Pour éviter une saisie immobilière, il faut se défendre ardemment dès la première instance. En appel, il est trop tard.
I. C’est en première instance que tout se joue !
La saisie immobilière est complexe et nécessite l’intervention de professionnels compétents pour en comprendre les spécificités. Il est important de le rappeler.
A. La règle de concentration des prétentions à l’audience d’orientation
Les dispositions de l’Article R311-5 du Code des procédures civiles d’exécution sont claires :
« A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte.«
Cette règle de concentration des prétentions au niveau de la première instance est particulièrement sévère. Comme le disait le poète : « Plus tard, il sera trop tard » (Jacques Prévert, « Embrasse-moi », 1900).
B. L’identification immédiate des moyens de défense dès l’audience d’orientation
Il faut donc sortir l’artillerie lourde aussitôt l’assignation à l’audience d’orientation délivrée.
C’est particulièrement vrai si la saisie immobilière repose sur la copie exécutoire d’un acte authentique de prêt. En effet, le débiteur n’a fait l’objet d’aucune décision de justice le condamnant. Il n’a donc pas encore eu l’occasion de se défendre. Le terrain est encore vierge de tout débat juridique.
L’enjeu de la saisie immobilière est lourd, à l’issue, le débiteur se retrouve dépossédé de son bien.
l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire prévoit néanmoins la possibilité pour le débiteur de soulever directement devant le JEX les contestations qui s’élèvent à l’occasion de la saisie immobilière même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
A condition qu’elles ne soient pas prescrites ou irrecevables, toutes les prétentions de droit bancaires doivent alors être mobilisées.
Il ne faut donc pas hésiter à soulever :
- la validité de la déchéance du terme,
- le respect des dispositions issues de la loi SCRIVENER,
- la nullité de l’acte de prêt…
Une étude complète des moyens de défense s’impose à ce stade. Seule une analyse rigoureuse de la situation peut permettre d’éviter la vente et de faire annuler la saisie.
II. En appel, l’avocat a les mains liées !
A. La méthode de travail de la cour d’appel
La cour d’appel a recours à une méthode bien précise pour apprécier la recevabilité des arguments du débiteur.
Elle reprend les conclusions de première instance et procède à une analyse comparative. Si l’argument n’avait pas été invoqué en première instance, il est irrecevable.
Il arrive que cette méthodologie de travail soit rappelée par la jurisprudence à titre pédagogique :
« A toutes fins et au regard de l’article R311-5 du code des procédures civiles d’exécution, la cour a demandé communication des conclusions prises par les parties en première instance. Ces conclusions ont été communiquées. Il n’y a pas matière à appliquer l’article précité à défaut de prétentions ou moyen nouveau. » (CA Aix en Provence, 25 mai 2023, RG 22/13450).
B. Exemples d’irrecevabilité
1. L’omission de certains moyens
Si le débiteur s’est limité à solliciter l’obtention de délais devant le Juge de l’exécution, la Cour d’appel ne recevra pas ses nouvelles contestations qui portent sur le montant de la créance.
Cette sanction est grave. Elle conduit à rejeter une argumentation qui est pourtant fondée.
L’exemple jurisprudentiel qui suit permet de s’en convaincre. La Cour d’appel sanctionne l’omission par le débiteur en première instance d’un moyen qui aurait pourtant pu opérer s’il avait été présenté plus tôt :
« En l’espèce, les conclusions de monsieur X, en première instance, comme rappelé ci-dessus ne visaient que l’obtention de délais pour apurer la dette.
L’appelant doit donc être jugé irrecevable en ses nouvelles contestations et demandes, relatives à la contestation de la déchéance du terme et au quantum de la créance, même si effectivement, une ventilation plus précise des montants mérite d’être apportée, une vente amiable qui n’avait pas été sollicitée en première instance et qui d’ailleurs ne figure toujours pas au dispositif de ses conclusions, la non exigibilité de la dette à défaut de mise en demeure étant surabondammnent observé que copies des lettres du 6 juillet 2020 sont produites par le créancier poursuivant avec leurs accusés de réception« . (CA Aix en Provence, 24 novembre 2022, n°2022/772).
L’on comprend donc que l’avocat du débiteur appelant a les mains liées par les arguments qui ont été mis en exergue dans le cadre de l’audience d’orientation.
2. Le défaut de comparution en première instance
Plus grave, si le débiteur ne comparaît pas en première instance, il perd pour ainsi dire toute chance de pouvoir se défendre utilement en appel.
Seuls restent les moyens tirés des vérifications d’office auxquelles le Juge de l’exécution doit se livrer pour s’assurer de la régularité de sa saisine.
Ainsi, le Cabinet SOLENT AVOCATS vérifie systématiquement la présence d’une clause d’anatocisme contenue dans le contrat de prêt immobilier soumis au droit de la consommation.
Celle-ci constitue en effet le dernier rempart contre l’intransigeant article R. 311-5 précité !