La Banque de France, institution dont le capital appartient à l’État, exerce un rôle qui dépasse largement celui d’une simple banque centrale. Si son intégration au Système européen de banques centrales (SEBC) en 1998 a redéfini son périmètre d’action, elle conserve de nombreuses missions d’intérêt général spécifiques au contexte français.
Services rendus au Trésor public
La gestion du compte du Trésor
Depuis 1857, la Banque de France tient le compte unique du Trésor public. Ce compte sert de pivot à la circulation et à la centralisation des fonds de l’État. Il permet l’interconnexion entre les milliers de comptables publics répartis sur le territoire national, qui peuvent tous accéder à cette trésorerie commune.
Une convention signée le 26 avril 2002 a modernisé cette gestion en instaurant un suivi en temps réel du solde. Selon l’article L.141-6 du Code monétaire et financier, ces prestations sont rémunérées pour couvrir les coûts supportés par la Banque.
En pratique, le Trésor place désormais ses excédents à court terme et emprunte pour couvrir ses besoins temporaires. Ce dispositif a réduit sensiblement l’encours maintenu sur le compte en fin de journée.
L’organisation des adjudications de dette
La Banque gère le système TELSAT qui collecte les soumissions lors des adjudications des bons du Trésor et des obligations assimilables du Trésor (OAT). Ce système transmet les résultats au Trésor dans la minute suivant l’heure limite des offres.
Elle tient également les comptes courants des bons du Trésor détenus par les banques et assureurs dans le cadre du système SATURNE. Les obligations relèvent d’Euroclear France depuis la fusion de SICOVAM SA avec Euroclear Bank en 2001.
La balance des paiements
L’article L.141-7 du Code monétaire et financier confie à la Banque de France l’établissement de la balance des paiements et de la position extérieure de la France. Cette mission s’effectue sur instructions du ministre de l’Économie et des Finances.
La méthodologie suit les principes définis par le Fonds monétaire international et Eurostat pour permettre les comparaisons internationales.
Contribution à la régulation bancaire et financière
Participation aux autorités de supervision
Si la régulation bancaire et financière n’est pas directement exercée par la Banque de France, elle y joue un rôle déterminant à travers la présence de son gouverneur dans plusieurs instances clés.
La loi du 1er août 2003 de sécurité financière a reconfiguré ce paysage institutionnel. Le gouverneur préside le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (art. L.612-1 du CMF) ainsi que la Commission bancaire (art. L.613-1 du CMF).
Un représentant de la Banque siège à l’Autorité des marchés financiers (AMF), née de la fusion de la Commission des opérations de bourse et du Conseil des marchés financiers.
Rôle dans la stabilité du système financier
La loi du 26 juillet 2013 a explicitement confié à la Banque de France, avec le Haut Conseil de stabilité financière, la mission de veiller à la stabilité du système financier (art. L.141-5-1 du CMF).
Ce rôle s’est renforcé après la crise financière de 2008 qui a démontré l’importance de la surveillance macroprudentielle. La Banque analyse les risques systémiques, c’est-à-dire ceux susceptibles de provoquer un effet domino dans le système financier.
Évolutions récentes
La loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 a élargi les compétences de la Banque de France. Elle peut désormais partager avec d’autres autorités des informations sur les systèmes de paiement et de règlement-livraison, même couvertes par le secret professionnel.
Cette loi l’autorise également à conclure des accords de coopération avec ses homologues étrangers pour échanger des informations sur ces infrastructures critiques.
Banque de données économiques et financières
Le fichier bancaire des entreprises (FIBEN)
FIBEN, créé en 1982, recense des informations sur environ 3 millions d’entreprises et 2 millions de dirigeants. Ce fichier est accessible aux établissements de crédit via un système télématique sécurisé.
La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a limité la durée de conservation des données. Le décret n°2009-198 du 18 février 2009 a fixé cette durée à quatre ans maximum pour les incidents majeurs comme une liquidation judiciaire.
Un arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 1997 a qualifié la tenue de ce fichier de mission de service public comportant l’exercice de prérogatives de puissance publique, relevant donc du juge administratif en cas de litige.
Les fichiers d’incidents de paiement
La Banque gère plusieurs fichiers de centralisation des incidents :
- Le fichier central des chèques impayés (depuis 1955)
- Le fichier des chèques irréguliers (1992)
- Le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (issu de la loi Neiertz du 31 décembre 1989)
Ces fichiers participent à la sécurité des moyens de paiement et du crédit. Leur consultation est réglementée, limitée aux établissements déclarants et aux autorités judiciaires.
Une décision de la CNIL du 28 juin 2006 a sanctionné une banque pour inscription abusive de clients dans ces fichiers, démontrant l’encadrement strict de leur utilisation.
La centrale de bilans
Créée en 1968, la centrale de bilans collecte volontairement les données comptables des entreprises. En retour, celles-ci reçoivent une analyse comparée de leur situation par rapport à leur secteur.
Ces informations, une fois agrégées, permettent aux entreprises de se positionner par rapport à leurs concurrents. Elles alimentent également la base BACH (Bank of Accounts of Companies Harmonised) de la Commission européenne, qui compile les données de 11 pays européens, du Japon et des États-Unis.
Missions au service des particuliers et des entreprises
Le traitement du surendettement
La Banque de France assure le secrétariat des commissions de surendettement créées par la loi Neiertz du 31 décembre 1989. Ces commissions, présentes dans chaque département, élaborent des plans d’apurement du passif des particuliers en difficulté.
Cette mission mobilise d’importantes ressources humaines au sein de la Banque. Elle répond à un besoin social croissant avec plus de 200 000 dossiers traités annuellement.
Les services de tenue de compte
Contrairement aux autres banques centrales, la Banque de France a longtemps maintenu des services de tenue de compte pour les particuliers. Cette activité, héritage de l’histoire, tend à disparaître.
En 2002, la Banque gérait encore 70 000 comptes en espèces et 40 000 comptes-titres. L’article L.141-6 du Code monétaire et financier exige que ces prestations soient facturées à leur coût réel.
Un rapport sénatorial de 2003 (rapport Arthuis) a souligné le caractère déficitaire de cette activité, recommandant son abandon progressif.
L’information économique
Les succursales de la Banque contribuent à la connaissance du tissu économique local. Elles entretiennent des relations privilégiées avec les entreprises, les collectivités et les banques de leur territoire.
Cette proximité permet d’enrichir les études conjoncturelles publiées par la Banque. L’article L.144-5 du Code monétaire et financier encadre la diffusion de ces informations.
La Banque produit également des statistiques économiques et monétaires, dont certaines sont transmises à la BCE pour la conduite de la politique monétaire commune.
Sources
- Code monétaire et financier, notamment articles L.141-1 et suivants.
- Convention État-Banque de France du 26 avril 2002 sur la gestion du compte du Trésor.
- Loi n°93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France.
- Loi n°2001-1062 du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne (article 39).
- Loi n°2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière.
- Loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.
- Loi n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
- Décret n°2009-198 du 18 février 2009 relatif à la durée de communication des informations du FIBEN.
- Cass. 1re civ., 21 octobre 1997, n°95-20.872, Bulletin civil I, n°289.
- Décision CNIL n°2006-174 du 28 juin 2006.
- Rapport d’information de Jean Arthuis (Sénat n°254, session 2002-2003).