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À partir de quelle somme un huissier intervient : ce que vous devez savoir

Table des matières

La réception d’un courrier de commissaire de justice (anciennement huissier de justice) pour une facture impayée, qu’il s’agisse d’un loyer ou d’un crédit à la consommation, soulève une question légitime : le montant de la dette justifie-t-il une telle démarche ? Contrairement à une idée répandue, la loi ne fixe aucun seuil minimal pour son intervention. Cependant, la réalité pratique est plus nuancée. Comprendre le rôle de cet officier ministériel, connaître les procédures existantes et vos droits est essentiel pour naviguer ce processus complexe, où l’expertise d’un avocat spécialisé en voies d’exécution peut s’avérer déterminante pour définir la meilleure action à mener.

Le rôle du commissaire de justice : du recouvrement amiable à l’exécution forcée

Successeur des huissiers de justice, le commissaire de justice est un officier public et ministériel dont les missions sont clairement définies par la loi. Son intervention progresse par étapes, allant de la négociation à la contrainte, dans une fonction qui relève du service public de la justice.

Initialement, il agit dans un cadre de recouvrement amiable. Sans décision de justice, son pouvoir se limite à celui d’une agence ou société de recouvrement dans le cadre de son activité de recouvrement de créances : il envoie des courriers, comme une lettre recommandée ou une sommation de payer (qui reste amiable à ce stade), prend contact et tente de négocier un plan de paiement. Cette phase ne nécessite pas de titre exécutoire et est souvent utilisée pour les créances de faible montant.

Si la phase amiable échoue, le créancier doit obtenir une décision de justice pour passer à l’exécution. C’est là que le monopole du commissaire de justice prend toute son importance. Muni d’un titre exécutoire (un jugement, une ordonnance d’injonction de payer, un acte notarié), il est le seul professionnel habilité à mettre en œuvre des mesures de contrainte pour saisir les biens du débiteur.

Le seuil d’intervention : mythes et réalités financières

Il est fondamental de retenir qu’il n’existe aucun montant minimum légal pour qu’un commissaire de justice puisse intervenir. En théorie, la question ‘pour quelle somme un huissier intervient ?’ a une réponse simple : il n’y a pas de minimum. Un créancier pourra le mandater pour une dette de quelques euros seulement.

En pratique, la décision d’engager une procédure est guidée par une logique économique. Pour une très petite créance, le coût des démarches peut rapidement dépasser la somme à recouvrer. C’est pourquoi on observe des seuils pratiques, souvent situés entre 200 et 500 euros, en deçà desquels les créanciers hésitent à lancer une procédure judiciaire complète, surtout si la dette n’est pas déjà prescrite.

Pour faciliter le recouvrement des créances modestes, le législateur a mis en place une procédure simplifiée. L’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) permet à un commissaire de justice, pour une créance dont le montant est inférieur ou égal à 5000 €, de proposer une solution au débiteur. Si ce dernier accepte le principe et les modalités de paiement dans le délai imparti, souvent via un plan de remboursement, le commissaire pourra délivrer un titre exécutoire sans passer par un tribunal, rendant la démarche plus rapide et moins coûteuse.

Les différentes procédures de recouvrement et types de saisies

Lorsqu’il dispose d’un titre exécutoire, le commissaire de justice peut recourir à plusieurs types de saisies pour recouvrer la dette. Chacune vise une catégorie de biens spécifique :

  • La saisie-vente porte sur les biens meubles corporels du débiteur (véhicule, mobilier, matériel informatique), souvent à son domicile. L’objet de cette vente aux enchères est de transformer les biens en argent pour payer le créancier. Une telle vente forcée est une mesure coercitive sérieuse.
  • La saisie-appréhension permet de récupérer un bien meuble spécifique que le débiteur est tenu de livrer.
  • La saisie immobilière, procédure lourde et complexe, concerne les biens immobiliers (maison, appartement).
  • La saisie-attribution, l’une des plus courantes, cible les sommes d’argent détenues par des tiers pour le compte du débiteur, principalement sur les comptes bancaires.

