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Quels biens financer par crédit-bail ? Du matériel aux actions en passant par l’immobilier

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Quand on pense crédit-bail, ou « leasing », l’image qui vient souvent à l’esprit est celle du financement de véhicules professionnels ou de machines industrielles. Pourtant, cet outil financier est bien plus polyvalent. Saviez-vous qu’il est possible, sous certaines conditions, de financer l’acquisition de vos bureaux, voire même d’un fonds de commerce ou de parts de société par ce biais ?

La nature du bien que vous souhaitez financer a un impact direct sur la faisabilité et la structure de l’opération de crédit-bail. Cet article explore la diversité des actifs éligibles, des plus courants aux plus spécifiques, en soulignant les particularités et les points de vigilance pour chaque catégorie.

Le crédit-bail pour les biens mobiliers corporels : le cas classique

C’est l’application la plus fréquente et la plus simple du crédit-bail. Il concerne une vaste gamme de biens meubles tangibles indispensables à l’activité de nombreuses entreprises.

Matériel d’équipement et outillage

Machines-outils, matériel agricole, équipements de chantier, flottes de véhicules utilitaires, matériel informatique… La liste est longue. Dès lors que ces biens sont destinés à un usage professionnel, ils peuvent faire l’objet d’un contrat de crédit-bail régi par le Code monétaire et financier. Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, c’est bien l’affectation professionnelle du bien qui détermine l’application de ce régime spécifique, et non sa nature intrinsèque.

Cas particulier des biens à usage mixte

Une question se pose souvent pour les biens qui peuvent avoir un double usage, comme une voiture de tourisme utilisée par un dirigeant à la fois pour ses déplacements professionnels et personnels. La règle est la suivante : tant que l’usage n’est pas exclusivement personnel, le contrat relève potentiellement du crédit-bail professionnel soumis au Code monétaire et financier. Si l’usage est purement privé, on bascule alors vers la location avec option d’achat (LOA) régie par le Code de la consommation, avec ses règles protectrices spécifiques pour le particulier. La distinction est importante car les régimes juridiques diffèrent sensiblement.

Le crédit-bail immobilier : financer vos locaux professionnels

Le crédit-bail ne se limite pas aux biens meubles. Il constitue aussi une solution pour financer l’immobilier d’entreprise, qu’il s’agisse de locaux existants ou de projets de construction.

Immeubles construits

Vous pouvez recourir au crédit-bail pour financer l’acquisition de bureaux, d’entrepôts, d’usines ou de locaux commerciaux déjà existants. Le mécanisme est similaire à celui du crédit-bail mobilier : le crédit-bailleur achète l’immeuble que vous avez choisi et vous le loue avec une promesse de vente finale. C’est une option intéressante pour acquérir des locaux sans mobiliser immédiatement des fonds propres importants.

Immeubles à construire : montages spécifiques

Le financement de la construction de bâtiments via le crédit-bail est fréquent mais plus complexe. Deux scénarios principaux existent, définis à l’article L. 313-7, 2° du Code monétaire et financier :

  1. Le crédit-bailleur achète le terrain et finance la construction : L’établissement financier acquiert le terrain sur vos indications et finance ensuite les travaux de construction, dont vous assurez généralement le suivi. Le contrat de crédit-bail porte alors sur l’ensemble terrain + bâtiment.
  2. Vous êtes propriétaire du terrain : Si votre entreprise possède déjà le terrain, vous pouvez le donner en location au crédit-bailleur via un bail à construction ou, plus rarement, un bail emphytéotique. C’est alors le crédit-bailleur, en tant que locataire du terrain, qui finance la construction des bâtiments. Il est propriétaire des constructions pendant la durée de ce bail spécifique (souvent 20-30 ans). À la fin du bail à construction, votre entreprise, propriétaire du sol, devient automatiquement propriétaire des bâtiments par le jeu de l’accession. Le contrat de crédit-bail proprement dit porte, dans ce montage, uniquement sur les constructions financées.

Ces montages impliquent des relations juridiques plus élaborées et nécessitent une attention particulière lors de la rédaction des contrats.

La publicité foncière : une étape importante

Comme pour toute opération immobilière de longue durée, le crédit-bail immobilier portant sur une durée de plus de douze ans doit faire l’objet d’une publication au service de la publicité foncière. Cette formalité, régie par le décret du 4 janvier 1955, est essentielle pour rendre le contrat opposable aux tiers (par exemple, en cas de vente de l’immeuble par le crédit-bailleur).

Le financement des biens incorporels : des opérations plus complexes

Le crédit-bail peut également, en théorie, s’appliquer à certains biens immatériels, mais ces opérations soulèvent des difficultés juridiques et pratiques qui les rendent plus rares ou spécifiques.

Le fonds de commerce ou artisanal : une option peu pratiquée

La loi a prévu la possibilité de financer un fonds de commerce ou un établissement artisanal par crédit-bail (article L. 313-7, 3° du Code monétaire et financier), dans le but de faciliter les transmissions d’entreprises. L’idée serait que le crédit-bailleur achète le fonds et le loue à l’exploitant avec une option d’achat.

