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Qualification juridique des crédits syndiqués et sous-participations : un labyrinthe juridique

Table des matières

Entre pragmatisme bancaire et théories juridiques, les opérations de crédit syndiqué et de sous-participation naviguent dans une zone grise. Leur qualification reste un casse-tête pour les tribunaux et la doctrine. Tour d’horizon des débats et évolutions récentes.

1. Le crédit syndiqué : une qualification insaisissable

Une pluralité de banques, une difficulté de qualification

Le crédit syndiqué réunit plusieurs banques pour financer un même emprunteur. Chaque établissement prête une fraction du montant global, selon une convention commune.

L’article 1134 du Code civil gouverne ces relations contractuelles complexes. Mais à quelle catégorie juridique rattacher ce montage ?

Société en participation : une qualification inadaptée

La jurisprudence a longtemps hésité. Plusieurs arrêts ont tenté d’assimiler le crédit syndiqué à une société en participation (SAP).

Cette qualification pose problème. L’article 1871-1 du Code civil impliquerait que chaque membre du syndicat réponde indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Or, comme le souligne la Cour de cassation dans son arrêt du 24 octobre 2000 :

« En l’absence de clause contraire, le crédit syndiqué a pour caractéristique d’être divisible. »

De plus, les banques excluent généralement toute solidarité entre elles. La Cour d’appel de Versailles l’a confirmé le 11 décembre 1997 en précisant que « si il était sans doute souhaitable que chaque membre du pool agisse de concert avec l’autre […], à défaut de clause contraire, rien n’obligeait [une banque] à solliciter l’accord de son co-prêteur pour constater la défaillance de l’emprunteur. »

Convention sui generis : la solution pragmatique

Les tribunaux privilégient désormais cette qualification. Cette convention innommée répond aux particularités de la pratique bancaire.

Comme l’affirme Jean Terray, le syndicat bancaire se caractérise par « une simple adhésion contractuelle volontaire des banques à une organisation collective pour l’octroi de prêts individuels consentis aux mêmes conditions à un seul et même emprunteur. »

Cette qualification souple permet d’adapter le régime juridique selon les intentions des parties.

2. La sous-participation : un contrat aux multiples visages

Une opération occulte difficile à qualifier

La sous-participation permet au chef de file de transférer le risque d’un crédit à d’autres banques. Cette opération reste généralement inconnue de l’emprunteur.

Comme l’a jugé la Cour d’appel de Paris le 5 juillet 2002 :

« Le caractère occulte d’un contrat de sous-participation a pour effet direct qu’aucun lien de droit n’est créé entre la banque sous-participante et les tiers, dont les emprunteurs, à qui la convention est inopposable. »

Un échantillon de qualifications proposées

La doctrine et la jurisprudence ont proposé diverses qualifications :

  • Réassurance
  • Opération de crédit
  • Refinancement
  • Cession de créance occulte
  • Cautionnement
  • Société en participation
  • Mandat d’intérêt commun
  • Convention de croupier

Chacune capture un aspect de cette opération, mais aucune ne saisit sa complexité.

Un contrat sui generis encadré par la jurisprudence

La Cour d’appel de Versailles a tranché dans son arrêt du 18 septembre 1997 :

« La convention ne peut s’analyser qu’en une participation à un pool bancaire […] Convention sui generis utilisée par les banques permettant, à deux ou plusieurs d’entre elles, le plus souvent à l’insu du client, de s’associer au profit et au risque d’une même opération. »

Ce caractère sui generis permet d’appliquer les articles 1134 et suivants du Code civil, complétés par les usages bancaires.

3. Les innovations juridiques récentes

L’agent des sûretés français : une réforme attendue

L’ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 a modernisé le régime de l’agent des sûretés. Cette figure essentielle du crédit syndiqué souffrait d’un cadre juridique insuffisant.

Le nouvel agent des sûretés dispose désormais d’un patrimoine d’affectation (articles 2488-6 à 2488-12 du Code civil). Cette innovation constitue une avancée majeure pour la compétitivité du droit français.

