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L’assurance emprunteur : enjeux et évolutions

Table des matières

Vous avez décroché votre prêt immobilier ? Félicitations. Mais n’oubliez pas l’assurance emprunteur, souvent reléguée au second plan lors des négociations et pourtant essentielle. Elle peut représenter une part conséquente du coût total de votre crédit, parfois jusqu’à 30% voire plus selon les profils et les garanties. Son rôle est fondamental : sécuriser le remboursement de votre prêt sur le long terme.

Un élément central du crédit immobilier

L’assurance emprunteur intervient pour garantir le remboursement du prêt en cas de survenue de certains aléas de la vie, comme le décès, l’invalidité ou parfois la perte d’emploi de l’emprunteur. Bien que la banque ne puisse légalement l’imposer comme condition unique à l’octroi du crédit, dans les faits, elle exige quasi systématiquement une couverture d’assurance pour se prémunir contre les défauts de paiement.

Compte tenu de son importance et de son coût, le législateur a progressivement renforcé l’encadrement de ce contrat afin de mieux protéger les emprunteurs. Comprendre la réforme du crédit immobilier et vos droits est donc devenu indispensable pour naviguer ce paysage complexe. Les enjeux économiques sont aussi considérables. Le marché français de l’assurance emprunteur représente plusieurs milliards d’euros annuels, et les banques, via leurs filiales d’assurance ou des partenariats, en tirent des revenus non négligeables sous forme de commissions. Cette situation a conduit à de multiples réformes visant à ouvrir ce marché à la concurrence, au bénéfice des consommateurs.

La fiche standardisée d’information : votre outil de comparaison

Avant même de formuler une offre de prêt définitive, la banque a l’obligation de vous remettre une Fiche Standardisée d’Information (FSI) sur l’assurance qu’elle propose. Cette obligation découle de l’article L. 313-8 du Code de la consommation et s’applique dès les premières simulations de prêt. La FSI est un document essentiel qui doit vous permettre de comprendre clairement les garanties proposées et de comparer les offres.

Conformément à l’article R. 313-9 du Code de la consommation, cette fiche doit notamment préciser :

  • La définition et la description des types de garanties proposées (décès, invalidité, incapacité, etc.).
  • Le cas échéant, les caractéristiques des garanties minimales exigées par le prêteur pour accorder le financement.
  • Les types de garanties que vous envisagez de choisir et la quotité (le pourcentage du capital) à couvrir.
  • Une estimation personnalisée et détaillée du coût de l’assurance envisagée, incluant :
    • Le coût en euros par période (mensuelle, trimestrielle…).
    • Le coût total de l’assurance en euros sur toute la durée envisagée du prêt.
    • Le Taux Annuel Effectif de l’Assurance (TAEA), qui permet de comparer le coût de l’assurance par rapport au Taux Annuel Effectif Global (TAEG) du crédit.
  • La mention claire de votre droit de souscrire une assurance auprès de l’assureur de votre choix (délégation d’assurance) et les conditions pour exercer ce droit.

Malheureusement, certains établissements bancaires peuvent être moins diligents dans la remise ou l’explication de cette fiche. Or, sans une FSI complète et claire, il vous est difficile de comparer efficacement les offres du marché et de faire jouer la concurrence. Le manquement à cette obligation d’information précontractuelle n’est pas sans conséquence : l’article L. 341-26 du Code de la consommation prévoit que le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer la FSI peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

La liberté de choix de l’assurance : un principe affirmé

La loi Lagarde de 2010 a marqué une étape importante en consacrant le principe de la déliaison entre le contrat de prêt et le contrat d’assurance. L’article L. 313-30 du Code de la consommation est très clair à ce sujet : vous êtes libre de choisir votre assureur. C’est ce qu’on appelle la délégation d’assurance.

En théorie, la banque ne peut pas refuser un contrat d’assurance externe que vous lui présentez dès lors que ce contrat offre un niveau de garantie équivalent à celui qu’elle propose via son contrat groupe.

En pratique cependant, l’exercice de cette liberté peut rencontrer des obstacles. Certains établissements peuvent être tentés de rejeter des contrats alternatifs pour des motifs peu clairs ou contestables, ou encore d’imposer des frais de délégation (pourtant interdits) ou de complexifier les démarches pour décourager les emprunteurs. Face à ces pratiques, la loi Lemoine de 2022 a renforcé les sanctions. Désormais, l’article L. 313-32 du Code de la consommation prévoit qu’un refus non motivé ou des pratiques dilatoires de la banque peuvent entraîner une amende administrative pouvant aller jusqu’à 15 000 euros. Les contrôles de l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) se sont également intensifiés pour veiller au respect de ce droit fondamental.

