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Le régime des hypothèques maritimes

Table des matières

L’hypothèque maritime représente une garantie essentielle pour l’activité maritime. Elle permet aux armateurs d’obtenir des financements pour l’acquisition ou la construction de navires. Découvrons ensemble ce mécanisme juridique particulier.

I. Présentation de l’hypothèque maritime

Définition et nature juridique

L’hypothèque maritime est une sûreté réelle qui grève un navire sans dépossession du propriétaire. Elle assure au créancier le droit de faire vendre le navire en cas de non-paiement et d’être payé par préférence sur le prix.

Bien que le navire soit un meuble, l’hypothèque maritime emprunte plusieurs caractéristiques aux hypothèques immobilières. Cette particularité découle de la valeur économique importante des navires.

Historique

Les origines modernes de l’hypothèque maritime remontent aux lois du 10 décembre 1874 et du 10 juillet 1885. Ces textes ont créé un instrument juridique adapté aux besoins du commerce maritime.

Avant cette réforme, le crédit maritime reposait principalement sur le « prêt à la grosse aventure », un mécanisme ancien et peu adapté à l’évolution du transport maritime. La loi de 1885 a confirmé l’hypothèque maritime tout en abrogeant les privilèges qui accordaient une sûreté aux prêts consentis avant le départ.

Spécificités par rapport aux hypothèques terrestres

L’hypothèque maritime présente des particularités notables :

  • Elle porte sur un bien meuble et non un immeuble
  • Elle s’étend aux accessoires du navire
  • Son inscription est limitée à 10 ans
  • Elle coexiste avec un système de privilèges maritimes qui lui sont supérieurs
  • Elle est soumise à un régime de publicité spécifique

II. Cadre juridique

Sources nationales

Le régime de l’hypothèque maritime est aujourd’hui codifié dans le Code des transports et le Code des douanes. Les dispositions principales se trouvent dans les articles L. 5114-3 et suivants du Code des transports.

Le Code des douanes complète ce dispositif avec des règles relatives à l’inscription et à la publicité des hypothèques (articles 241 à 252).

Sources internationales

Le droit international joue un rôle important. La Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 pour l’unification de certaines règles relatives aux privilèges et hypothèques maritimes définit un cadre harmonisé.

Cette convention garantit la reconnaissance internationale des hypothèques par les États signataires. Elle assure ainsi que les hypothèques prises sur un navire dans un État contractant seront respectées dans les autres États membres.

Convention de Bruxelles de 1926

La Convention organise la hiérarchie entre les privilèges maritimes et les hypothèques. Elle accorde la priorité à certains privilèges maritimes (frais de justice, créances d’assistance…) sur les hypothèques.

Ce texte international permet aux créanciers hypothécaires de bénéficier d’une protection uniforme, quel que soit le port où se trouve le navire, à condition que ce port soit situé dans un État partie à la Convention.

III. Constitution de l’hypothèque

Navires susceptibles d’hypothèque

Seuls les navires francisés peuvent être hypothéqués en France. Cette règle exclut donc les embarcations légères et les navires battant pavillon étranger, sauf dispositions internationales contraires.

Un navire en construction peut également être hypothéqué. Dans ce cas, l’hypothèque doit être précédée d’une déclaration faite au conservateur des hypothèques maritimes, mentionnant les caractéristiques du futur navire.

Assiette de l’hypothèque

L’assiette de l’hypothèque comprend le corps du navire et tous ses accessoires : machines, agrès, apparaux et autres équipements nécessaires à son exploitation.

Le fret n’est pas compris dans l’assiette de l’hypothèque, contrairement aux privilèges maritimes dont l’assiette inclut la fortune de mer.

En revanche, l’hypothèque s’étend aux indemnités dues au propriétaire en cas de perte ou d’avarie du navire. Ces indemnités incluent celles d’assurance sur le corps du navire, ce qui constitue une garantie importante pour le créancier.

Forme et contenu de l’acte

L’hypothèque doit être constituée par écrit à peine de nullité. L’acte peut être sous seing privé ou authentique. S’il est sous seing privé, il doit être établi en plusieurs originaux puisqu’un exemplaire doit être déposé à la recette des douanes.

L’acte constitutif doit mentionner :

  • L’identité des parties
  • Le montant garanti
  • La désignation précise du navire
  • Les modalités de remboursement
  • Les conventions relatives aux intérêts

Un autre aspect intéressant : le titre constitutif de l’hypothèque peut contenir une mention « à ordre », permettant sa négociation par simple endossement.

Capacité et pouvoir

L’hypothèque peut être constituée par le propriétaire du navire ou son mandataire muni d’un pouvoir spécial et écrit.

Pour les navires en copropriété, le gérant peut hypothéquer avec le consentement d’une majorité des intérêts représentant les trois-quarts de la valeur du navire. Chaque copropriétaire peut également hypothéquer sa part.

IV. Publicité et opposabilité

Inscription aux hypothèques maritimes

L’hypothèque doit être inscrite sur un registre spécial tenu par le conservateur des hypothèques maritimes du lieu où le navire est immatriculé.

Pour requérir cette inscription, le créancier doit présenter l’original du titre (ou une expédition s’il est authentique), accompagné de trois bordereaux signés indiquant les informations essentielles de l’hypothèque.

