Vous possédez une somme d’argent à distribuer entre plusieurs créanciers, mais aucune procédure d’exécution forcée n’est en cours. Comment procéder légalement? La distribution des deniers en dehors de toute procédure d’exécution obéit à des règles précises.
Le cadre légal
Cette procédure est régie par les articles 1281-1 à 1281-12 du Code de procédure civile, issus du décret n°96-740 du 14 août 1996. Elle vient compléter la réforme des procédures civiles d’exécution opérée par la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 et son décret d’application n°92-755 du 31 juillet 1992.
L’article 1281-1 du CPC pose le principe: « S’il y a lieu, en dehors de toute procédure d’exécution, de répartir une somme d’argent entre créanciers et hors le cas où cette somme proviendrait de la vente d’un immeuble, la partie la plus diligente peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal judiciaire dans le ressort duquel demeure le débiteur, lequel désigne une personne chargée de la distribution. »
Les situations concernées
Cette procédure s’applique principalement dans trois cas:
Vente volontaire de meubles corporels
Il s’agit généralement d’une vente publique d’objets qui avaient pu être donnés en gage, avec ou sans dépossession. La procédure ne s’applique pas à la vente amiable d’objets saisis dans le cadre d’une saisie-vente.
Vente de valeurs mobilières ou cession de créances
La dématérialisation de ces meubles implique l’intervention d’un tiers dépositaire, ce qui leur confère une certaine publicité, notamment lorsqu’elles ont été nanties.
Vente volontaire d’un fonds de commerce
C’est le cas le plus fréquent. L’article L.143-21 du Code de commerce prévoit que tout tiers détenteur du prix d’acquisition d’un fonds de commerce doit en faire la répartition dans un délai de 105 jours à compter de la date de l’acte de vente. Ce délai peut être prolongé de 60 jours si la déclaration fiscale n’a pas été déposée dans les délais.
Le rôle du juge des référés
La procédure débute par la saisine du juge des référés par la partie la plus diligente (vendeur, acquéreur ou créancier). En matière civile, ce sera le président du tribunal judiciaire. Pour les questions commerciales, notamment la distribution du prix d’un fonds de commerce, ce sera le président du tribunal de commerce.
Le juge compétent est celui du domicile du débiteur, généralement le vendeur.
La mission de la personne chargée de la distribution
Le juge désigne un professionnel pour gérer la distribution: huissier, avocat, notaire ou mandataire judiciaire. Ce professionnel devient séquestre des fonds, sauf si leur consignation à la Caisse des dépôts est ordonnée.
Sa rémunération est prélevée sur les fonds à répartir et supportée par les créanciers, au prorata de la somme revenant à chacun. En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut en fixer le montant.
Attention: sa mission ne comprend pas la récupération des fonds à distribuer s’ils ne sont pas disponibles, sauf pouvoir spécial.
Les étapes de la procédure
Information des créanciers
La personne chargée de la distribution avise les créanciers par lettre recommandée avec AR qu’ils doivent, dans un délai d’un mois, lui adresser une déclaration comportant:
- Un décompte des sommes réclamées (principal, intérêts, accessoires)
- La mention des privilèges et sûretés attachés à la créance
- Les documents justificatifs
Un créancier qui ne déclare pas sa créance dans ce délai est déchu de son droit à participer à la distribution.
L’identification des créanciers peut s’avérer délicate. Pour un fonds de commerce, les créanciers nantis sont connus par leur inscription au greffe du tribunal de commerce. Pour les meubles corporels, les créanciers gagistes avec ou sans dépossession sont également identifiables.
Projet de répartition
Dans les deux mois suivant les déclarations, la personne chargée de la distribution établit un projet de répartition qu’elle notifie au débiteur et à chaque créancier par LRAR.
Cette notification indique:
- Que les destinataires disposent de 15 jours pour soulever une contestation motivée
- Qu’à défaut de réponse, ils sont réputés avoir accepté le projet
Traitement des contestations
En cas de contestation, la personne chargée de la distribution convoque les parties pour une tentative de conciliation dans le mois suivant la première contestation.
Si un accord intervient, un procès-verbal est dressé et communiqué aux parties. Le paiement est effectué selon cet accord.
À défaut de conciliation, un procès-verbal des points de désaccord est établi. La personne chargée de la distribution consigne les fonds et la partie la plus diligente saisit le tribunal judiciaire ou de commerce.
Le paiement n’intervient qu’après jugement passé en force de chose jugée, la Caisse des dépôts devant payer dans les 15 jours de la notification du jugement définitif.
L’impact d’une procédure collective
La distribution des deniers peut être affectée par l’ouverture d’une procédure collective. L’article L.622-21, II du Code de commerce prévoit que le jugement d’ouverture arrête toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant ce jugement.
L’article R.622-19 du même code précise que les procédures de distribution du prix de vente d’un meuble ne faisant pas suite à une procédure d’exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture sont caduques. Les fonds doivent être remis au mandataire judiciaire.
Cette règle s’applique même si un séquestre conventionnel a été désigné avant le jugement d’ouverture. La Cour de cassation l’a confirmé dans un arrêt du 8 juin 2010 (n°09-68.591).
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Sources
- Code de procédure civile, articles 1281-1 à 1281-12
- Code de commerce, article L.143-21, L.622-21 et R.622-19
- Décret n°96-740 du 14 août 1996 instituant une procédure de distribution des deniers en dehors de toute procédure d’exécution
- Cour de cassation, chambre commerciale, 8 juin 2010, n°09-68.591
- Cour de cassation, avis n°09-30.014 du 29 novembre 1993