Focus sur la saisie des rémunérations et la réforme de 2025

Actuellement, la saisie des rémunérations (salaires, pensions) est une procédure judiciaire menée devant le juge de l’exécution. Cependant, une réforme importante, issue de la loi du 20 novembre 2023 et applicable au plus tard le 1er juillet 2025, va « déjudiciariser » cette procédure. La gestion de la saisie sur salaire sera entièrement transférée aux commissaires de justice, confirmant leur statut d’acteur central. Le juge n’interviendra qu’en cas de contestation soulevée par le débiteur ou un créancier, laquelle pourra faire l’objet d’un appel. L’objectif est d’accélérer les démarches et d’uniformiser les procédures d’exécution.

La saisie sur compte bancaire (saisie-attribution) : une procédure complexe

La saisie attribution sur compte bancaire est une procédure redoutable en raison de son effet immédiat. Dès que l’acte est signifié à la banque (le « tiers saisi »), les sommes disponibles sur tous les comptes du débiteur sont bloquées à hauteur du montant de la dette, incluant les intérêts au taux légal et les frais. La banque, en sa qualité d’établissement de crédit, a l’obligation de déclarer immédiatement le solde de tous les comptes, qu’ils soient créditeurs ou débiteurs. Toutefois, des mécanismes de protection existent pour le débiteur, notamment dans des situations spécifiques.

Le Solde Bancaire Insaisissable (SBI) : un minimum vital protégé

Pour garantir au débiteur un minimum vital, la loi a instauré le Solde Bancaire Insaisissable (SBI). Conformément à l’article L. 162-2 du CPCE, une somme équivalente au montant du Revenu de Solidarité Active (RSA) pour une personne seule est obligatoirement laissée à la disposition du débiteur. Ce montant est insaisissable, quelle que soit l’origine des fonds, et n’est appliqué qu’une seule fois par saisie, sur l’ensemble des comptes.

Saisie d’un compte joint : quelles conséquences pour le cotitulaire ?

La saisie d’un compte joint présente des difficultés particulières. Par défaut, la totalité du solde du compte est présumée appartenir aux deux cotitulaires et est donc saisissable, même si une seule personne est débitrice. Cependant, le cotitulaire non-débiteur (la personne non concernée par la dette) a le droit de contester. Il doit tenter de prouver l’origine et la nature personnelle des fonds présents sur le compte (par exemple, des salaires ou des héritages qui lui sont propres). La jurisprudence (Civ. 2e, 21 mars 2019) confirme que la charge de cette preuve lui incombe. De plus, l’article R. 162-9 du CPCE protège spécifiquement les gains et salaires du conjoint de l’époux débiteur, qui peuvent être retirés de l’assiette de la saisie.

Le cas spécifique des comptes professionnels et des fonds clients

Les fonds détenus dans le cadre d’une activité commerciale ou libérale pour le compte de ses clients (avocats, agents immobiliers, etc.) sont en principe insaisissables par les créanciers personnels du titulaire du compte. Toutefois, la jurisprudence impose une condition très stricte pour que cette protection s’applique : les fonds des tiers doivent être déposés sur un compte bancaire exclusivement dédié à cette activité et clairement individualisés. S’il existe une confusion entre le patrimoine de l’entrepreneur et les fonds de ses clients sur un même compte, la totalité des sommes devient saisissable. Cette disposition est cruciale à retenir.

Obligations et risques pour le tiers saisi (banque, employeur)

Le tiers saisi (la banque, l’employeur) joue un rôle crucial et engage sa responsabilité. Le Code de procédure civile, via l’article L. 211-3 du CPCE, vient imposer une obligation de déclaration immédiate et exacte des sommes qu’il détient pour le compte du débiteur. En cas de refus de déclaration, de déclaration tardive ou mensongère, les sanctions sont sévères. L’article R. 211-5 du CPCE prévoit que le tribunal compétent pourra condamner le tiers saisi à payer lui-même la dette du débiteur, sauf à prouver un motif légitime pour sa défaillance ou à faire appel de la décision.

Frais de commissaire de justice : qui paie et combien ?

La question des frais est centrale et il est important de connaître le montant qui peut être réclamé. L’article L. 111-8 du CPCE établit une distinction fondamentale :

  • Les frais de l’exécution forcée (actes réalisés avec un titre exécutoire) sont à la charge du débiteur. Le droit de recouvrement, dont le tarif est proportionnel au montant récupéré, en fait partie.
  • Les frais des démarches amiables (avant toute décision de justice) restent à la charge du créancier. Celui-ci ne peut donc pas vous les réclamer. Attention, certains actes comme le constat ont leur propre tarif.

