Vous songez à souscrire un crédit ? La qualification juridique de votre emprunt détermine vos droits. Le régime du crédit à la consommation offre des garanties essentielles mais ne s’applique pas à tous les emprunteurs ni à toutes les opérations de prêt. Pour une compréhension approfondie, découvrez les définitions légales et l’évolution de ce cadre juridique.
Les critères d’application du régime du crédit à la consommation
Le critère personnel : la notion de consommateur
La définition de l’emprunteur est inscrite à l’article L.311-1, 2° du Code de la consommation : « toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ». Au-delà de cette qualification, il est essentiel de connaître les règles strictes de formation des contrats de crédit à la consommation pour garantir la protection de l’emprunteur.
Deux éléments clés ressortent :
- Seules les personnes physiques peuvent être qualifiées de consommateurs
- Le crédit doit être contracté pour des besoins non professionnels
Les jurisprudences ont précisé cette notion. La Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 17 juillet 1996 que le statut de salarié pouvait présumer la qualité de consommateur (Cass. 1re civ., 17 juill. 1996).
La qualité d’emprunteur non professionnel
Le crédit doit être contracté pour des besoins personnels. Un médecin achetant du matériel médical ne bénéficie pas de cette protection. En revanche, ce même médecin achetant une télévision pour son domicile sera protégé.
L’appréciation se fait au cas par cas. Des tribunaux ont accepté de qualifier certains crédits souscrits par des professionnels comme des crédits à la consommation lorsque l’emprunteur agissait en dehors de sa compétence. Par exemple, une avocate souscrivant un crédit pour financer des travaux personnels (CA Versailles, 19 juin 1995).
Le cas des personnes morales
Les personnes morales sont exclues du régime protecteur. Ni les associations, ni les sociétés, ni les copropriétés ne peuvent bénéficier de cette protection.
La jurisprudence a longtemps été divisée sur ce point. La Cour de Paris s’était montrée favorable pour un parti politique (CA Paris, 1re ch B, 5 juill. 1991). Mais désormais, l’article L.311-1, 2° du Code de la consommation est clair : seules les personnes physiques peuvent être considérées comme consommateurs.
Les opérations exclues du champ d’application
Certains types de crédits échappent au régime du crédit à la consommation, même lorsqu’ils sont souscrits par des particuliers. C’est notamment le cas des crédits affectés, dont la qualification est impactée par le lien direct entre l’achat et son financement.
Les crédits immobiliers
Les opérations destinées à l’acquisition d’un bien immobilier sont soumises à un régime distinct. L’article L.312-4, 1° du Code de la consommation exclut :
- Les prêts destinés à l’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble
- Les crédits garantis par une hypothèque ou une sûreté comparable
- Les prêts visant à financer des travaux immobiliers garantis par une sûreté immobilière
Ces opérations relèvent du régime du crédit immobilier, plus adapté aux montants en jeu.
Les prêts de très faible ou de très fort montant
L’article L.312-4, 3° du Code de la consommation exclut :
- Les crédits inférieurs à 200€
- Les crédits supérieurs à 75 000€
Exception notable : les opérations de regroupement de crédits peuvent dépasser ce plafond tout en restant soumises au régime du crédit à la consommation.
Les découverts de courte durée
Les autorisations de découvert remboursables dans un délai d’un mois sont exclues (art. L.312-4, 4°). Ces opérations bancaires courantes ne justifient pas la lourdeur du formalisme imposé aux crédits à la consommation. Cependant, certains découverts bancaires peuvent basculer sous ce régime protecteur dans des conditions spécifiques.
Les mini-crédits gratuits
Les opérations de crédit ne dépassant pas trois mois qui ne sont assorties d’aucun intérêt ou frais (ou seulement des frais négligeables) sont également exclues (art. L.312-4, 5°).
C’est le cas typique des offres « payez en 3 fois sans frais » proposées par les commerçants.
