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Le crédit documentaire : mécanisme et principes fondamentaux

Table des matières

Dans le commerce international, le paiement constitue souvent le point névralgique d’une transaction. L’importateur craint de payer sans recevoir la marchandise commandée. L’exportateur redoute de livrer sans obtenir son règlement. Le crédit documentaire résout cette équation en offrant une garantie mutuelle aux deux parties. Cet instrument juridique et financier, pilier des échanges commerciaux transfrontaliers, mérite qu’on en explore les ressorts.

Définition et fonctionnement du crédit documentaire

Le crédit documentaire est une opération par laquelle une banque s’engage, à la demande d’un acheteur, à payer un vendeur contre remise de documents justifiant l’expédition des marchandises. Le faisceau contractuel qui en résulte implique quatre parties :

  • L’acheteur (donneur d’ordre)
  • Le vendeur (bénéficiaire)
  • La banque émettrice (banque de l’acheteur)
  • La banque notificatrice ou confirmatrice (banque du vendeur)

Le déroulement classique d’une opération de crédit documentaire suit plusieurs étapes chronologiques :

  1. L’acheteur demande à sa banque l’ouverture d’un crédit documentaire
  2. La banque émettrice ouvre le crédit et le notifie à la banque du vendeur
  3. La banque du vendeur avise ce dernier de l’ouverture du crédit
  4. Le vendeur expédie la marchandise et réunit les documents exigés
  5. Le vendeur présente ces documents à sa banque
  6. Après vérification, la banque du vendeur transmet les documents à la banque émettrice
  7. La banque émettrice vérifie à son tour les documents et paie
  8. L’acheteur rembourse sa banque et récupère les documents

Deux types principaux de crédits documentaires existent :

  • Le crédit révocable : peut être modifié ou annulé par la banque émettrice sans préavis. Pratiquement tombé en désuétude vu l’insécurité qu’il génère.
  • Le crédit irrévocable : constitue un engagement ferme de la banque émettrice, impossible à annuler sans l’accord de toutes les parties. C’est la forme la plus courante.

Le crédit irrévocable peut être confirmé par la banque du vendeur, ajoutant ainsi une garantie supplémentaire. L’article 2 des RUU 600 le définit comme « un arrangement irrévocable constituant un engagement ferme de la banque émettrice […] de payer […] pour autant que les documents stipulés soient présentés et que les termes et conditions du crédit soient respectés« .

Les Règles et Usances Uniformes (RUU)

Le crédit documentaire fonctionne selon des règles internationalement reconnues : les Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires. Élaborées par la Chambre de Commerce Internationale (CCI), ces règles normalisent les pratiques du crédit documentaire à l’échelle mondiale.

Historiquement, les premières RUU datent de 1933. Elles ont connu plusieurs révisions majeures :

  • RUU 222 (1962)
  • RUU 290 (1974)
  • RUU 400 (1983)
  • RUU 500 (1993)
  • RUU 600 (2007), actuellement en vigueur

La version RUU 600, entrée en application le 1er juillet 2007, comprend 39 articles. Elle intègre notamment des précisions sur le contrôle des documents (article 14) et sur les critères d’examen des documents (article 15).

La portée juridique des RUU mérite attention. Comme l’indique le professeur Jean Stoufflet dans son fascicule sur le crédit documentaire : « la soumission d’un crédit aux Règles et Usances n’exclut pas que les parties dérogent sur des points déterminés aux dispositions qui y figurent« . Ces règles ont une nature contractuelle et ne s’appliquent qu’aux crédits documentaires qui s’y réfèrent expressément.

Toutefois, elles ont acquis un tel degré d’acceptation qu’elles sont souvent considérées comme des usages du commerce international. Le Tribunal de commerce de Paris, dans un jugement du 8 janvier 1976, les a qualifiées de règles coutumières.

Le principe d’autonomie du crédit documentaire

La caractéristique fondamentale du crédit documentaire réside dans son autonomie par rapport au contrat commercial sous-jacent. Ce principe d’indépendance est explicitement affirmé par l’article 4 des RUU 600 : « Les crédits, par leur nature, sont des opérations distinctes des ventes ou autres contrats sur lesquels ils peuvent se fonder« .

Cette autonomie se manifeste à un double niveau :

  1. Autonomie vis-à-vis du contrat commercial entre l’acheteur et le vendeur
  2. Autonomie de l’engagement de la banque vis-à-vis des instructions du donneur d’ordre

La Cour de cassation a constamment affirmé ce principe. Dans un arrêt du 14 octobre 1981, elle a jugé que l’acheteur ne pouvait pas s’opposer au paiement du crédit documentaire en invoquant des manquements du vendeur à ses obligations contractuelles.

Cette autonomie connaît une exception notable : la fraude caractérisée. La Cour de cassation a reconnu, dans un arrêt du 24 juin 1997, que « l’exception de fraude est opposable au bénéficiaire lorsque la fraude est établie et qu’elle émane du bénéficiaire« . Encore faut-il que cette fraude soit certaine et qu’elle porte sur le crédit documentaire lui-même, non sur l’exécution du contrat commercial.

Le mécanisme du crédit documentaire repose aussi sur le formalisme documentaire. Les banques examinent uniquement les documents, sans se préoccuper des marchandises qu’ils représentent. L’article 14 des RUU 600 précise que cet examen doit être fait avec « un soin raisonnable » pour déterminer si les documents présentent « l’apparence de conformité » avec les termes du crédit.

L’utilisation d’un crédit documentaire pour sécuriser une transaction internationale requiert une maîtrise technique et juridique avancée. Les erreurs dans la rédaction des instructions, dans la présentation des documents ou dans l’interprétation des règles applicables peuvent avoir des conséquences financières graves.

Pour garantir la réussite de votre opération commerciale internationale et éviter tout blocage dans le processus de paiement, le cabinet reste à votre disposition pour analyser votre situation particulière et vous accompagner dans la mise en place de votre crédit documentaire. N’hésitez pas à nous contacter pour un premier entretien d’évaluation de votre projet.

Sources

  • JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 1080 : Crédit documentaire, Jean Stoufflet, dernière mise à jour : 27 septembre 2015
  • Chambre de Commerce Internationale, Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires, Publication n° 600, 2007
  • Cass. com., 14 octobre 1981, Bull. civ. IV, n° 355
  • Cass. com., 24 juin 1997, Bull. civ. IV, n° 213
  • T. com. Paris, 8 janvier 1976, RJ com. 1977, p. 72, note Le Guidec

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