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Contentieux du crédit à la consommation : délais et sanctions

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La guerre judiciaire entre emprunteurs et organismes de crédit s’articule autour de règles procédurales spécifiques. Le contentieux du crédit à la consommation constitue un terrain particulier, avec ses propres délais, sanctions et subtilités.

Le juge des contentieux de la protection – anciennement tribunal d’instance – dispose d’une compétence exclusive dans ce domaine, quelle que soit la somme en jeu. Cette spécialisation judiciaire témoigne de l’importance accordée à la protection du consommateur.

La forclusion biennale : un délai strict pour agir

Un champ d’application précis

Le délai de forclusion de deux ans limite le temps durant lequel un organisme de crédit peut poursuivre l’emprunteur défaillant. L’article R. 312-35 du Code de la consommation restreint ce délai aux seules « actions en paiement » engagées par le prêteur.

Cette restriction constitue une évolution majeure par rapport au droit antérieur. Avant la loi du 11 décembre 2001, ce délai s’appliquait également aux actions du consommateur.

« Le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application » (Article R. 632-1, alinéa 1 du Code de la consommation)

Points de départ variables

Le calcul du délai de forclusion diffère selon la nature du crédit. La loi détermine quatre points de départ possibles :

  1. La date du terme ou de résiliation du contrat
  2. Le premier incident non régularisé ayant entraîné la déchéance du terme
  3. Le premier incident après un plan conventionnel de redressement
  4. Le dépassement du découvert autorisé

Pour les crédits renouvelables, le départ du délai correspond au « dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti ». Cette formule ambiguë a généré un contentieux nourri.

Dans un arrêt du 9 mars 1999, la Cour de cassation a précisé que le délai court « à compter de la date à laquelle prend fin l’ouverture de crédit ». Cette position de la Haute juridiction diverge de celle des juges du fond, qui fixent généralement le point de départ au premier incident de paiement non régularisé.

Les cas particuliers

Les découverts bancaires ont fait l’objet d’une attention particulière. Lorsqu’un consommateur bénéficie d’un découvert tacite durant plus de trois mois, l’établissement bancaire doit lui présenter une offre de crédit réglementée. Le point de départ du délai de forclusion correspond alors au « dépassement du montant autorisé du découvert après le délai de trois mois ».

La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 9 juin 2017, que dans le cas d’un découvert consenti tacitement, « le point de départ du délai de forclusion court à compter de la date d’exigibilité du solde débiteur du compte, constituée par la date à laquelle, à défaut de résiliation, le paiement a été sollicité par la banque ».

L’office du juge : un pouvoir renforcé

Un pouvoir de relever d’office les irrégularités

L’évolution de la jurisprudence a considérablement renforcé les pouvoirs du juge. L’article R. 632-1 du Code de la consommation l’autorise à soulever d’office toute violation des dispositions protectrices du consommateur.

Cette prérogative résulte d’une longue bataille juridique. Les tribunaux d’instance l’avaient initiée, contre l’avis des cours d’appel. La CJUE a ensuite validé cette approche dans plusieurs arrêts fondamentaux (27 juin 2000, 21 novembre 2002 et 4 octobre 2007).

Le droit français a finalement consacré ce pouvoir en 2008. Pour l’exercer, deux conditions s’imposent :

  • Une action déjà engagée devant le juge
  • Le respect du principe du contradictoire

Une appréciation souveraine

Dans son arrêt du 5 mars 2020, la CJUE a précisé l’étendue de l’office du juge en matière de crédit. Elle impose aux juridictions nationales d’examiner d’office l’existence d’une violation de l’obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur.

Le tribunal peut alors prononcer les sanctions qui découlent de ce manquement, à condition qu’elles soient efficaces, proportionnées et dissuasives, conformément à l’article 23 de la directive 2008/48/CE.