Les situations particulières
Les crédits à finalité mixte
Comment qualifier un crédit servant à la fois à des fins personnelles et professionnelles ? Par exemple, l’achat d’une voiture utilisée pour les loisirs et pour des déplacements professionnels ?
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 22 novembre 2007, la destination professionnelle doit faire l’objet d’une stipulation expresse dans le contrat. Sans cette mention, le crédit relève du régime protecteur de la consommation (Cass. 1re civ., 22 nov. 2007).
Cette règle claire protège l’emprunteur contre les requalifications a posteriori.
Le cas des époux co-emprunteurs
Lorsque des époux contractent ensemble un crédit, la situation peut se compliquer.
Si le crédit finance l’activité professionnelle d’un seul époux, le caractère professionnel l’emporte généralement. L’époux co-emprunteur ne peut donc pas invoquer sa qualité de consommateur (Cass. 1re civ., 8 juill. 1997).
Un arrêt récent confirme cette position : « Est sans effet sur la qualification professionnelle d’un crédit la circonstance qu’un coemprunteur est étranger à l’activité pour laquelle il a été consenti » (Cass. 1re civ., 20 mai 2020, n° 19-13.461).
Cette solution peut paraître sévère, mais elle prévient les contournements du droit.
Les crédits transfrontaliers
Les prêts conclus avec des organismes financiers étrangers posent des questions de droit international privé.
Le règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008 (Rome I) prévoit que la loi applicable est celle du pays où le consommateur a sa résidence habituelle.
Même si le contrat prévoit l’application d’une loi étrangère, le consommateur résidant en France ne peut être privé de la protection du droit français.
L’extension volontaire du régime protecteur
Il arrive que des prêteurs acceptent volontairement d’appliquer le régime du crédit à la consommation à des opérations qui en seraient normalement exclues.
La Cour de cassation a validé cette pratique : « Si sont exclus du champ d’application de la loi du 10 janvier 1978 les prêts destinés, notamment, à financer les besoins d’une activité professionnelle, rien n’interdit aux parties de soumettre volontairement les opérations de crédit qu’elles concluent aux règles édictées par ladite loi » (Cass. 1re civ., 6 juill. 1988).
Attention : cette extension contractuelle doit être intégrale. Le prêteur ne peut pas choisir certaines dispositions et en écarter d’autres (Cass. 1re civ., 9 déc. 1997).
Cette soumission volontaire offre au prêteur un cadre juridique sécurisé et à l’emprunteur des garanties supplémentaires.
La qualification d’un crédit détermine le niveau de protection dont vous bénéficiez. Une erreur peut vous priver de droits essentiels comme le délai de réflexion ou la possibilité de contestation. L’éventail des situations est vaste et les nuances nombreuses. Une analyse juridique précise s’impose souvent.
Pour une analyse personnalisée de votre éligibilité au régime protecteur du crédit à la consommation et la vérification de vos droits spécifiques, n’hésitez pas à solliciter notre cabinet d’avocats spécialisés. Un conseil avant la signature peut vous éviter des désagréments futurs.
Sources
- Code de la consommation, articles L.311-1, L.312-1 à L.312-4
- Cass. 1re civ., 17 juillet 1996, Contrats, conc. consom. 1996, comm. 158
- CA Versailles, 19 juin 1995, JCP G 1996, pan. 147
- CA Paris, 1re ch. B, 5 juillet 1991, Contrats, conc. consom. 1992, comm. 16
- Cass. 1re civ., 22 novembre 2007, JurisData n° 2007-041500
- Cass. 1re civ., 8 juillet 1997, D. affaires 1997, p. 1319
- Cass. 1re civ., 20 mai 2020, n° 19-13.461, JurisData n° 2020-006856
- Cass. 1re civ., 6 juillet 1988, Bull. civ. I, n° 229
- Cass. 1re civ., 9 décembre 1997, Bull. civ. I, n° 364
- Règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008 (Rome I)
- Raymond G., « Droit de la consommation », LexisNexis, coll. Droit & professionnels, 4e éd., 2017