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Qu’est-ce que la déchéance du terme ?

Table des matières

Lorsqu’un emprunteur ne parvient plus à honorer les échéances de son prêt, la banque peut engager une procédure de recouvrement. La déchéance du terme est l’une des sanctions les plus sévères qu’elle peut prononcer. Sa définition juridique est celle d’une sanction contractuelle qui met fin à l’échéancier de paiement et oblige au remboursement immédiat de la totalité du capital restant dû. Si cette mesure est redoutable, elle n’est pas une fatalité. La loi, et surtout la jurisprudence récente, ont considérablement renforcé les droits des emprunteurs en soumettant la validité des clauses de déchéance du terme à un contrôle strict.

1. Qu’est-ce que la déchéance du terme et quelles sont ses conséquences ?

La déchéance du terme est une sanction contractuelle par laquelle un créancier, le plus souvent une banque ou un établissement financier, prive son débiteur du bénéfice des délais de paiement qui lui avaient été accordés. Concrètement, dans le cadre d’un contrat de prêt immobilier ou à la consommation, cela signifie que l’échéancier et le tableau d’amortissement sont annulés. L’emprunteur perd le droit de rembourser son crédit par mensualités successives et se voit contraint de restituer immédiatement l’intégralité des sommes encore dues au titre du capital.

Cette sanction, prévue par une clause spécifique du contrat de prêt, est principalement mise en œuvre en cas de non-paiement des échéances. Les conséquences pour l’emprunteur défaillant sont immédiates et sévères. Le prêteur peut exiger, en une seule fois :

  • La totalité du capital restant dû ;
  • Les intérêts échus et non encore payés ;
  • Une indemnité de pénalité, souvent prévue au contrat, généralement fixée à un taux de 7% ou 8% du capital restant dû.

Par exemple, si un emprunteur doit encore 100 000 € de capital sur un prêt immobilier et cesse de payer ses mensualités, la banque, après avoir prononcé la déchéance du terme, pourra lui réclamer le paiement immédiat de ces 100 000 €, majoré des intérêts de retard à un taux contractuellement prévu et d’une éventuelle pénalité. Cette situation mène souvent à un contentieux et à des procédures de saisie, notamment la saisie immobilière du bien financé. Pour mieux anticiper et comprendre toutes les conséquences du défaut de paiement, notre guide complet vous éclairera.

2. La procédure de déchéance du terme : le rôle clé de la mise en demeure

Une banque ne peut pas prononcer la déchéance du terme de manière arbitraire ou automatique. La jurisprudence, de manière constante, a encadré cette procédure en imposant au prêteur de respecter des étapes précises, destinées à protéger l’emprunteur et à lui permettre de régler sa situation.

L’exigence d’une mise en demeure préalable restée sans effet

Avant de pouvoir prononcer la déchéance du terme, le prêteur a l’obligation d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de payer. Cet acte formel, généralement envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception, doit impérativement précéder la sanction. Comme l’a jugé la Cour de cassation, la déchéance du terme « ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet » (Cass. 1ère chambre civile, 3 juin 2015, n° 14-15.655, Bull. civ. I, n° 131).

Cette mise en demeure doit informer clairement le débiteur de la nature et du montant des sommes réclamées (les échéances impayées). Surtout, elle doit lui accorder un délai pour régulariser sa situation, précisant la date limite de paiement. Ce n’est que si l’emprunteur ne paie pas dans le délai imparti que la banque sera en droit de prononcer la déchéance du terme et de rendre sa créance immédiatement exigible.

Qu’est-ce qu’un ‘délai de préavis raisonnable’ ?

La jurisprudence a récemment renforcé cette protection en ajoutant une condition essentielle : le délai accordé dans la mise en demeure doit être « raisonnable ». Dans un arrêt majeur du 22 mars 2023, la Cour de cassation a jugé qu’une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de prêt sans un préavis d’une durée raisonnable créait une « aggravation soudaine des conditions de remboursement » et constituait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur (Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044).