Le droit de résiliation et de substitution : une liberté étendue dans le temps

Le législateur a progressivement élargi les possibilités pour l’emprunteur de changer d’assurance en cours de prêt, reconnaissant que les besoins et les offres évoluent. Le cadre juridique a connu plusieurs étapes clés :

  • La loi Hamon (2014) a d’abord ouvert un droit de résiliation et de substitution durant les 12 mois suivant la signature de l’offre de prêt.
  • L’amendement Bourquin (intégré à la loi Sapin II en 2017, applicable en 2018) a ensuite étendu ce droit, permettant une résiliation annuelle, à chaque date anniversaire du contrat de prêt.
  • Enfin, la loi Lemoine (2022) a marqué une avancée décisive en instaurant un droit de résiliation dit « infra-annuel ». Concrètement, depuis le 1er septembre 2022 pour tous les contrats (et dès le 1er juin 2022 pour les nouveaux), vous pouvez résilier votre assurance emprunteur à tout moment, sans attendre la date anniversaire.

L’article L. 113-12-2 du Code des assurances (et ses équivalents dans le Code de la mutualité) régit les modalités de cette résiliation. La notification peut se faire par lettre simple ou tout autre support durable (email, espace client sécurisé…). La banque dispose ensuite d’un délai de 10 jours ouvrés pour examiner le nouveau contrat proposé et vous notifier sa décision (acceptation ou refus motivé). Si elle accepte, l’avenant au contrat de prêt doit être émis sans frais.

Cette évolution législative majeure répond à un objectif clair : stimuler la concurrence et permettre aux emprunteurs de réaliser des économies substantielles. Selon les estimations de l’ACPR et des associations de consommateurs, changer d’assurance en cours de prêt peut représenter une économie de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros sur la durée totale du crédit, en fonction du profil de l’emprunteur et du capital restant dû.

Le niveau de garantie équivalent : le point de friction

La notion clé qui conditionne la possibilité de substituer une assurance est celle du « niveau de garantie équivalent ». C’est souvent sur ce point que les discussions, voire les litiges, avec la banque peuvent apparaître. La loi, notamment l’article L. 313-30 du Code de la consommation, se contente de mentionner que le prêteur ne peut refuser un contrat présentant ce niveau équivalent, sans le définir précisément.

Pour apporter des clarifications, le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) a établi dès 2015 une liste de critères objectifs permettant de comparer les garanties. Cette liste comporte 18 critères généraux, auxquels peuvent s’ajouter 4 critères spécifiques pour la garantie Perte Totale et Irréversible d’Autonomie (PTIA) et 8 critères pour l’Incapacité Temporaire Totale (ITT) et l’Invalidité Permanente Totale (IPT). Parmi ces critères figurent la quotité assurée, la nature de la prise en charge (forfaitaire ou indemnitaire), les délais de franchise, la couverture des affections dorsales ou psychologiques, la prise en charge des sports à risque, les limites d’âge, etc. La banque doit choisir au maximum 11 critères parmi les 18 généraux, plus éventuellement 4 critères pour la garantie perte d’emploi si elle est exigée, pour définir ses exigences minimales communiquées dans la FSI.

La jurisprudence tend à imposer une évaluation basée sur ces critères objectifs. Un contrat alternatif n’a pas à être identique en tout point au contrat groupe de la banque ; il doit couvrir de manière équivalente les risques définis par la banque via les critères sélectionnés. Un contrat peut même offrir des garanties supérieures sur certains points sans que cela ne justifie un refus.

En cas de refus de substitution, la banque est tenue de motiver sa décision par écrit, de manière détaillée et explicite, en indiquant précisément les critères d’équivalence non respectés et les garanties jugées insuffisantes. Ce refus doit intervenir dans les 10 jours ouvrés suivant la réception de la demande complète.

L’obligation d’information et de conseil du prêteur

Au-delà de la simple fourniture de documents, la banque (ou l’intermédiaire) assume une véritable obligation d’information et de conseil envers l’emprunteur. Cette responsabilité est particulièrement importante en matière d’assurance, compte tenu de la complexité des garanties et des exclusions possibles.

Un arrêt fondamental de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 2 mars 2007 (n° 06-15.267) a posé un principe clair : le banquier qui propose une assurance de groupe est tenu d’éclairer son client sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle. La simple remise de la notice d’information ne suffit pas à remplir cette obligation.