Le coût d’une procédure se compose d’émoluments (dont le tarif est réglementé), d’honoraires libres et de débours. Il est essentiel de comprendre leur répartition et les contester si nécessaire. En cas de doute, on peut demander à l’étude du commissaire un décompte détaillé ou vérifier gratuitement les frais auprès des instances professionnelles.

Actualité 2024 : l’annulation des tarifs de frais de déplacement

Une décision importante du Conseil d’État en date du 5 février 2024 a annulé, à compter du 1er juin 2024, l’arrêté de 2022 qui fixait les tarifs des frais de déplacement des commissaires de justice. Cette annulation crée une incertitude juridique. En attendant un nouveau décret réglementaire, la facturation de ces déplacements spécifiques est devenue un point de vigilance pour les créanciers comme pour les débiteurs.

Protection du débiteur : quels sont vos droits et les biens insaisissables ?

La loi protège le débiteur en déclarant certains biens et créances « insaisissables » pour préserver sa dignité et ses besoins essentiels. Parmi eux figurent les biens nécessaires à la vie courante et au travail (vêtements, lit, table, ordinateur pour l’activité), pour répondre à un besoin essentiel, ainsi que la plupart des prestations sociales et familiales (RSA, allocations familiales, pensions alimentaires). Une partie des salaires et pensions de retraite est également protégée.

Face à une procédure, le débiteur dispose de plusieurs droits : il peut contester la créance devant le juge (par exemple en soulevant son délai de prescription), demander des délais de paiement au tribunal, ou, en cas d’impossibilité manifeste de faire face à ses dettes, déposer un dossier de surendettement auprès de la Banque de France. Cette procédure de surendettement constitue le mécanisme de protection ultime, pouvant suspendre les saisies en cours.

Le titre exécutoire : la clé de voûte de l’exécution

Le titre exécutoire est le document juridique indispensable qui autorise le commissaire de justice à recourir à la contrainte. Sans ce sésame, aucune saisie n’est possible. L’article L. 111-3 du CPCE en dresse la liste, qui inclut principalement :

  • Les décisions des tribunaux (un jugement exécutoire, une ordonnance d’injonction de payer) lorsqu’elles ne sont plus susceptibles de recours suspensif (comme un appel).
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire, qui permettent par exemple à une banque de poursuivre directement le recouvrement d’un prêt impayé.
  • Les titres délivrés par l’administration pour le recouvrement des impôts ou taxes.

L’obtention et la signification de ce titre sont des étapes obligatoires avant toute mesure coercitive. Il est à noter que la récente réforme du droit des sûretés a également modifié le paysage des garanties de paiement, rendant l’analyse de ces titres encore plus technique. En renforçant l’efficacité de certaines garanties (comme la cession de créance à titre de garantie, souvent utilisée dans le cadre de crédit aux entreprises), cette réforme donne plus de force aux créanciers pour obtenir et exécuter un titre. C’est une matière complexe où l’avis d’un expert est crucial.

Prévenir l’intervention du commissaire : négociation et alternatives

Pour un débiteur, la meilleure stratégie reste d’éviter d’en arriver à l’exécution. Dès la réception d’un commandement de payer ou même d’une simple mise en demeure, il est conseillé de prendre contact avec le créancier ou directement avec le commissaire de justice. Proposer un échéancier de paiement réaliste est souvent une solution efficace pour suspendre les poursuites. C’est la meilleure manière de respecter ses obligations tout en évitant l’escalade judiciaire.

Des alternatives comme la médiation ou la conciliation peuvent aussi être envisagées pour trouver un accord à l’amiable. Agir rapidement, de bonne foi et avant l’échéance de tout délai est la meilleure manière de prévenir l’escalade et les frais qui en découlent. La gestion d’une dette et le processus de recouvrement sont des domaines complexes. En cas de difficultés, l’assistance d’un avocat est souvent indispensable pour défendre vos droits et vous aider à trouver la solution la plus adaptée. Notre cabinet se tient à votre disposition pour analyser votre situation.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (notamment les articles L111-3, L111-8, L125-1, L162-2, L211-3, R162-9, R211-5)
  • Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
  • Code monétaire et financier et Code de la consommation
  • Jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation

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