Bien que la loi ne fixe pas de durée chiffrée, cette décision a mis fin à la pratique de nombreux établissements de crédit qui accordaient des délais abusivement courts, souvent de 8 jours. Un délai est considéré comme raisonnable s’il permet effectivement à l’emprunteur, en quelques jours, de prendre les dispositions nécessaires pour remédier à sa défaillance. Un préavis trop bref est désormais considéré comme le signe d’une clause abusive, susceptible d’être annulée par un juge, ce qui peut faire échec à toute la procédure de recouvrement et ouvrir une phase de contentieux.

3. La clause de déchéance du terme face au contrôle des clauses abusives

Le principal angle de contestation de la déchéance du terme réside dans le droit de la consommation et sa protection contre les clauses abusives. Une clause est jugée abusive si elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. La jurisprudence, tant européenne que française, a progressivement renforcé ce contrôle, offrant des leviers de défense puissants à l’emprunteur.

Le ‘déséquilibre significatif’ : critère d’une clause abusive

Le déséquilibre significatif est le critère central permettant de qualifier une clause d’abusive. Il s’apprécie au moment de la conclusion du contrat, en tenant compte de l’ensemble de ses stipulations. Une clause de déchéance du terme peut créer un tel déséquilibre si ses conditions de mise en œuvre sont particulièrement sévères pour l’emprunteur, sans contrepartie réelle.

L’arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2023, qui fait l’actualité juridique, illustre parfaitement cette notion. En jugeant qu’un préavis déraisonnable avant la déchéance du terme entraînait une « aggravation soudaine des conditions de remboursement », la Cour a directement lié le manque de préavis au fait que la clause crée un déséquilibre significatif. La clause a donc été qualifiée d’abusive et la résiliation du contrat écartée. Pour une analyse approfondie de ce qu’est le caractère abusif de la clause, notre guide complet est à votre disposition.

Le pouvoir du juge de soulever d’office le caractère abusif

Une protection fondamentale, souvent méconnue, réside dans le pouvoir et même l’obligation du juge de contrôler d’office le caractère abusif des clauses d’un contrat de prêt. Cela signifie que même si l’emprunteur ou son avocat ne le demande pas explicitement, le juge doit examiner le contrat pour vérifier que les droits du consommateur sont respectés. Cette obligation, imposée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 21 nov. 2002, Cofidis, C-473/00), s’applique à toutes les étapes de la procédure.

De manière encore plus protectrice, ce pouvoir s’étend au juge de l’exécution, c’est-à-dire le magistrat chargé de superviser les mesures de saisie après une condamnation. Ainsi, même après un jugement définitif condamnant un emprunteur à payer, le juge de l’exécution peut encore examiner le contrat de prêt et écarter l’application d’une clause abusive, comme celle instaurant une déchéance du terme irrégulière, paralysant ainsi l’exigibilité de la créance de la banque. Pour en savoir plus sur le rôle du juge de l’exécution, nous avons préparé un article dédié.

Sanction : la clause réputée non écrite

Lorsqu’une clause est jugée abusive, la sanction est radicale : elle est « réputée non écrite ». Cela signifie que le juge ne la modifie pas ou ne l’adapte pas ; il l’annule purement et simplement, comme si elle n’avait jamais existé dans le document. Le contrat de prêt continue de s’appliquer, mais sans cette clause. Par conséquent, si la clause de déchéance du terme est réputée non écrite, la banque perd le droit de se prévaloir de cette sanction. Le contrat doit alors reprendre son cours normal, notamment le tableau d’amortissement initialement prévu, et la banque ne peut plus exiger le remboursement immédiat du capital. Elle ne peut réclamer que le paiement des mensualités impayées à la date du jugement.

4. Responsabilité du prêteur : un angle de défense pour l’emprunteur

La déchéance du terme est souvent perçue comme la conséquence unique de la défaillance de l’emprunteur. Cependant, la banque, en tant que professionnel du crédit, est soumise à des obligations strictes dont le non-respect peut constituer une faute et priver d’effet la procédure de déchéance, un point essentiel en cas de contentieux.

