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Vous êtes créancier d’un débiteur qui possède des parts sociales ? La saisie de ces droits pourrait constituer un recours efficace pour obtenir paiement. Cependant, cette procédure complexe obéit à des règles strictes qu’il convient de maîtriser.
Droits d’associé : des biens saisissables sous conditions
Les droits d’associé représentent la fraction du capital social attribuée à chaque membre d’une société. Leur nature juridique varie selon le type de structure.
Dans les sociétés de personnes (SNC, SCS, SARL), on parle de parts sociales. Dans les sociétés de capitaux (SA, SAS), il s’agit d’actions. Toutes sont en principe saisissables, mais avec des nuances importantes.
Le Code des procédures civiles d’exécution prévoit que tout créancier muni d’un titre exécutoire peut saisir les droits incorporels de son débiteur, y compris ses parts sociales.
Les cas d’insaisissabilité : des exceptions notables
Certaines parts échappent à la saisie :
- Les parts de sociétés civiles de moyens (SCM), car liées à l’exercice professionnel
- Les parts d’industrie, en raison de leur nature intuitu personae
- Les valeurs mobilières temporairement inaliénables (actions gratuites en période d’acquisition, etc.)
Le cas complexe des SCP et sociétés sans personnalité juridique
Les sociétés civiles professionnelles (SCP) posent un défi particulier. En 2003, la Cour de cassation a établi que pour les parts de SCP de notaires, l’interdiction de nantissement et de vente aux enchères n’empêchait pas leur saisie, mais rendait impossible leur vente forcée.
Quant aux sociétés en participation, dépourvues de personnalité juridique, la doctrine demeure divisée sur la saisissabilité de leurs parts. La difficulté pratique réside dans l’absence d’entité à qui signifier l’acte de saisie.
Procédure spécifique : un mécanisme en deux temps
- Phase de saisie : signification de l’acte à la société ou à l’émetteur des valeurs mobilières
- Dénonciation au débiteur : dans les 8 jours suivant la saisie, à peine de caducité
- Effet immédiat : indisponibilité des droits pécuniaires (impossibilité de céder les parts)
- Phase de vente : amiable ou forcée selon les circonstances
Pour les sociétés cotées, la vente est simplifiée grâce au prix objectif du marché. Pour les sociétés non cotées, une procédure d’adjudication plus complexe s’impose, incluant cahier des charges et publicité.
Protection du débiteur et des autres associés
Le législateur a prévu plusieurs garanties :
- Délai d’un mois pour contester la saisie
- Possibilité de vente amiable avant adjudication
- Maintien des droits politiques du débiteur (vote, information)
- Respect des procédures d’agrément prévues par les statuts
Ce dernier point est capital : même l’adjudicataire devra obtenir l’agrément des associés, ce qui constitue un obstacle majeur à l’efficacité de la procédure.
Conseils pratiques
Pour le créancier :
- Vérifiez la nature des parts à saisir et leur saisissabilité
- Respectez scrupuleusement les délais de notification
- Anticipez les obstacles liés à l’agrément
Pour l’associé débiteur :
- Utilisez le délai d’un mois pour proposer une vente amiable
- Envisagez une consignation pour obtenir mainlevée
- Gardez à l’esprit que vos droits politiques demeurent intacts
Pour les autres associés :
- Consultez les statuts pour connaître les mécanismes de préemption
- Préparez-vous à exercer votre droit de substitution si nécessaire
- Dans les sociétés civiles, évaluez l’opportunité d’une dissolution
Pour un conseil juridique personnalisé et un accompagnement dans les procédures de saisie de parts sociales, que vous soyez créancier ou débiteur, n’hésitez pas à contacter nos avocats spécialisés.
Limites pratiques de la procédure
En pratique, la saisie des droits d’associé est plus souvent utilisée comme moyen de pression que comme véritable procédure d’exécution. Les obstacles liés à l’agrément et à l’évaluation des parts non cotées peuvent décourager les enchérisseurs.
Pour les sociétés cotées, la procédure est plus efficace mais se heurte à la difficulté d’accès aux informations patrimoniales.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 231-1 à L. 233-3 et R. 231-1 à R. 233-9
- Cour de cassation, chambre civile 1, 4 novembre 2003, n° 99-13.965
- Cour de cassation, chambre civile 2, 21 octobre 2010, n° 09-69.867
- LAHER Rudy, « Saisie des droits incorporels », Répertoire de procédure civile, Dalloz, juillet 2023
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