financière de 2008 a révélé des failles profondes dans la supervision bancaire. Les régulateurs ont depuis renforcé le cadre réglementaire. Ces contraintes sécurisent le système mais complexifient considérablement la vie des établissements.
Pourquoi surveiller les banques ?
Les banques occupent une position unique. Elles gèrent l’épargne du public tout en finançant l’économie. Une défaillance bancaire peut provoquer une réaction en chaîne. Le législateur impose donc des règles strictes.
L’article L.511-41 du code monétaire et financier établit que « les établissements de crédit sont tenus de respecter des normes de gestion destinées à garantir leur liquidité et leur solvabilité à l’égard des déposants et, plus généralement, des tiers ».
Ces normes visent trois objectifs :
- Protéger les déposants
- Maintenir la stabilité du système financier
- Préserver la confiance dans l’économie
Les autorités de contrôle bancaire
L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)
Créée en 2010 et renommée en 2013, l’ACPR fusionne plusieurs instances précédentes. Elle veille à la stabilité du secteur financier français.
Ses missions principales :
- Délivrer les agréments aux établissements
- Surveiller leur situation financière
- Contrôler le respect des règles prudentielles
- Sanctionner les manquements
L’article L.612-1 du code monétaire et financier lui confère le pouvoir « de veiller à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients ».
La Banque Centrale Européenne (BCE)
Depuis 2014, la BCE supervise directement les banques significatives de la zone euro. Ce transfert de compétence résulte du règlement UE n°1024/2013 établissant le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU).
La BCE peut :
- Octroyer ou retirer des agréments bancaires
- Évaluer les acquisitions de participations qualifiées
- Imposer des exigences supplémentaires en matière de fonds propres
Le Haut Conseil de stabilité financière
Ce conseil, présidé par le ministre de l’Économie, coordonne la surveillance macroprudentielle. Il peut imposer des exigences supplémentaires aux établissements présentant des risques systémiques.
L’article L.631-2-1 du code monétaire et financier lui permet notamment « de fixer des conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’ACPR ».
Les règles prudentielles essentielles
Ratio de solvabilité et exigences de fonds propres
Le ratio de solvabilité mesure la capacité d’une banque à absorber des pertes. Il rapporte les fonds propres aux actifs pondérés par les risques.
L’article 92 du règlement UE n°575/2013 (CRR) fixe les exigences minimales :
- Ratio de fonds propres total : 8%
- Ratio de fonds propres de catégorie 1 : 6%
- Ratio de fonds propres de base de catégorie 1 : 4,5%
Un analyste financier m’a confié récemment : ces ratios peuvent sembler techniques, mais ils déterminent la capacité des banques à financer l’économie.
Ratio de liquidité
Deux ratios complémentaires encadrent la liquidité :
- Le Liquidity Coverage Ratio (LCR) oblige les banques à détenir suffisamment d’actifs liquides pour résister à une crise de 30 jours.
- Le Net Stable Funding Ratio (NSFR) vise à assurer un financement stable à long terme.
Division des risques
Pour éviter la concentration des risques, les grands risques (expositions dépassant 10% des fonds propres) sont plafonnés à 25% des fonds propres par contrepartie.
L’article 395 du règlement CRR précise : « Un établissement n’assume pas d’exposition à l’égard d’un client ou d’un groupe de clients liés dont la valeur […] dépasserait 25 % de ses fonds propres éligibles. »
Les accords de Bâle III
Ces accords internationaux renforcent les exigences prudentielles suite à la crise de 2008. Bâle III introduit :
- Des coussins de fonds propres supplémentaires
- Un ratio de levier limitant l’endettement global
- Des standards harmonisés de liquidité
Ces règles ont été transposées en droit européen par le règlement UE n°575/2013 (CRR) et la directive 2013/36/UE (CRD IV).
Le mécanisme de surveillance unique européen
Répartition des compétences BCE/ACPR
L’ordonnance n°2014-1332 du 6 novembre 2014 a adapté le droit français au Mécanisme de Surveillance Unique (MSU).
La BCE surveille directement les banques significatives, tandis que l’ACPR conserve la supervision des établissements moins significatifs sous la responsabilité ultime de la BCE.
L’ACPR reste compétente pour :
- La lutte contre le blanchiment
- La protection des consommateurs
- La surveillance des établissements de paiement
Établissements significatifs et moins significatifs
Un établissement est considéré significatif selon plusieurs critères :
- Taille (actifs > 30 milliards d’euros)
- Importance économique nationale
- Activités transfrontalières
- Recours à une aide publique
Actuellement, environ 130 groupes bancaires sont supervisés directement par la BCE, représentant plus de 80% des actifs bancaires de la zone euro.
Conséquences pour les clients et entreprises
Cette supervision accrue produit des effets concrets :
- Renforcement de la sécurité des dépôts bancaires
- Durcissement des conditions d’octroi de crédit
- Augmentation des coûts de conformité répercutés sur les tarifs
- Standardisation des pratiques bancaires européennes
Pour les entreprises cherchant un financement, ces règles peuvent sembler contraignantes. Elles conduisent à une analyse plus fine du risque et à une sélectivité accrue des dossiers.
Un dossier de crédit solide devient crucial. L’accompagnement par un conseil juridique peut s’avérer déterminant pour structurer une demande de financement conforme aux nouvelles exigences prudentielles.
Les PME sont particulièrement touchées par ce durcissement réglementaire. Elles doivent désormais présenter des garanties renforcées et une documentation plus complète.
Sources
- Code monétaire et financier, notamment articles L.511-41, L.612-1, L.631-2-1
- Règlement (UE) n°575/2013 concernant les exigences prudentielles (CRR)
- Directive 2013/36/UE concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit (CRD IV)
- Règlement (UE) n°1024/2013 confiant à la BCE des missions de surveillance prudentielle
- Ordonnance n°2014-1332 du 6 novembre 2014 adaptant le droit français au MSU
- Banque et établissement de crédit – Hélène AUBRY – Mai 2006 (Répertoire de droit commercial)