Le devoir de mise en garde et la vérification de la solvabilité

Avant d’octroyer un crédit, le prêteur doit s’assurer de la solvabilité de l’emprunteur. Cette obligation implique notamment la consultation du Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP) tenu par la Banque de France. De plus, la jurisprudence a consacré un devoir de mise en garde à la charge de la banque. Elle doit alerter l’emprunteur non averti sur les risques d’endettement excessif que le prêt pourrait engendrer au regard de ses capacités financières, en tenant compte des autres charges comme une éventuelle assurance emprunteur ou l’intervention d’une caution. Si la banque manque à ce devoir et que le risque d’endettement se réalise, sa responsabilité peut être engagée, ce qui peut conduire à une indemnisation de l’emprunteur venant compenser sa dette.

L’obligation de vérifier la légalité et l’exécution du contrat principal (crédit affecté)

Dans le cas d’un crédit affecté, c’est-à-dire un prêt souscrit pour financer une opération précise (achat d’une voiture, installation de panneaux solaires par une entreprise, etc.), les obligations du prêteur sont encore plus étendues. La Cour de cassation a jugé que le prêteur commet une faute s’il débloque les fonds au profit du vendeur sans s’être assuré au préalable de la parfaite régularité du contrat principal et de sa complète exécution.

Par exemple, si le bon de commande est irrégulier ou si la prestation n’a pas été entièrement réalisée, la banque qui paie le vendeur commet une faute. Cette faute est lourde de conséquences : elle peut priver le prêteur de son droit à obtenir le remboursement du capital. Pour l’emprunteur, c’est un moyen de défense extrêmement efficace, car il peut conduire à l’annulation pure et simple de sa dette. Cet argument est un levier puissant dans le cadre d’un contentieux judiciaire pour éviter la déchéance.

5. Quels sont les recours pour l’emprunteur face à une déchéance du terme ?

Face à une menace de déchéance du terme ou une fois celle-ci prononcée, l’emprunteur n’est pas démuni. Plusieurs voies de recours, de la négociation à la contestation judiciaire, peuvent être envisagées pour trouver une solution et protéger son patrimoine.

La première étape consiste souvent à négocier avec l’organisme prêteur. Il est parfois possible d’obtenir un réaménagement de la dette, un échéancier de paiement pour les mensualités en retard, voire un plan de remboursement global. Si la négociation échoue, le contentieux judiciaire devient l’option principale. L’emprunteur peut alors, avec l’aide d’un avocat, soulever l’ensemble des arguments développés précédemment : l’absence d’une mise en demeure préalable avec un délai raisonnable, le caractère abusif de la clause de déchéance, ou encore une faute de la banque dans l’octroi du crédit ou le déblocage des fonds. En dernier recours, si la situation financière est gravement compromise, la saisine de la commission de surendettement permet de suspendre les poursuites et d’élaborer un plan de redressement, évitant un contentieux long et coûteux. Pour explorer en détail la procédure de surendettement, consultez notre page dédiée.

Face à la complexité de la déchéance du terme et des procédures bancaires, l’accompagnement d’un avocat est essentiel. Pour une analyse de votre situation et pour bénéficier de nos expertises en droit bancaire, n’hésitez pas à nous contacter sur notre site.

Sources

  • Code de la consommation, notamment les articles L312-1 et suivants (crédit à la consommation) et L313-1 et suivants (crédit immobilier).
  • Code civil, notamment les articles 1171 (clauses abusives dans les contrats d’adhésion) et 2288 et suivants (cautionnement).
  • Jurisprudence de la Cour de cassation (notamment Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 14-15.655, Bull. civ. I, n° 131 ; Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044).
  • Jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (notamment CJUE, 21 nov. 2002, Cofidis, C-473/00 ; CJUE, 26 janvier 2017, Banco Primus, C-421/14).

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