Les sanctions civiles : un arsenal dissuasif

La déchéance du droit aux intérêts

La sanction phare en matière de crédit à la consommation reste la déchéance du droit aux intérêts. Elle frappe les manquements du prêteur à ses obligations d’information et de vérification, notamment en ce qui concerne les taux d’intérêt et le TEG.

L’article L. 341-8 du Code de la consommation précise que « l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ».

Cette sanction s’applique notamment lorsque le prêteur :

  • Ne fournit pas les informations précontractuelles requises
  • N’évalue pas correctement la solvabilité de l’emprunteur
  • Ne remet pas une offre conforme aux exigences légales
  • Ne respecte pas les règles spécifiques au crédit renouvelable

Une déchéance totale ou partielle

Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation concernant l’étendue de la déchéance. Dans certains cas, il peut prononcer une déchéance partielle et moduler la sanction en fonction de la gravité du manquement.

Toutefois, cette modulation n’est pas toujours possible. La rédaction des articles L. 341-3 à L. 341-5 du Code de la consommation suggère que certaines violations entraînent automatiquement une déchéance totale.

La CJUE est intervenue pour garantir l’effectivité de cette sanction. Dans son arrêt du 27 mars 2014, elle a condamné la position de la Cour de cassation qui permettait au prêteur de réclamer les intérêts au taux légal malgré la déchéance. Cette substitution du taux légal au taux conventionnel vidait la sanction de sa substance.

La nullité du contrat

Dans certains cas, le contrat peut être frappé de nullité, notamment si les règles de formation du contrat n’ont pas été respectées. Cette sanction plus radicale s’applique notamment lorsque :

  • L’emprunteur s’engage à payer comptant en cas de refus de prêt (article L. 341-11)
  • Le délai de rétractation n’est pas respecté
  • Le consentement de l’emprunteur est vicié

En matière de crédit affecté, l’annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit. La Cour de cassation a confirmé ce principe dans son arrêt du 9 décembre 2020.

Les sanctions pénales : un risque réel pour les professionnels

Un arsenal répressif

Bien que rarement appliquées, les sanctions pénales demeurent une épée de Damoclès pour les professionnels du crédit. Elles punissent diverses infractions comme :

  • Le fait de recevoir un paiement avant l’expiration du délai de rétractation
  • La signature de lettres de change ou de billets à ordre
  • L’enregistrement sur un fichier des consommateurs exerçant leur droit de rétractation
  • Le fait de faire signer plusieurs offres dépassant la valeur du bien financé

Des amendes conséquentes

L’article L. 341-18 du Code de la consommation prévoit une amende de 300 000 euros pour ces infractions. Des peines complémentaires peuvent également être prononcées, comme l’interdiction d’exercer une activité professionnelle pendant cinq ans.

Cette sévérité témoigne de la volonté du législateur de protéger efficacement le consommateur contre les abus en matière de crédit.

L’examen attentif des contrats de crédit à la consommation révèle souvent des irrégularités susceptibles d’entraîner des sanctions. Les délais de contestation sont stricts mais les moyens de défense nombreux. Un avocat spécialisé peut détecter ces failles et transformer un contentieux en opportunité pour l’emprunteur en difficulté. N’hésitez pas à nous consulter pour une analyse détaillée de votre situation.

Sources

  • Code de la consommation, articles L. 312-1 à L. 312-94, R. 312-1 à R. 312-35 et D. 312-1 à D. 312-31
  • Code de l’organisation judiciaire, article L. 213-4-5
  • Cour de cassation, première chambre civile, 9 mars 1999, Bull. civ. I, n° 85
  • Cour de cassation, première chambre civile, 9 juin 2017, n° 16-15.140
  • CJUE, 5 mars 2020, aff. C-679/18, OPR Finance s.r.o/CK
  • CJUE, 27 mars 2014, aff. C-565/12
  • Cour de cassation, première chambre civile, 9 décembre 2020, n° 18-25.686
  • Loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, article 16
  • Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile

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