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Gouvernance et organisation interne de la Banque de France

Table des matières

La Banque de France présente une architecture institutionnelle unique. Son évolution récente reflète son intégration au Système européen de banques centrales (SEBC) et l’adaptation de sa gouvernance aux exigences européennes.

Les organes de direction

L’évolution du Conseil de la politique monétaire

Le Conseil de la politique monétaire (CPM), créé par la loi du 4 août 1993, a connu une transformation majeure. Initialement conçu pour définir la politique monétaire française, son rôle s’est réduit après l’introduction de l’euro.

La loi n°2007-212 du 20 février 2007 l’a transformé en simple formation du Conseil général, rebaptisée « Comité monétaire du conseil général ». Cette structure a finalement été supprimée par la loi LME du 4 août 2008, car devenue obsolète suite au transfert des prérogatives monétaires à la Banque centrale européenne.

Selon l’article L.142-3 du Code monétaire et financier (avant 2008), ce conseil comprenait le gouverneur, deux sous-gouverneurs et six membres nommés pour neuf ans. Leur mandat était irrévocable sauf incapacité ou faute grave.

Le Conseil général: composition et attributions

Le Conseil général constitue l’organe central de gouvernance de la Banque de France. Sa composition est définie à l’article L.142-6 du Code monétaire et financier.

Il comprend:

  • Le gouverneur (président)
  • Deux sous-gouverneurs
  • Deux membres nommés en Conseil des ministres
  • Un représentant des salariés de la Banque

Un censeur, généralement le directeur du Trésor, assiste aux séances avec droit d’opposition. Ce mécanisme illustre le contrôle résiduel de l’État sur certaines activités non-SEBC de la Banque.

Le Conseil prend ses décisions à la majorité, six membres minimum devant être présents. En cas d’égalité, le gouverneur dispose d’une voix prépondérante.

Ses attributions concernent:

  • La gestion des activités hors SEBC
  • Les statuts du personnel
  • La gestion des fonds propres
  • Le budget et les comptes
  • L’affectation des bénéfices

Le rôle du Gouverneur et des sous-gouverneurs

Le gouverneur exerce des pouvoirs étendus. Nommé pour six ans renouvelable une fois par décret en Conseil des ministres (L.142-8 CMF), il:

  • Préside les deux conseils
  • Représente la Banque vis-à-vis des tiers
  • Signe seul les conventions
  • Nomme à tous les emplois
  • Peut recevoir délégation des Conseils

Il établit un rapport annuel adressé au Président de la République et au Parlement.

Les sous-gouverneurs, nommés dans les mêmes conditions, n’exercent que les fonctions déléguées par le gouverneur.

L’indépendance et ses garanties

Le statut des dirigeants

L’indépendance constitue une exigence fondamentale du droit européen. L’article 108 du Traité CE (aujourd’hui article 130 TFUE) et l’article 7 des statuts du SEBC l’imposent formellement.

En droit interne, l’article L.141-1 du Code monétaire et financier traduit cette obligation: « Dans l’exercice des missions qu’elle accomplit à raison de sa participation au Système européen de banques centrales, la Banque de France, en la personne de son gouverneur, de ses sous-gouverneurs ou d’un autre membre du Conseil de la politique monétaire, ne peut ni solliciter ni accepter d’instructions du gouvernement ou de toute personne. »

Cette indépendance est renforcée par un mandat de six ans pour le gouverneur, excédant la durée d’une législature.

Les incompatibilités et obligations

Pour garantir l’absence de conflits d’intérêts, les membres des organes dirigeants sont soumis à un régime strict d’incompatibilités pendant et après leurs fonctions.

L’article L.142-8 du CMF interdit au gouverneur et aux sous-gouverneurs:

  • Toute activité professionnelle publique ou privée
  • Les mandats électifs
  • Les intérêts dans les entreprises soumises à la supervision de la Banque

Des exceptions existent pour l’enseignement et les fonctions internationales, après accord du Conseil.

Le secret professionnel s’impose également aux dirigeants (art. L.142-9 CMF).

Les garanties juridictionnelles

L’indépendance bénéficie de protections juridictionnelles exceptionnelles. La révocation du gouverneur, strictement encadrée par l’article L.142-5 CMF, ne peut intervenir qu’en cas d’incapacité ou de faute grave.