Ces formalités d’inscription, autrefois gérées par l’administration des douanes, relèvent depuis le 1er janvier 2022 des greffiers des tribunaux de commerce chargés de la tenue du registre des sûretés mobilières.

Durée de validité

L’hypothèque maritime se périme par dix ans à compter de son inscription. Ce délai est différent des hypothèques immobilières dont la durée d’inscription peut être plus longue.

Cette durée limitée vise à assurer une certaine fluidité dans le crédit maritime tout en protégeant les intérêts du créancier pendant une période raisonnable.

Renouvellement

Le renouvellement de l’inscription a lieu de dix ans en dix ans, tant que l’hypothèque n’a pas produit son effet légal (remboursement, transfert de propriété, adjudication sur saisie).

Ce renouvellement doit suivre les mêmes formalités que l’inscription primitive. Le défaut de renouvellement entraîne la perte du rang et la disparition de l’hypothèque à l’égard des tiers.

Information des tiers

Les tiers peuvent se renseigner sur l’existence d’hypothèques grevant un navire en sollicitant un état des inscriptions auprès du conservateur des hypothèques maritimes.

Ce système de publicité permet aux acheteurs potentiels de connaître les charges qui pèsent sur le navire avant de s’engager.

V. Effets de l’hypothèque

Droit de préférence

L’hypothèque maritime confère au créancier un droit de préférence sur le prix de vente du navire. Ce droit s’exerce après les privilèges maritimes de l’article L. 5114-8 du Code des transports, mais avant les privilèges de droit commun.

En cas de concours entre plusieurs créanciers hypothécaires, le rang est déterminé par la date des inscriptions. Les hypothèques inscrites le même jour viennent au même rang.

Droit de suite

Le créancier hypothécaire dispose d’un droit de suite lui permettant d’exercer ses droits sur le navire, même si celui-ci a changé de propriétaire. Ce droit est exercé par voie de saisie-exécution.

Le droit de suite s’exerce sous réserve des formalités de purge que peut accomplir l’acquéreur du navire.

Rang entre créanciers

La hiérarchie des créanciers s’établit ainsi :

  1. Les privilèges maritimes internationaux (dans l’ordre de l’article L. 5114-8 du Code des transports)
  2. Les hypothèques maritimes (dans l’ordre de leur inscription)
  3. Les privilèges de droit commun
  4. Les créanciers chirographaires

Cette hiérarchie montre que l’hypothèque, bien qu’importante, reste subordonnée aux privilèges maritimes, ce qui peut fragiliser sa valeur comme garantie.

Conflit avec d’autres sûretés

Des conflits peuvent survenir entre l’hypothèque maritime et d’autres garanties. Par exemple, un nantissement sur l’outillage et le matériel d’équipement du navire peut entrer en concurrence avec l’hypothèque.

La jurisprudence a tranché en faveur de l’hypothèque maritime dans ce cas de figure (Cass. com., 1er juin 1970).

VI. Mise en œuvre et extinction

Cas de défaillance du débiteur

En cas de non-paiement, le créancier peut mettre en œuvre l’hypothèque. Plusieurs situations peuvent déclencher cette mise en œuvre :

  • Défaut de paiement des échéances
  • Déchéance du terme pour diminution des garanties
  • Vente volontaire du navire

Le créancier dispose de recours préventifs comme la possibilité d’exiger un supplément de garantie si le navire se dégrade ou s’il est exposé à une navigation périlleuse non prévue initialement.

Procédure d’exécution

La réalisation de l’hypothèque passe par une procédure de saisie-exécution régie par les articles L. 5114-23 à L. 5114-29 du Code des transports.

Cette procédure commence par un commandement de payer signifié au propriétaire du navire. Si le paiement n’intervient pas dans les 24 heures, un procès-verbal de saisie est dressé par huissier.

S’ensuit une procédure judiciaire devant le juge de l’exécution qui organise la vente aux enchères du navire.

Causes d’extinction

L’hypothèque maritime s’éteint par :

  • Le paiement complet de la dette
  • La péremption de l’inscription (10 ans sans renouvellement)
  • La renonciation du créancier
  • La vente en justice du navire
  • La purge suite à une vente volontaire
  • La perte totale du navire

En cas de vente volontaire, l’hypothèque s’éteint deux mois après la publication de l’acte de transfert, sauf opposition du créancier.

Radiation

La radiation de l’inscription peut résulter d’un acte volontaire du créancier ou d’une décision judiciaire.

Pour la radiation volontaire, le créancier ou son cessionnaire justifiant de ses droits peut déposer un acte authentique ou sous seing privé constatant la mainlevée.

La radiation judiciaire intervient suite à un jugement du tribunal judiciaire du lieu d’inscription. Le juge peut ordonner la radiation totale ou partielle de l’inscription.

L’hypothèque maritime offre aux créanciers une garantie solide, mais subordonnée à certains privilèges. Elle constitue un outil essentiel du financement maritime, contribuant au développement du transport par mer et à la construction navale.

Sources

Code des transports, articles L. 5114-3 et suivants Code des douanes, articles 241 à 252 Convention de Bruxelles du 10 avril 1926 Jurisprudence : Cass. com., 1er juin 1970 Fascicule 1095 du JurisClasseur Transport Document « Fasc. 30 : NAVIRE. — Privilèges et hypothèques maritimes. Saisie du navire. — Crédit maritime »

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