L’univers des paiements a connu une révolution silencieuse ces dernières années. Du chèque à la carte bancaire, puis aux applications mobiles et au paiement sans contact, les méthodes pour régler nos achats se sont diversifiées à vitesse grand V.
Cette évolution s’est accompagnée d’un cadre légal en constante mutation. Les innovations technologiques ont forcé le législateur à adapter des règles initialement conçues pour un monde où les transactions électroniques n’existaient pas.
Définition juridique des services de paiement
Le code monétaire et financier définit les services de paiement comme une sous-catégorie des opérations de banque. Ils comprennent notamment :
- L’exécution d’opérations de virements et prélèvements
- La transmission de fonds
- Les services de versement ou retrait d’espèces
- La gestion de comptes de paiement
Cette définition résulte de la directive européenne 2007/64/CE, transposée en France par l’ordonnance n°2009-866 du 15 juillet 2009. Cette directive a créé un marché européen des services de paiement et stimulé la concurrence entre prestataires.
La directive DSP2 (2015/2366/UE) a ensuite renforcé ce dispositif en 2018, avec un accent particulier sur la sécurité et l’innovation.
L’article L.521-3 du Code monétaire et financier précise les exceptions au monopole des prestataires de services de paiement. Par exemple, une entreprise peut fournir des services de paiement limités à ses locaux ou à un réseau restreint d’acceptation.
Un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2021 (n°19-21.418) a confirmé que ces entreprises n’appartiennent pas à la catégorie des prestataires de services de paiement et ne sont donc pas soumises aux mêmes obligations réglementaires.
Nouveaux acteurs : les établissements de paiement
L’ordonnance du 15 juillet 2009 a créé une nouvelle catégorie d’acteurs : les établissements de paiement. Ces structures peuvent fournir des services de paiement sans être des banques traditionnelles.
Leurs obligations statutaires sont allégées, avec un capital initial variant de 20 000 à 125 000 euros selon leur activité. Cette innovation a permis l’émergence de fintechs et d’acteurs spécialisés, bousculant le monopole bancaire.
Les obligations d’information du prestataire
Lors d’une transaction, le prestataire de services de paiement doit fournir des informations précises à l’utilisateur. L’article L.314-7 du Code monétaire et financier interdit de facturer cette information.
L’obligation d’information concerne :
- Les conditions contractuelles
- Les frais applicables
- Les modalités d’exécution
- Les mesures de sécurité
- Les procédures de réclamation
La charge de la preuve pèse sur le prestataire. Selon l’article L.316-2 du Code monétaire et financier, c’est à lui de démontrer qu’il a correctement informé l’utilisateur. Cette disposition protège efficacement le consommateur.
En pratique, les établissements bancaires doivent documenter chaque étape du processus d’information. Un défaut pourrait engager leur responsabilité en cas de litige.
Focus sur le prélèvement bancaire
Le prélèvement est un moyen de paiement où le créancier initie l’opération. Cela diffère du virement, initié par le payeur.
La Cour de cassation a précisé le régime du mandat de prélèvement dans un arrêt important du 24 mai 2018 (n°17-11.710). Elle établit que le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de vérifier l’existence du mandat de prélèvement, sauf anomalie apparente.
Concrètement, le cycle du prélèvement se déroule comme suit :
- Le payeur donne son consentement au bénéficiaire
- Le bénéficiaire transmet l’ordre au prestataire du payeur
- Le prestataire exécute l’opération sans contrôle systématique du mandat
Cette jurisprudence allège les obligations des banques. Elles peuvent se contenter d’un contrôle des anomalies flagrantes sans vérifier chaque mandat.
L’ordonnance n°2009-866 du 15 juillet 2009 interdit également aux prestataires d’empêcher contractuellement les commerçants d’appliquer des frais ou des réductions selon le moyen de paiement choisi.
Cependant, elle interdit la pratique du « surcharging » (facturation supplémentaire pour certains moyens de paiement) afin de ne pas décourager l’utilisation des cartes bancaires.
La contestation d’un prélèvement est encadrée par des délais stricts. Un client dispose généralement de 8 semaines pour contester un prélèvement autorisé, et de 13 mois pour un prélèvement non autorisé.
Responsabilités et réclamations
En matière de services de paiement, la responsabilité est répartie entre le prestataire et l’utilisateur selon des règles précises.
Le prestataire est responsable de :
- L’exécution correcte des opérations
- La sécurité des instruments de paiement
- La confidentialité des données
L’utilisateur doit :
- Prendre toutes les mesures pour préserver la sécurité de ses dispositifs
- Notifier sans délai toute perte, vol ou utilisation frauduleuse
- Contester rapidement les opérations non autorisées
En cas d’opération non autorisée, le prestataire doit rembourser immédiatement le montant, sauf si l’utilisateur a commis une négligence grave ou une fraude.
La loi prévoit une médiation spécifique pour les litiges liés aux services de paiement. Cette procédure est gratuite et suspend les délais de prescription.
Les professionnels devront particulièrement veiller au respect de ce cadre juridique complexe. Un accompagnement juridique est souvent nécessaire pour naviguer dans ces règles techniques.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L.133-1 et suivants, L.314-7, L.316-2, L.521-3
- Ordonnance n°2009-866 du 15 juillet 2009 relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiement
- Directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007
- Directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 (DSP2)
- Cour de cassation, chambre commerciale, 24 mai 2018, n°17-11.710
- Cour de cassation, chambre commerciale, 30 juin 2021, n°19-21.418