Le système prévoit un double niveau de protection:

  • Au niveau national: recours devant le Conseil d’État
  • Au niveau européen: recours devant la Cour de justice européenne (art. 14.2 des statuts du SEBC)

Cette garantie européenne est unique et témoigne de l’importance attachée à l’indépendance des banques centrales nationales.

L’organisation territoriale

Le réseau des succursales

La Banque de France maintient un réseau territorial dense. L’article L.142-10 du Code monétaire et financier prévoit que ses « comptoirs » sont tous des succursales depuis 1993, l’ancienne distinction entre succursales et bureaux ayant disparu.

Ces implantations locales jouent un rôle essentiel dans:

  • L’entretien de la monnaie fiduciaire
  • L’exécution des paiements scripturaux
  • La connaissance du tissu économique local
  • Le suivi des dossiers de surendettement

Jusqu’en 2003, on comptait plus de 200 implantations territoriales.

La réorganisation du réseau

Une restructuration majeure a été engagée au début des années 2000. Le rapport Arthuis au Sénat (n° 254, session 2002-2003) a souligné le coût de ce réseau dense et proposé une réduction de moitié du nombre d’implantations.

Cette réorganisation s’est heurtée à des résistances politiques locales, les succursales jouant un rôle d’aménagement du territoire et de service public.

La Cour des comptes, dans son enquête réalisée à la demande de la Commission des finances du Sénat (art. 58-2° de la LOLF), a confirmé le caractère déficitaire de plusieurs activités locales.

Les services rendus au niveau local

Les succursales assurent diverses missions:

  • La gestion des moyens de paiement
  • Le traitement du surendettement (loi Neiertz du 31 décembre 1989)
  • La tenue des fichiers d’incidents de paiement
  • La collecte d’informations économiques

Elles hébergent des comités consultatifs locaux composés d’acteurs économiques qui éclairent la Banque sur la conjoncture économique territoriale.

Le personnel de la Banque de France

Statut juridique particulier

Le personnel de la Banque présente un statut hybride. Bien que la Banque de France soit une personne publique sui generis (Tribunal des conflits, 16 juin 1997, Société La Fontaine de Mars), ses agents ne sont pas des fonctionnaires.

Les statuts du personnel sont délibérés en Conseil général puis soumis à l’agrément des ministres de l’Économie et du Budget.

Application du droit du travail

Le Conseil d’État a clarifié ce régime dans son arrêt du 22 mars 2000 (Syndicat national autonome du personnel de la Banque de France): le personnel reste soumis au Code du travail malgré sa participation à un service public administratif.

Cette position a été confirmée par l’arrêt du 30 juillet 2003 (Banque de France). Le Code du travail s’applique sauf incompatibilité avec le statut de la Banque ou l’exécution de certaines missions.

Le personnel est soumis à une obligation d’exclusivité: l’article L.142-9 du CMF interdit toute participation ou rémunération dans une entreprise, sauf dérogation du gouverneur.

Contentieux et compétence juridictionnelle

La compétence contentieuse relève du juge administratif. L’article L.144-3 du CMF attribue à la juridiction administrative les litiges entre la Banque et ses agents.

Cette compétence est interprétée largement par la jurisprudence. Elle couvre:

  • Les litiges relatifs aux rémunérations (CE, sect., 13 juin 1964, Gauvin)
  • Les demandes d’indemnités pour conditions de travail (CE, 3 juillet 1903, Mercié)
  • Le contentieux des élections professionnelles (CE, sect., 6 mai 1970)

Cette compétence administrative s’étend même aux éléments du statut relevant du droit du travail, créant un régime contentieux unique dans le paysage institutionnel français.

Sources

  • Code monétaire et financier, articles L.141-1 à L.144-5
  • Loi n°93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France
  • Loi n°2007-212 du 20 février 2007 portant diverses dispositions intéressant la Banque de France
  • Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME)
  • Conseil d’État, 22 mars 2000, Syndicat national autonome du personnel de la Banque de France
  • Tribunal des conflits, 16 juin 1997, Société La Fontaine de Mars contre Banque de France
  • Rapport Arthuis au Sénat n° 254, session 2002-2003
  • Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, article 130 (ancien article 108 TCE)
  • Statuts du SEBC, articles 7 et 14.2

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