Cependant, cette formule est très peu utilisée en pratique. Pourquoi ? Principalement à cause des risques importants pour le crédit-bailleur. La valeur d’un fonds de commerce dépend énormément de la qualité de sa gestion par l’exploitant (le crédit-preneur). En cas de difficultés et de non-paiement des loyers, le fonds risque d’avoir perdu une grande partie de sa valeur, rendant la « garantie » de propriété illusoire pour le financeur.

De plus, le crédit-bail sur fonds de commerce est soumis aux règles contraignantes de la location-gérance (Code de commerce, art. L. 144-1 et s.). Notamment, l’article L. 144-7 rend le crédit-bailleur solidairement responsable avec le crédit-preneur des dettes d’exploitation contractées par ce dernier pendant les six premiers mois. Imaginez le risque pour un établissement financier de devoir payer les fournisseurs de son locataire ! S’ajoute à cela la responsabilité solidaire pour les impôts directs liés à l’exploitation. Ces contraintes juridiques et fiscales (la déductibilité des loyers est limitée) expliquent la réticence des financeurs.

Les éléments incorporels du fonds

La loi permet aussi le crédit-bail sur certains éléments incorporels du fonds, comme le droit au bail. Des règles spécifiques s’appliquent alors, notamment concernant le droit au renouvellement, qui appartient en principe au crédit-bailleur (article L. 313-7, 2° alinéa 2 du CMF, dérogeant à l’article L. 145-8 du Code de commerce). Le financement de brevets ou de marques par crédit-bail est également envisageable mais reste marginal.

Les parts sociales ou actions : faciliter la reprise d’entreprise ?

Instauré plus récemment (article L. 313-7, 4° CMF et L. 239-1 à L. 239-5 du Code de commerce), le crédit-bail de titres vise à aider les repreneurs personnes physiques à acquérir des PME. Le financeur achète les parts ou actions et les loue au repreneur avec option d’achat.

Toutefois, son application est limitée par des conditions strictes : il ne concerne que les titres nominatifs de sociétés non cotées (soumises à l’IS), le locataire doit être une personne physique, les statuts de la société doivent le permettre, et un double agrément (du bailleur comme acheteur et du preneur comme locataire) est souvent nécessaire. De plus, son régime fiscal n’est pas particulièrement incitatif. Résultat : ce mécanisme reste peu développé.

Le cas des logiciels : entre matériel et service

Financer des logiciels par crédit-bail soulève un véritable casse-tête juridique. Le problème vient de la nature même du logiciel : est-ce un « bien » que l’on peut acheter et posséder comme une machine, ou est-ce plutôt un droit d’usage concédé via une licence, s’apparentant davantage à un service ?

  • Pour un logiciel spécifique développé sur mesure, si le contrat de développement prévoit une cession complète des droits patrimoniaux au financeur, le crédit-bail pourrait être envisageable.
  • Pour un progiciel (logiciel standard), le fournisseur concède généralement une simple licence d’utilisation, non exclusive et limitée. Dans ce cas, le financeur n’achète pas réellement le « bien » logiciel, mais plutôt un droit d’usage qu’il « re-loue ». Juridiquement, cela s’éloigne de la définition stricte du crédit-bail.

Certains considèrent que l’achat porte sur la copie physique ou numérique du logiciel, distincte de la propriété intellectuelle, ce qui rendrait le crédit-bail possible. D’autres contestent cette analyse. La jurisprudence n’a pas clairement tranché cette question de qualification, même si des litiges existent concernant des opérations incluant matériel et logiciels. La prudence est donc de mise.

La cession-bail (lease-back) : transformer vos actifs en liquidités

Une variante intéressante est la cession-bail, ou lease-back. Le principe est inversé : votre entreprise vend un bien qu’elle possède déjà (un immeuble, une machine…) à une société de crédit-bail, et simultanément, cette société vous le reloue via un contrat de crédit-bail.

L’objectif principal est de dégager des liquidités en monétisant un actif immobilisé, tout en continuant à l’utiliser. C’est un outil de gestion de trésorerie ou de financement de nouveaux projets.

Attention cependant aux risques : si l’opération sert uniquement à masquer des difficultés financières profondes, elle peut être requalifiée ou engager la responsabilité du crédit-bailleur s’il avait connaissance de l’état de cessation des paiements de l’entreprise cédante. La cession-bail doit s’inscrire dans une stratégie financière saine.

En conclusion, le champ des possibles en matière de crédit-bail est vaste, mais chaque type de bien apporte son lot de spécificités. Si les biens mobiliers corporels et l’immobilier constituent le cœur de cette pratique, le financement d’actifs incorporels comme les fonds de commerce, les parts sociales ou les logiciels reste complexe et parfois juridiquement incertain. La structure même de l’opération, notamment pour l’immobilier à construire ou la cession-bail, demande une ingénierie contractuelle adaptée.

Le type de bien influence grandement la faisabilité, les risques et les clauses contractuelles de votre crédit-bail. Avant de vous engager dans une opération, particulièrement si elle concerne des actifs non standards, une analyse juridique approfondie est essentielle pour sécuriser vos intérêts. Notre cabinet se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche.

Sources

  • Code monétaire et financier : notamment articles L. 313-7, L. 313-10, R. 313-3 et s.
  • Code de commerce : notamment articles L. 144-1 et s. (location-gérance), L. 145-8 (droit au renouvellement), L. 239-1 et s. (location de titres).
  • Code de la propriété intellectuelle (concernant les logiciels).
  • Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.

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