Comme le note Dominique Robine :

« Le remplacement de l’elliptique article 2328-1 du Code civil par des textes plus précis et traduisant des choix judicieux œuvre en ce sens. »

La dette parallèle validée : l’arrêt Belvédère

La Cour de cassation a consacré le mécanisme anglo-saxon de la dette parallèle dans son arrêt du 13 septembre 2011 (n° 10-25.533). Cette décision renforce la sécurité juridique des crédits internationaux.

La Cour précise que :

« Le droit de l’État de New York applicable aux crédits syndiqués, en ce qu’il admet le principe d’une dette parallèle envers les agents des sûretés, n’est pas contraire à la conception française de l’ordre public international. »

Cette reconnaissance permet l’utilisation de montages inspirés du trust sans requalification forcée.

L’influence croissante du droit anglo-américain

Les contrats-types élaborés par la Loan Market Association (LMA) structurent désormais la pratique. Une version française a été adaptée par l’AFB et l’AEDBF en 2002.

Cette standardisation favorise la sécurité juridique mais pose la question de l’uniformisation du droit bancaire international.

4. Perspectives d’évolution

Une pratique en quête de reconnaissance législative

Le législateur français intervient peu dans ce domaine. Seul l’arrêté ministériel du 18 février 1987 définit les tours de table, sans préciser leur régime juridique.

Cette situation contraste avec l’effort de codification entrepris par les associations professionnelles (LMA, LSTA, APLMA).

Des incertitudes persistantes

Malgré les avancées jurisprudentielles, des zones d’ombre subsistent :

  • Quels recours pour un sous-participant en cas de procédure collective du chef de file ?
  • Comment sécuriser les transferts de sûretés dans les cessions de participations ?
  • Quelle responsabilité pour l’agent en cas de défaillance ?

Les clauses contractuelles doivent anticiper ces risques, avec l’aide d’un conseil juridique expérimenté.

Vers une harmonisation européenne ?

Le droit européen pourrait jouer un rôle unificateur. Actuellement, la Convention CNUDCI sur la cession de créances et le règlement Rome I apportent des solutions partielles.

Une intervention plus structurée permettrait de renforcer la sécurité juridique.

L’ordonnance du 4 mai 2017 sur l’agent des sûretés constitue un pas vers l’harmonisation avec les droits étrangers. D’autres mesures pourraient suivre pour maintenir l’attractivité du droit français.

La qualification juridique des crédits syndiqués et sous-participations reste donc un domaine mouvant. Pour éviter les écueils de cette complexité juridique, un accompagnement personnalisé est souvent indispensable. Les enjeux financiers considérables de ces opérations justifient un examen approfondi des structures contractuelles par des spécialistes du droit bancaire et financier.

Notre cabinet accompagne régulièrement les établissements bancaires et les emprunteurs dans la structuration de leurs opérations de financement complexes. N’hésitez pas à nous contacter pour sécuriser vos prochaines transactions.

Sources

  • Fasc. 505 : CRÉDITS SYNDIQUÉS. – Syndication directe, JurisClasseur Droit bancaire et financier, Première publication : 15 septembre 2003, Dernière mise à jour : 1er février 2019, Emmanuelle Bouretz.
  • Fasc. 506 : CRÉDITS SYNDIQUÉS. – Sous-participation, JurisClasseur Droit bancaire et financier, Première publication : 30 septembre 2003, Dernière mise à jour : 27 novembre 2016, Emmanuelle Bouretz.
  • Cass. com., 24 octobre 2000, n° 98-11.562.
  • Cass. com., 13 septembre 2011, n° 10-25.533 (arrêt Belvédère).
  • Ordonnance n° 2017-748 du 4 mai 2017 relative à l’agent des sûretés.
  • CA Versailles, 12e ch., 11 décembre 1997, Centrale de banque c/ SA Delom, Juris-Data n° 1997-210146.
  • Jean Terray, « L’octroi conjoint de crédit – syndicat et sous-participation », JCP E 2002, n° 12, p. 510.

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