Combien de personnes ont signé un cautionnement sans en mesurer toutes les conséquences ? Le cautionnement représente un engagement souvent lourd pour celui qui l’accepte. Dans le domaine du crédit à la consommation, cette garantie suscite un contentieux abondant.
La législation française a progressivement mis en place des mécanismes protecteurs pour les cautions, conscient de leur vulnérabilité. Ces protections sont d’autant plus essentielles que les personnes physiques qui se portent caution agissent généralement par solidarité familiale ou amicale.
Le formalisme protecteur : rempart contre l’engagement irréfléchi
Le législateur a institué un formalisme strict pour les cautionnements donnés par des personnes physiques à des créanciers professionnels.
La mention manuscrite obligatoire
L’article L. 331-1 du Code de la consommation impose à la personne qui se porte caution de rédiger à la main la mention suivante : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de…, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »
Cette exigence vise à garantir un consentement éclairé. Sa non-respect entraîne la nullité du cautionnement. La jurisprudence admet toutefois certaines variations mineures du texte légal, à condition qu’elles n’en modifient pas le sens.
Comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 2011, « la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation » (Cass. com., 5 avr. 2011, n° 09-14.358).
Les spécificités du cautionnement solidaire
Pour le cautionnement solidaire, l’article L. 331-2 du Code de la consommation exige une mention supplémentaire : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du Code civil et en m’obligeant solidairement avec X…, je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X… »
L’absence de cette mention n’entraîne pas la nullité totale du cautionnement, mais le prive de son caractère solidaire. C’est ce qu’a jugé la première chambre civile de la Cour de cassation le 5 avril 2012 (Cass. 1re civ., 5 avr. 2012, n° 12-14.122).
Le cas des actes notariés
Jusqu’au 1er janvier 2022, les actes notariés bénéficiaient d’un régime particulier. L’article 1369 alinéa 3 du Code civil dispensait les actes reçus par un notaire de toute mention manuscrite exigée par la loi.
La réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a modifié ce paysage juridique.
La proportionnalité du cautionnement : une protection sur le fond
Au-delà du formalisme, le Code de la consommation impose une protection substantielle : le cautionnement doit être proportionné aux capacités financières de la caution.
L’obligation de vérifier la surface financière
Avant la réforme de 2021, l’article L. 332-1 du Code de la consommation prévoyait qu’un créancier professionnel ne pouvait se prévaloir d’un cautionnement conclu par une personne physique si l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus.
Cette règle a été reprise dans le Code civil à l’article 2300. Le créancier doit évaluer la capacité de remboursement de la caution avant d’accepter son engagement.
Concrètement, les tribunaux prennent en compte l’ensemble des revenus et charges de la caution. La Cour de cassation a précisé que « la proportionnalité de l’engagement de la caution ne peut être appréciée au regard de revenus escomptés de l’opération garantie » (Cass. com., 15 nov. 2017, n° 15-27.703).
La sanction du cautionnement disproportionné
En cas de disproportion manifeste, le créancier ne peut pas invoquer le cautionnement contre la caution. Cependant, cette protection n’est pas absolue.
Le code prévoit une exception : le créancier peut faire valoir le cautionnement si la caution, au moment où elle est appelée, est en mesure d’y faire face. Cette nuance est importante.
Il ne s’agit donc pas d’une nullité du cautionnement, mais d’une impossibilité temporaire de s’en prévaloir. Comme l’a jugé la Cour de cassation, « Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation » (Cass. com., 15 nov. 2017, n° 17-22.943).
Les obligations d’information envers la caution : maintenir la transparence
Le dispositif protecteur comprend aussi des obligations d’information pendant l’exécution du contrat.
Information en cas d’incident de paiement
L’article 2302 du Code civil (depuis la réforme de 2021) impose au créancier d’informer la caution du premier incident de paiement non régularisé dans le mois de son exigibilité.
Le non-respect de cette obligation entraîne la déchéance des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle la caution en a été informée.
Cette règle vise à permettre à la caution d’intervenir rapidement auprès du débiteur principal, avant que la dette n’atteigne un montant trop important.
Information annuelle obligatoire
Le créancier professionnel doit également communiquer à la caution, avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal, des intérêts et des accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente.
Cette information doit aussi mentionner le terme de l’engagement et rappeler la faculté de révocation si le cautionnement est à durée indéterminée.
Le défaut d’information annuelle est sanctionné par la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la communication de la nouvelle information.
La preuve de l’accomplissement de ces formalités incombe au créancier. La Cour de cassation a précisé que « la seule production de la copie de lettres d’information ne suffit pas à justifier de leur envoi » (Cass. 1re civ., 6 sept. 2017, n° 16-18.258).
La réforme du droit des sûretés : un tournant majeur
La réforme du droit des sûretés opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 a profondément modifié le régime du cautionnement.
Depuis le 1er janvier 2022, les dispositions relatives au cautionnement ont été déplacées du Code de la consommation vers le Code civil. Ce transfert s’accompagne d’une harmonisation des règles, quelle que soit la qualité de la caution.
Les articles 2302 à 2304 du Code civil sont applicables à tous les cautionnements, y compris ceux conclus antérieurement. En revanche, les autres dispositions ne s’appliquent qu’aux cautionnements conclus après le 1er janvier 2022.
Par ailleurs, la prescription de l’action en disproportion a fait l’objet d’une jurisprudence récente. La Cour de cassation a jugé que « l’action se prescrit par cinq ans à compter du jour de la mise en demeure de payer les sommes dues par l’emprunteur en raison de sa défaillance » (Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-17.325).
Protection renforcée des cautions : ne négligez aucun détail
Le cautionnement d’un crédit à la consommation peut sembler anodin lors de sa signature. Pourtant, les conséquences financières peuvent être dramatiques pour les cautions mal informées.
La jurisprudence illustre la complexité de cette matière et les nombreuses subtilités qui peuvent faire basculer la validité d’un engagement. Une mention manuscrite incomplète, une disproportion non détectée ou une information non délivrée peuvent changer radicalement l’issue d’un litige.
Lorsque vous êtes sollicité pour vous porter caution, une consultation préalable avec un avocat permet d’évaluer la portée réelle de l’engagement et de vérifier que toutes les protections légales sont respectées. Pour les créanciers, un accompagnement juridique est tout aussi indispensable pour sécuriser leurs garanties.
Notre cabinet analyse chaque situation avec minutie. Nous intervenons tant pour les cautions qui cherchent à faire valoir leurs droits que pour les créanciers soucieux de respecter leurs obligations. Contactez-nous pour un examen personnalisé de votre dossier.
Sources
- Code de la consommation, articles L. 331-1 et suivants (avant la réforme de 2021)
- Code civil, articles 2288 à 2320 (après la réforme de 2021)
- Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
- Cass. com., 5 avr. 2011, n° 09-14.358, JurisData n° 2011-005704
- Cass. 1re civ., 5 avr. 2012, n° 11-12.515, JurisData n° 2012-006566
- Cass. com., 15 nov. 2017, n° 15-27.703, JurisData n° 2017-022802
- Cass. 1re civ., 6 sept. 2017, n° 16-18.258, JurisData n° 2017-017323
- Cass. 1re civ., 5 janv. 2022, n° 20-17.325, JurisData n° 2022-000038