blue and white heart illustration

Les oppositions et l’adjonction des créanciers dans la saisie-vente

Table des matières

« `html

La saisie-vente place souvent les créanciers dans une situation de concurrence. Comment se répartir le butin quand plusieurs créanciers convoitent les mêmes biens d’un débiteur? Cette question, loin d’être théorique, se pose quotidiennement dans les tribunaux français. L’adage « saisie sur saisie ne vaut » imposait jadis au second créancier d’attendre la fin de la première saisie. Le droit moderne a heureusement évolué.

1. Le concours des créanciers : une réalité pratique

Quand un débiteur accumule les dettes, plusieurs créanciers peuvent vouloir saisir ses biens mobiliers. Le législateur a organisé cette situation en permettant aux créanciers retardataires de se joindre à une saisie-vente déjà engagée par un premier créancier.

Cette jonction n’est pas un incident contentieux mais une procédure participative qui permet d’éviter la multiplication des frais. L’article L. 221-1, alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution précise que « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut […] se joindre aux opérations de saisie par voie d’opposition ».

Cette opposition-jonction, comme on l’appelle en pratique, permet au second créancier de s’économiser une saisie distincte tout en participant à la distribution du prix de vente.

2. Les conditions de l’opposition-jonction

Conditions d’accès à la procédure

Pour se joindre à une saisie-vente déjà engagée, le créancier opposant doit satisfaire aux mêmes conditions que le créancier premier saisissant :

  • Détenir un titre exécutoire
  • Justifier d’une créance liquide et exigible
  • Avoir signifié un commandement de payer préalable

L’article R. 221-41 du Code des procédures civiles d’exécution stipule que « tout créancier réunissant les conditions prévues par l’article L. 221-1 peut se joindre aux opérations de saisie ». Ce même article précise que l’opposition n’est plus recevable après la vérification des biens saisis, moment qui marque le début des opérations de vente.

Le créancier opposant doit donc agir rapidement. La Cour de cassation a confirmé dans un arrêt du 20 novembre 2003 (n° 01-15.192) que l’opposition-jonction peut être formée après une saisie par immobilisation d’un véhicule.

Cas des créances de faible montant

Un paradoxe existe pour les créances inférieures à 535 euros. L’article L. 221-2 du Code des procédures civiles d’exécution leur impose normalement un régime de subsidiarité : la saisie-vente est impossible sans autorisation judiciaire lorsque d’autres voies d’exécution (comme la saisie des comptes bancaires) sont possibles.

Curieusement, cette restriction semble écartée pour l’opposition-jonction. Le créancier d’une petite somme peut ainsi se joindre à une saisie-vente déjà engagée même s’il n’aurait pas pu l’initier lui-même. Cette disparité de traitement mérite d’être soulignée. Il convient également de noter que ces procédures individuelles peuvent être profondément affectées par l’ouverture de procédures collectives ou de surendettement, qui suspendent ou interdisent généralement les poursuites individuelles.

3. Les modalités de l’opposition-jonction

Pluralité de saisies-vente

Lorsqu’un huissier constate qu’une saisie-vente a déjà été pratiquée sur les biens qu’il comptait saisir, il doit convertir son acte en opposition-jonction. Deux situations peuvent se présenter :

  • Si l’huissier connaît l’existence de la première saisie avant de se déplacer, il rédige directement un acte d’opposition en son étude, sans inventaire des biens.
  • Si l’huissier découvre la première saisie pendant ses opérations (le débiteur lui présente le premier procès-verbal), il convertit son acte de saisie en opposition-jonction.

L’acte d’opposition doit indiquer le titre exécutoire fondant l’opposition et le décompte précis des sommes réclamées. Il est ensuite signifié au débiteur et au créancier premier saisissant.

Si le débiteur, présent ou absent, ne révèle pas l’existence d’une première saisie, deux saisies-vente pourraient coexister. Dans ce cas, la jurisprudence tend à requalifier la seconde saisie en opposition-jonction (TGI Brest, JEX, 7 avril 1999). Ces situations complexes peuvent également soulever des incidents liés à la propriété des biens saisis, influençant directement la procédure et la répartition finale des fonds.

Concours avec une saisie conservatoire

La situation diffère lorsqu’un créancier muni d’un titre exécutoire veut pratiquer une saisie-vente sur des biens déjà saisis à titre conservatoire. Dans ce cas, l’article R. 522-12 du Code des procédures civiles d’exécution précise que l’huissier de justice doit signifier le procès-verbal de saisie-vente aux créanciers qui ont pratiqué antérieurement les saisies conservatoires.

