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Les sanctions du prêt usuraire : conséquences pénales et civiles

Table des matières

La législation française encadre strictement le coût du crédit. Elle protège les emprunteurs contre les taux excessifs par un dispositif répressif complet, notamment en matière d’usure.

Un prêt devient usuraire lorsque son taux effectif global (TEG) dépasse de plus d’un tiers le taux moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des opérations similaires. Ce seuil varie selon les catégories de prêts et est publié chaque trimestre au Journal officiel.

Les sanctions pénales

Personnes visées

Les sanctions pénales ne s’appliquent pas uniformément. La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, complétée par celle du 2 août 2005 en faveur des PME, a dépénalisé l’usure pour:

  • Les personnes morales ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale
  • Les personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels

Les sanctions pénales concernent donc uniquement:

  • Les prêts usuraires accordés aux particuliers n’agissant pas pour des besoins professionnels
  • Les prêts aux personnes morales sans activité professionnelle

Cette distinction révèle la volonté du législateur de protéger davantage les emprunteurs non professionnels.

Éléments constitutifs et quantum des sanctions

L’article L. 341-50 du Code de la consommation punit:

  • Quiconque consent un prêt usuraire
  • Ou apporte sciemment son concours à l’obtention d’un tel prêt

La peine encourue: deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende.

Le tribunal peut aussi ordonner:

  • La publication de sa décision
  • La fermeture provisoire ou définitive de l’entreprise impliquée
  • L’interdiction d’exercer l’activité professionnelle concernée pour une durée maximale de 5 ans

Le délit d’usure exige deux éléments:

  1. L’élément matériel: le juge doit constater que le TEG excède effectivement le taux de référence à la date du prêt.
  2. L’élément moral: l’intention de proposer un prêt à taux usuraire doit être prouvée.

Sans intention démontrée, pas de condamnation possible. Ainsi, un directeur d’agence accordant un prêt selon un barème calculé automatiquement par un système informatique ne sera pas condamné en l’absence de volonté personnelle.

Prescription de l’action publique

Le délai de prescription du délit d’usure est de 6 ans, conformément à l’article 8 du Code de procédure pénale.

Ce délai court à partir du jour de la dernière perception d’intérêts ou de capital (article L. 341-48 du Code de la consommation). L’usure constitue donc un délit continu.

À noter: le recouvrement de sommes en exécution d’une décision judiciaire n’est pas considéré comme une perception au sens de cet article.

Les sanctions civiles

Pour les prêts aux particuliers

La constatation d’un taux usuraire n’entraîne pas la nullité du prêt. Cette solution protège l’emprunteur qui serait sinon tenu de rembourser immédiatement le capital.

L’article L. 341-48 du Code de la consommation prévoit que:

  • Les sommes perçues indûment par le prêteur doivent être restituées
  • Ces sommes s’imputent d’abord sur les intérêts légitimement échus
  • Puis subsidiairement sur le capital de la créance

Si la créance est éteinte (capital et intérêts remboursés), les sommes indûment perçues sont restituées avec intérêts légaux du jour de leur paiement.

Cette sanction peut se cumuler avec celle applicable en cas de non-respect de l’article 1907 du Code civil (absence de stipulation écrite du taux d’intérêt), sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts.

La présence d’un garant ne change rien. La caution ou le garant réel ne peut échapper à son engagement du seul fait que le prêt était usuraire. La garantie demeure valable.

Pour les découverts aux professionnels

Pour les découverts accordés aux personnes morales ayant une activité professionnelle et aux personnes physiques agissant à titre professionnel, l’article L. 313-5-2 du Code monétaire et financier prévoit que:

  • Les perceptions excessives s’imputent de plein droit sur les intérêts contractuels
  • Et subsidiairement sur le capital de la créance
  • Le cas échéant, la restitution s’impose

Les sanctions administratives

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) dispose d’un arsenal gradué de sanctions, allant de l’avertissement jusqu’au retrait d’agrément (article L. 612-39 du Code monétaire et financier).

En pratique, l’ACPR procède par étapes:

  1. Demande d’explications aux dirigeants
  2. Mise en garde contre la poursuite des pratiques litigieuses
  3. Mise en demeure de prendre des mesures correctives dans un délai déterminé
  4. Sanctions plus lourdes en cas de persistance des infractions

Le cumul possible des sanctions

Les sanctions pénales (emprisonnement et amende) sont cumulables entre elles. L’article L. 341-50 du Code de la consommation a supprimé la mention « ou de l’une de ces deux peines seulement », rendant ce cumul obligatoire.

Les sanctions civiles et pénales sont parfaitement cumulables.

Concernant le cumul des sanctions pour non-respect des seuils de l’usure avec celles relatives au TEG/TAEG absent ou erroné:

  • Les sanctions pénales sont cumulables dans la limite du maximum légal le plus élevé (article 132-3 du Code pénal)
  • Les sanctions civiles ne sont pas cumulables quand elles sont incompatibles (impossible d’être déchu du droit aux intérêts conventionnels et d’être contraint de restituer les seules perceptions excédant le seuil de l’usure)

Comment se défendre contre un prêt usuraire

Vous soupçonnez avoir souscrit un prêt usuraire? Voici les démarches à entreprendre:

  1. Vérifiez le TEG de votre contrat et comparez-le au taux d’usure applicable au moment de la signature. Ces taux sont consultables sur le site de la Banque de France.
  2. Calculez précisément le TEG réel en incluant tous les frais liés au crédit (frais de dossier, commissions, assurances obligatoires). Cette opération requiert des compétences techniques – un avocat spécialisé peut vous aider à établir si votre prêt est effectivement usuraire.
  3. Rassemblez toutes les preuves: contrat de prêt, relevés de compte, échéanciers, correspondances avec l’établissement prêteur.
  4. Engagez un recours amiable avant toute action judiciaire. Adressez une lettre recommandée avec accusé de réception à l’établissement prêteur en demandant la régularisation de la situation.
  5. En l’absence de réponse satisfaisante, saisissez le médiateur bancaire.
  6. Si cette médiation échoue, consultez un avocat pour envisager une action en justice.

L’intervention d’un avocat spécialisé s’avère souvent déterminante pour:

  • Analyser techniquement le TEG appliqué
  • Déterminer si la prescription est acquise
  • Choisir la meilleure stratégie contentieuse
  • Quantifier précisément les sommes à restituer

Les litiges liés à l’usure requièrent une expertise pointue en droit bancaire. Les établissements prêteurs disposent d’équipes juridiques aguerries – ne vous lancez pas seul dans cette bataille.

Sources

  • Code de la consommation: articles L. 314-6 à L. 314-9, L. 341-48 à L. 341-51 et D. 314-15 à D. 314-17
  • Code monétaire et financier: articles L. 313-5, L. 313-5-1, L. 313-5-2, L. 612-30, L. 612-31 et L. 612-39
  • Code pénal: articles 131-27, 131-35 et 132-3
  • Code de procédure pénale: article 8
  • Loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique (article 32)
  • Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises
  • Cass. crim., 2 octobre 2002, n° 01-85.931
  • Cass. 1re civ., 22 avril 1997, n° 95-13.270
  • Cass. com., 11 octobre 2011, n° 10-14.359

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