Cela signifie que le conseiller bancaire doit s’enquérir de la situation personnelle et professionnelle de l’emprunteur pour l’alerter sur d’éventuelles limites ou exclusions de garantie qui pourraient le concerner. Par exemple :

  • Si vous exercez une profession considérée comme à risque.
  • Si vous pratiquez régulièrement des sports dangereux.
  • Si vous avez des antécédents médicaux spécifiques (hors champ du droit à l’oubli).

Le manquement à cette obligation de conseil personnalisé engage la responsabilité civile du prêteur. Si une exclusion de garantie vous est opposée alors que la banque aurait dû vous alerter sur ce risque au regard de votre situation connue, vous pourriez rechercher sa responsabilité pour obtenir réparation du préjudice subi (généralement la perte de chance d’être correctement assuré). La première chambre civile de la Cour de cassation a d’ailleurs réaffirmé l’importance de l’obligation d’information du prêteur, notamment en cas de prêt comportant des risques spécifiques (Civ. 1re, 25 mai 2022, n° 21-10.635).

Les évolutions législatives récentes : la loi Lemoine

La loi Lemoine du 28 février 2022 a constitué une étape supplémentaire significative dans la libéralisation et la transparence du marché de l’assurance emprunteur. Ses principales avancées sont :

  • La résiliation infra-annuelle : Comme mentionné, la possibilité de changer d’assurance à tout moment, dès la signature du prêt.
  • Le droit à l’oubli renforcé : Le délai pour ne plus avoir à déclarer un ancien cancer ou une hépatite C chronique est réduit à 5 ans après la fin du protocole thérapeutique (et sans condition d’âge au moment du diagnostic pour le cancer), conformément à l’article L. 1141-5 du Code de la santé publique.
  • La suppression du questionnaire médical sous conditions : Pour les prêts immobiliers dont la part assurée par personne est inférieure à 200 000 euros (soit 400 000 euros pour un couple assurant chacun 100% d’un prêt commun) ET dont l’échéance de remboursement intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur, plus aucun questionnaire de santé ne peut être exigé par l’assureur.
  • L’obligation d’information annuelle : Les assureurs doivent informer chaque année leurs assurés de leur droit de résiliation. Les banques doivent également informer de ce droit lors de toute simulation de prêt.
  • Le renforcement des sanctions : Des amendes administratives accrues pour les banques qui entravent le droit à la résiliation ou à la délégation d’assurance.

Ces réformes visent à rendre le marché plus fluide et plus accessible, notamment pour les personnes ayant eu des problèmes de santé. Elles bousculent l’équilibre économique antérieur, où les bancassureurs détenaient une part très majoritaire du marché. Les économies potentielles pour les emprunteurs sont importantes, justifiant de prendre le temps de comparer les offres et d’exercer ses droits. Un emprunteur jeune et en bonne santé peut souvent diviser par deux, voire plus, sa cotisation mensuelle en optant pour une délégation d’assurance. Sur toute la durée du prêt, cela représente des milliers d’euros.

Malgré ces avancées légales, obtenir une délégation ou une substitution d’assurance peut encore parfois s’apparenter à un parcours semé d’embûches. Des banques peuvent user de délais de traitement allongés, remettre en cause l’équivalence des garanties de manière contestable ou multiplier les demandes de documents pour décourager l’emprunteur. Il est donc essentiel de bien connaître ses droits et d’être persévérant.

Pour naviguer ces complexités et vous assurer que vos droits sont respectés, l’assistance d’un avocat peut s’avérer précieuse. Nos avocats vous conseillent en crédit immobilier et peuvent analyser la conformité des documents fournis par la banque (FSI, offre de prêt), évaluer la validité d’un refus de délégation ou de substitution, et vous accompagner dans les démarches amiables ou contentieuses si nécessaire.

Sources

  • Code de la consommation : articles L. 313-8, L. 313-29, L. 313-30, L. 313-31, L. 313-32, L. 341-26
  • Code des assurances : article L. 113-12-2
  • Code de la santé publique : article L. 1141-5
  • Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 (Loi Lagarde)
  • Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (Loi Hamon)
  • Loi n° 2017-203 du 21 février 2017 ratifiant l’ordonnance relative au crédit immobilier (intégrant l’amendement Bourquin)
  • Loi n° 2022-270 du 28 février 2022 (Loi Lemoine)
  • Cour de cassation, Assemblée plénière, 2 mars 2007, n° 06-15.267
  • Conseil constitutionnel, 12 janvier 2018, n° 2017-685 QPC
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 mai 2022, n° 21-10.635
  • Avis du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) sur l’équivalence du niveau de garantie en assurance emprunteur

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