La saisie conservatoire n’empêche donc pas la saisie-vente. Le créancier qui pratique cette dernière poursuit la procédure jusqu’à la vente. Les créanciers conservatoires devront obtenir un titre exécutoire avant la distribution des deniers s’ils veulent participer à la répartition.

4. Les effets de l’opposition-jonction

Direction des opérations de vente

Selon l’article R. 221-42 du Code des procédures civiles d’exécution, le créancier premier saisissant reste maître de la procédure. C’est lui qui dirige les opérations jusqu’à la vente des biens saisis. Les créanciers opposants attendent simplement la répartition du produit de la vente.

Cette primauté du premier saisissant répond à une logique d’efficacité. Un seul créancier conduit la procédure, ce qui évite la multiplication des actes et les risques de contradiction.

Répartition du produit

Après la vente, l’agent chargé de la vente établit un projet de répartition du prix entre les différents créanciers. L’article R. 251-2 du Code des procédures civiles d’exécution lui accorde un délai d’un mois à compter de la vente ou de la consignation du prix.

Ce projet est notifié aux créanciers et au débiteur qui disposent de 15 jours pour le contester. Sans contestation, le paiement intervient dans les 8 jours suivants. Une seule contestation suffit à bloquer la distribution amiable et à imposer le recours au juge de l’exécution.

Subrogation dans les poursuites

L’article R. 221-46 du Code prévoit qu’en cas d’inaction du créancier premier saisissant, tout créancier opposant peut lui adresser une sommation de procéder à la vente dans un délai de 8 jours.

Si le premier saisissant reste inactif malgré cette mise en demeure, le créancier opposant est « subrogé de plein droit » dans les droits du premier saisissant. Il peut alors poursuivre lui-même la vente après s’être fait remettre les pièces nécessaires.

Cette subrogation garantit que la négligence du premier saisissant ne bloque pas indéfiniment la procédure, protégeant ainsi les intérêts de tous les créanciers.

5. L’adjonction à la première saisie

Cadre juridique de la saisie complémentaire

L’opposition-jonction peut s’accompagner d’une saisie complémentaire. L’article R. 221-43 du Code autorise le créancier opposant à étendre la saisie initiale à d’autres biens en faisant dresser un inventaire complémentaire.

Cette extension est également ouverte au créancier premier saisissant qui peut élargir l’assiette de sa saisie initiale. La saisie complémentaire suit les règles ordinaires de la saisie-vente entre les mains du débiteur (articles R. 221-16 à R. 221-19).

L’inventaire complémentaire doit être signifié au débiteur et, s’il est dressé par le créancier opposant, au créancier premier saisissant.

Effets de la saisie complémentaire

La saisie complémentaire ouvre un nouveau délai d’un mois pour la vente amiable des biens nouvellement saisis. L’article R. 221-45 du Code précise qu’il ne peut être procédé à leur vente forcée qu’à l’expiration de tous les délais impartis.

Ce décalage entre les délais peut ralentir la procédure. C’est pourquoi le texte prévoit la possibilité de dissocier les ventes :

  • Avec l’accord du débiteur
  • Sur autorisation du juge de l’exécution
  • Si les formalités de publicité pour la vente des premiers biens étaient déjà accomplies

L’article R. 221-48 ajoute que la nullité de la première saisie n’entraîne pas la caducité des oppositions ni celle de la saisie complémentaire, sauf si la nullité résulte d’une irrégularité dans le déroulement des opérations de saisie.

Cette autonomie de la saisie complémentaire protège les créanciers opposants contre les vices éventuels de la saisie initiale.

La gestion du concours de créanciers dans le cadre de la saisie-vente est une matière complexe qui requiert une connaissance approfondie des règles applicables et une réactivité certaine. L’opposition-jonction, la saisie complémentaire, la répartition des fonds et la subrogation sont autant de mécanismes visant à équilibrer les droits des parties et à assurer l’efficacité de la procédure. Face à ces enjeux, l’accompagnement d’un avocat expert en voies d’exécution est indispensable pour sécuriser vos démarches, qu’il s’agisse de défendre vos intérêts en tant que créancier ou de vous conseiller en tant que débiteur.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 221-1, L. 221-2, R. 221-41 à R. 221-48
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 novembre 2003, n° 01-15.192
  • TGI Brest, JEX, 7 avril 1999, JurisData n° 1999-108509
  • Natalie Casal, « Saisie-vente. – Incidents », JurisClasseur Procédure civile, Fasc. 1600-80, 16 juillet 2021
  • Natalie Fricero, « Saisie-vente », Répertoire de procédure civile, Dalloz, décembre 2011

« `

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR