L’action paulienne résulte des dispositions de l’article 1341-2 du code civil, selon lequel « Le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d’établir, s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance de la fraude. »
Les critères posés par le texte sont : l’existence d’un acte fait par le débiteur en fraude des droits du créancier ; et s’il s’agit d’un acte à titre onéreux, la connaissance de la fraude par le tiers cocontractant.
L’action paulienne est traditionnellement réservée aux créanciers d’une somme d’argent, puisqu’elle a vocation à protéger leur droit de gage général. Son premier critère, à savoir l’existence d’un acte fait par le débiteur en fraude des droits du créancier, suppose un élément objectif, et un élément subjectif.
L’élément objectif de l’action paulienne
L’élément objectif consiste dans l’appauvrissement du patrimoine du débiteur, afin de créer ou d’aggraver son insolvabilité.
Sont, à cet égard, considérés comme des actes d’appauvrissement les actes portant abandon d’un bien ou renonciation à un droit. La jurisprudence comporte des exemples en matière de renonciation à une succession ouverte (Cass. req., 2 mai 1899 : DP 1900, 1, p. 217. – Cass. 1re civ., 7 nov. 1984 : Bull. civ. I, n° 298 ; JCP G 1985, IV, 19. – Cass. 1re civ., 24 mai 1993, n° 91-15.929), de renonciation à agir en réduction (Cass. 1re civ., 14 mars 1984 : Gaz. Pal. 1985, 1, p. 17, note A. Plancqueel), de renonciation à agir en justice (CA Paris, 15e ch., 5 juin 1981).
Sont également susceptibles d’être attaqués les sûretés (ex. hypothèques) constituées au profit d’un créancier concurrent, alors même qu’elles n’appauvrissement pas per se le débiteur puisque l’appauvrissement ne provient pas de la sûreté, mais de la dette qu’elle garantit (Cass. 3e civ., 15 nov. 1977 : Bull. civ. III, n° 384). La cour de cassation impose toutefois la preuve de la complicité du créancier bénéficiaire, à peine d’irrecevabilité de l’action paulienne (Cass. com., 9 janv. 2001, n° 98-10.509 : RJDA 2001, n° 635).
La doctrine admet également la qualification d’acte appauvrissement lorsqu’une nouvelle sûreté est constituée sur le bien, à condition toutefois qu’elle soit opposable au créancier lésé (ex. Cass. 1re civ., 18 déc. 2014, n° 13-25.745, Publié au bulletin).
L’élément subjectif de l’action paulienne
L’élément subjectif, ensuite, procède de l’intention, ou à tout le moins de la conscience, qu’avait le débiteur de nuire à son créancier.
Le deuxième critère, à savoir la connaissance de la fraude par le tiers cocontractant, est apprécié de la même façon que le critère subjectif, c’est-à-dire de façon très empirique, par simple application des principes qui gouvernent le droit de la preuve :
- Il appartient au demandeur de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions (article 9 du code de procédure civile),
- En présence d’une preuve impossible à rapporter, la charge de la preuve peut être transférée du demandeur au défendeur (principe de la probatio diabolica ou preuve diabolique),
- Le faisceau d’indices concordants peut valoir preuve, sous réserve de convaincre le juge qui statuera alors en son âme et conscience.
L’action paulienne et l’action en inopposabilité de la prescription
L’article 2253 du code civil dispose que « Les créanciers, ou toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise, peuvent l’opposer ou l’invoquer lors même que le débiteur y renonce. »
La cour de cassation, dans une décision certes ancienne mais jamais remise en cause, a estimé que ces dispositions « ne sont applicables que si la renonciation du débiteur est de nature à créer ou à augmenter son insolvabilité » (Soc. 9 nov. 1950 : Bull. civ. III, n° 830).
L’action en inopposabilité de la prescription a ainsi le goût, l’odeur et la couleur de l’action paulienne, car elle a pour objet d’obtenir l’inopposabilité d’un acte.
La doctrine ne qualifie pas nécessairement l’inopposabilité de l’article 2253 du code civil d’action paulienne. Certains auteurs considèrent que sa mise en œuvre suppose de réunir les conditions de l’action paulienne, ce qui implique qu’elle constituerait une forme d’action paulienne ; tandis que d’autres auteurs considèrent qu’il s’agit d’une action autonome, distincte de l’action paulienne, dont elle partage certains traits, mais pas tous (Benoît GRIMONPREZ, Prescription acquisitive, Répertoire de droit civil, Dalloz, § 153).
Le critère à propos duquel il y a le plus de débats est celui de la fraude. S’il ne fallait pas en tenir compte, alors il suffirait aux créanciers de prouver que leurs intérêts sont lésés par l’acte de renonciation à prescription, pour obtenir son inopposabilité. Les modalités de mise en œuvre de cette action s’en trouveraient allégées.
La jurisprudence n’offre pas, à notre connaissance, de réponse tranchée à cette interrogation à ce jour.