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L’Agent judiciaire de l’État : historique et missions essentielles

Table des matières

Derrière les procès médiatiques impliquant l’État français se cache une institution peu connue mais fondamentale : l’Agent judiciaire de l’État (AJE). Cette entité défend les intérêts financiers de la République depuis plus de deux siècles. Son rôle s’avère déterminant dans l’équilibre des finances publiques et la représentation de l’État devant les tribunaux.

Naissance et évolution d’une institution

L’AJE plonge ses racines dans la période révolutionnaire. Un décret du 21 juillet-15 août 1790 crée cette fonction avec la formulation originelle : « il sera nommé par le roi un ou deux agents… ». Quelques semaines plus tard, le décret des 27 et 31 août 1791 définit précisément sa mission : suivre « les demandes et répétitions formées judiciairement contre la Nation ».

Cette institution a traversé les régimes politiques en conservant sa mission fondamentale. Toutefois, sa dénomination a évolué avec le temps. Pendant longtemps connue sous l’appellation « Agent judiciaire du Trésor » (AJT), l’institution a été rebaptisée « Agent judiciaire de l’État » par le décret n°2012-985 du 23 août 2012. Ce changement n’était pas cosmétique mais répondait à trois nécessités :

  • Corriger une confusion fréquente avec les services du Trésor public
  • Reconnaître son caractère interministériel
  • Acter l’évolution de ses missions, qui ne concernent plus le recouvrement

Cette modification a nécessité l’intervention du Conseil constitutionnel qui, par décision du 7 juin 2012, a déclassé les textes relatifs à l’AJT en leur reconnaissant un caractère réglementaire.

Les missions essentielles de l’AJE

Représentation de l’État devant les juridictions judiciaires

Explorez en détail le mandat légal de l’Agent judiciaire de l’État. La mission principale de l’AJE réside dans sa compétence exclusive pour représenter l’État devant les tribunaux judiciaires. L’article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 stipule que « toute action portée devant les tribunaux de l’ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l’État créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l’impôt et au domaine, doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l’agent judiciaire de l’État ».

Cette compétence crée un « monopole de représentation » que la jurisprudence a constamment confirmé. Un arrêt emblématique « Fomberteau » (Civ. 2e, 25 octobre 1995) a établi que « l’État n’avait pu, dans une instance tendant à le faire déclarer débiteur pour des causes étrangères à l’impôt et au domaine, être légalement représenté par un autre fonctionnaire que l’agent judiciaire du Trésor ».

Évolution des missions de recouvrement

Initialement, l’AJE était chargé du recouvrement des créances de l’État. Cette mission a cependant disparu en 1992 avec le décret n°92-1369 du 29 décembre 1992. Depuis, cette fonction est assurée par les comptables du Trésor, notamment par la Direction des créances spéciales du Trésor (DCST) située à Châtellerault.

La fonction d’expertise juridique

Pour comprendre comment l’État agit en tant que sujet de droit et est défendu par l’AJE, il faut savoir que depuis 1844, l’AJE assure également une fonction d’expertise juridique au profit des administrations de l’État. Le décret du 18 décembre 1869 a précisé le champ de cette fonction consultative. Cette mission s’est considérablement développée au fil du temps, jusqu’à être consacrée par le décret n°98-975 du 2 novembre 1998 portant création d’une Direction des affaires juridiques au ministère de l’Économie.

Organisation actuelle et structure de l’AJE

L’AJE n’existe plus en tant qu’agence autonome. Elle a été intégrée à la Direction des affaires juridiques (DAJ) des ministères économiques et financiers. Selon l’article 1er du décret du 2 novembre 1998, le directeur des affaires juridiques est agent judiciaire de l’État.

Pour exercer cette mission, huit agents judiciaires adjoints l’assistent (depuis un arrêté du 6 décembre 2018) :

  • Le chef de service de la direction des affaires juridiques
  • Le sous-directeur du droit de la commande publique
  • Le sous-directeur du droit privé et du droit pénal
  • Le sous-directeur du droit public, européen et international
  • Le sous-directeur du droit des régulations économiques
  • Les trois chefs de bureau de la sous-direction du droit privé et du droit pénal

En pratique, c’est généralement la sous-directrice du droit privé et du droit pénal qui exerce ces fonctions. L’AJE s’appuie sur une équipe d’environ 50 agents qui gèrent plus de 11 000 dossiers contentieux actifs. Par ailleurs, un réseau de 112 cabinets d’avocats l’assiste devant les juridictions judiciaires.

Quand faut-il s’adresser à l’AJE?

L’AJE doit être saisi dans toutes les affaires judiciaires où l’État pourrait être déclaré créancier ou débiteur, hors matières fiscales et domaniales.

Des situations concrètes imposent son intervention :

  • Contentieux en matière d’accidents de la circulation impliquant des véhicules de l’État
  • Recours subrogatoires lorsqu’un agent public a été victime d’un accident
  • Contentieux liés aux dysfonctionnements du service public de la justice
  • Affaires relatives aux détentions provisoires injustifiées
  • Contentieux des hospitalisations sans consentement

Il est important de bien distinguer la responsabilité de l’État de celle des juges et magistrats. Pour le justiciable qui souhaite engager une action contre l’État, la procédure impose d’assigner directement l’AJE sous peine de nullité. Cette règle, d’ordre public, ne souffre aucune exception.

Les praticiens du droit doivent porter une attention particulière à cette obligation. Une assignation mal dirigée serait irrémédiablement nulle. Par ailleurs, la notification d’une décision adressée à un service autre que l’AJE ne fait pas courir les délais de recours.

Besoin d’engager une action judiciaire contre l’État ou de vous défendre après une action initiée par l’AJE? Nos avocats spécialistes du contentieux administratif peuvent vous accompagner dans ces démarches souvent complexes. Contactez notre cabinet pour une analyse approfondie de votre situation.

Sources

  • Loi n°55-366 du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère des Finances
  • Décret n°2012-985 du 23 août 2012 substituant la dénomination « agent judiciaire de l’État » à la dénomination « agent judiciaire du Trésor »
  • Décret n°98-975 du 2 novembre 1998 portant création d’une Direction des affaires juridiques au ministère de l’Économie
  • Arrêté du 6 décembre 2018 relatif aux agents judiciaires adjoints de l’État
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 25 octobre 1995, « Fomberteau »
  • Décision du Conseil constitutionnel n°2012-231 L du 7 juin 2012

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