Recouvrer une créance s’apparente parfois au parcours du combattant. Lorsque les tentatives amiables échouent, le créancier doit s’armer d’un document essentiel : le titre exécutoire. Sans ce dernier, impossible d’engager une procédure d’exécution forcée et de contraindre un débiteur récalcitrant à honorer ses obligations.
Cette exigence fondamentale est consacrée par l’article L.111-2 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) : « Le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »
Les différents types de titres exécutoires
La loi définit précisément les actes constituant des titres exécutoires. L’article L.111-3 du CPCE en dresse une liste limitative.
Les décisions de justice
Parmi les titres les plus courants figurent les jugements et arrêts des juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Ces décisions doivent avoir force exécutoire, c’est-à-dire ne plus être susceptibles d’une voie de recours suspensive.
Exemples :
- Les jugements des tribunaux judiciaires et de commerce
- Les arrêts des cours d’appel et de la Cour de cassation
- Les ordonnances de référé
- Les ordonnances d’injonction de payer après expiration du délai d’opposition
Un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 4 juin 2020 (n°19-12.727) a précisé que « l’arrêt qui confirme purement et simplement un jugement exécutoire ne prive pas celui-ci de son caractère de titre exécutoire ni de son autorité de chose jugée. »
Attention aux ordonnances d’injonction de payer : elles ne constituent des titres exécutoires qu’après l’expiration du délai d’un mois suivant leur signification (Civ. 2e, 13 sept. 2007, n°06-14.730).
Les actes notariés
Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire figurent aussi parmi les titres exécutoires de l’article L.111-3, 4° du CPCE.
Ces actes authentiques, établis par un officier public, permettent d’engager directement des mesures d’exécution forcée sans passer par une décision de justice.
La Cour de cassation a confirmé qu’un créancier peut disposer simultanément de deux titres exécutoires pour la même créance (Civ. 3e, 24 mars 2015, n°14-10.077), rompant avec sa jurisprudence antérieure.
La validité formelle de ces actes est primordiale. La 2e chambre civile a jugé le 7 juin 2012 (n°11-17.759) que les actes notariés ne répondant pas aux prescriptions de l’article 21 du décret du 26 novembre 1971 perdent leur caractère authentique et leur qualité de titre exécutoire.
Les titres délivrés par les huissiers
Deux types de titres relèvent de cette catégorie :
- Le certificat de non-paiement d’un chèque (art. L.111-3, 5° CPCE)
- Le titre délivré par l’huissier en cas d’accord entre créancier et débiteur dans le cadre de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances (art. L.111-3, 5° et L.125-1 CPCE)
Ce dernier, introduit par la loi Macron du 6 août 2015, concerne les créances n’excédant pas 4 000 € (art. R.125-1, al. 2 CPCE).
La jurisprudence distingue nettement ces titres des décisions de justice. Ainsi, selon la 2e chambre civile (7 janv. 2016, n°14-26.449), le certificat de non-paiement d’un chèque ne permet pas d’appliquer la majoration du taux d’intérêt prévue par l’article L.313-3 du Code monétaire et financier.
Les accords et transactions homologués
L’article L.111-3, 1° du CPCE reconnaît la qualité de titre exécutoire aux « accords auxquels les juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif ont conféré force exécutoire. »
Cela concerne notamment :
- Les procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties
- Les transactions homologuées
- Les accords issus d’une médiation homologués
La 2e chambre civile a toutefois rappelé (1er févr. 2018, n°16-21.400) qu’une transaction, même homologuée, ne vaut titre exécutoire que si elle constate une créance liquide et exigible.
Les actes de divorce par consentement mutuel
Les actes de divorce sous signature privée contresignés par avocats et déposés chez un notaire constituent des titres exécutoires depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
L’article L.111-3, 4° bis du CPCE a été spécifiquement modifié pour les inclure dans la liste des titres exécutoires.
Cette innovation majeure permet l’exécution forcée des obligations contenues dans la convention de divorce (pension alimentaire, prestation compensatoire, etc.) sans recourir au juge.
Les titres administratifs
Les administrations publiques bénéficient du privilège d’élaborer leurs propres titres exécutoires. L’article L.111-3, 6° du CPCE mentionne « les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi. »
L’article L.252 A du Livre des procédures fiscales précise que sont concernés « les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes » émis par l’État, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d’un comptable public.
La loi de finances rectificative du 29 décembre 2015 a créé une procédure de saisie de créance simplifiée au profit de ces organismes (art. L.211-2 CPCE).
Le titre exécutoire européen
Le Règlement n°805/2004 du 21 avril 2004 a créé le titre exécutoire européen pour les créances incontestées.
Ce mécanisme permet l’exécution d’une décision rendue dans un État membre sans passer par une procédure d’exequatur. La CJUE a cependant précisé que ce dispositif ne s’applique pas lorsque le débiteur n’a pas été informé de l’adresse de la juridiction compétente (CJUE, 28 févr. 2018, aff. C-289/17).
La 2e chambre civile a jugé que le juge de l’exécution doit ordonner la mainlevée d’une saisie fondée sur un titre exécutoire européen lorsque la décision étrangère certifiée a été annulée (6 janv. 2012, n°10-23.518).
Plus récemment, le Règlement n°1215/2012/UE dit « Bruxelles I bis » a supprimé l’exequatur entre États membres. Depuis le 10 janvier 2015, les décisions rendues dans un État membre ont force exécutoire de plein droit dans les autres États membres.
Obtenir un titre exécutoire : un passage obligé
Le titre exécutoire reste la « clé » indispensable pour mettre en œuvre les procédures d’exécution forcée. Sans lui, un huissier ne peut procéder à aucune saisie vente, saisie-attribution ou saisie immobilière.
À défaut de titre, seules des mesures conservatoires peuvent être envisagées, mais elles n’aboutiront jamais à un paiement effectif sans l’obtention ultérieure d’un titre exécutoire.
Il convient également de surveiller les délais de prescription. Si les décisions de justice peuvent être exécutées pendant 10 ans, les actes notariés se prescrivent selon la nature de la créance qu’ils constatent (Cass., ch. mixte, 26 mai 2006, n°03-16.800).
Une erreur fréquente consiste à confondre reconnaissance de dette simple et titre exécutoire. Seul un acte notarié revêtu de la formule exécutoire ou un jugement permettra d’engager des mesures d’exécution forcée.
Un conseil avisé pourra vous aider à choisir la voie la plus adaptée pour obtenir rapidement un titre exécutoire et éviter que votre créance ne se prescrive pendant les démarches.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L.111-2, L.111-3, L.125-1, L.211-2, L.213-2, R.125-1, L.523-2
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 4 juin 2020, n°19-12.727
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 13 septembre 2007, n°06-14.730
- Cour de cassation, 3e chambre civile, 24 mars 2015, n°14-10.077
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 7 juin 2012, n°11-17.759
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 7 janvier 2016, n°14-26.449
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 1er février 2018, n°16-21.400
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 6 janvier 2012, n°10-23.518
- Cour de cassation, chambre mixte, 26 mai 2006, n°03-16.800
- CJUE, 28 février 2018, aff. C-289/17
- Règlement n°805/2004 du 21 avril 2004 portant création d’un titre exécutoire européen
- Règlement n°1215/2012/UE (Bruxelles I bis)
- Loi n°2015-990 du 6 août 2015 (loi Macron)
- Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle