Quand un débiteur refuse de payer, le créancier se trouve souvent démuni. Sans titre exécutoire, impossible de lancer une procédure de recouvrement forcé. Notre cabinet reçoit chaque semaine des clients qui découvrent cette réalité après plusieurs mois de relances infructueuses.
Qu’est-ce qu’un titre exécutoire?
Un titre exécutoire constitue le sésame indispensable pour contraindre un débiteur à s’exécuter. L’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) en dresse une liste limitative. Ce document officiel permet au créancier d’utiliser la force publique pour obtenir paiement.
Ce n’est qu’avec ce précieux document qu’un huissier (devenu commissaire de justice depuis juillet 2022) pourra procéder à une saisie sur compte bancaire, sur salaire ou sur bien meuble ou immeuble.
Les décisions de justice comme titres exécutoires
Les jugements représentent la catégorie la plus connue des titres exécutoires. L’article L. 111-3, 1° du CPCE vise « les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif ».
Attention aux conditions d’efficacité : pour être exécutoire, le jugement doit:
- Être notifié à la partie adverse
- Avoir acquis force de chose jugée (ou bénéficier de l’exécution provisoire)
- Être revêtu de la formule exécutoire
Depuis 2020, les jugements de première instance sont exécutoires de plein droit. L’appel n’est plus suspensif (article 514 du Code de procédure civile). Un changement majeur que beaucoup de justiciables ignorent.
La Cour de cassation a clarifié que sans formule exécutoire, le jugement est inexécutable (Civ. 2e, 1er juill. 1992, n° 91-11.434).
Les actes notariés et leur force exécutoire
Moins connus mais tout aussi efficaces, les actes notariés constituent des titres exécutoires de premier ordre. Leur force exécutoire est inscrite dans l’article 19 de la loi du 25 ventôse an XI.
Un acte de vente, un prêt notarié ou une reconnaissance de dette passée devant notaire permet d’éviter le passage par le tribunal en cas d’impayé.
Des limites existent. L’acte notarié:
- Doit être revêtu de la formule exécutoire
- Ne permet pas certaines procédures comme l’expulsion (article L. 411-1 du CPCE)
- Peut être contesté plus facilement qu’un jugement
La copie exécutoire (ou « grosse ») de l’acte notarié, délivrée par le notaire au créancier, représente le document qui servira au recouvrement.
Les titres émis par les commissaires de justice
Depuis 2022, les huissiers sont devenus commissaires de justice. Ils peuvent émettre deux types de titres exécutoires:
- Le certificat de non-paiement d’un chèque Après deux présentations infructueuses d’un chèque, le porteur peut obtenir un certificat de non-paiement qui, après notification et délai de 15 jours, devient un titre exécutoire (article L. 131-73 du Code monétaire et financier).
- Le titre issu de la procédure simplifiée de recouvrement Pour les créances contractuelles inférieures à 5 000 euros, le commissaire de justice peut proposer une procédure amiable. Si le débiteur l’accepte, l’accord devient un titre exécutoire (article L. 125-1 du CPCE).
Ces titres ont un statut particulier. La Cour de cassation a précisé qu’ils « ne constituent pas une décision de justice » (Civ. 2e, 7 janv. 2016, n° 14-26.449), ce qui limite certains de leurs effets.
Les titres émis par les personnes morales de droit public
L’administration dispose du privilège du préalable : elle peut émettre des titres exécutoires sans passer par un juge.
Parmi ces titres figurent:
- Les avis de mise en recouvrement fiscal
- Les ordres de recettes émis par les collectivités territoriales
- Les contraintes émises par les organismes de sécurité sociale
Ces titres sont exécutoires dès leur notification régulière au débiteur. Pour les contester, le contribuable doit respecter des procédures strictes: recours administratif préalable puis saisine du juge compétent.
L’article L. 111-3, 6° du CPCE mentionne expressément « les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi ».
Les nouveaux titres exécutoires
Le législateur a créé de nouveaux titres exécutoires pour désengorger les tribunaux.
Accords homologués par le juge
Les transactions, médiations, conciliations et accords issus d’une procédure participative homologués par le juge ont force exécutoire (article L. 111-3, 1° du CPCE).
Accords rendus exécutoires par le greffe
Innovation majeure: depuis la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, les transactions et accords contresignés par les avocats peuvent être rendus exécutoires par le greffe sans intervention du juge (article L. 111-3, 7° du CPCE et articles 1568 à 1571 du CPC).
Divorce par consentement mutuel par acte d’avocat
Depuis 2017, l’accord de divorce déposé au rang des minutes d’un notaire constitue un titre exécutoire (article L. 111-3, 4° bis du CPCE).
La hiérarchie des titres exécutoires
Tous les titres exécutoires n’ont pas la même force. Une hiérarchie existe:
- Les décisions de justice bénéficient de l’autorité de chose jugée
- Les actes notariés peuvent être plus facilement contestés
- Les titres administratifs peuvent être remis en cause devant le juge administratif
La Cour de cassation a confirmé cette hiérarchie en reconnaissant l’intérêt pour le créancier déjà muni d’un acte notarié d’obtenir un jugement (Civ. 2e, 18 févr. 2016, n° 15-13.945).
Pour les décisions de justice, le délai de prescription est de 10 ans (article L. 111-4 du CPCE), tandis que les autres titres suivent le délai de prescription de droit commun (5 ans).
L’originalité du système français réside dans cette diversité des titres exécutoires, offrant plusieurs voies pour obtenir un titre.
Dans certaines situations, comme pour une dette non documentée, le passage par le tribunal reste incontournable. Dans d’autres cas, le choix entre plusieurs options s’offre au créancier.
Nos avocats peuvent vous accompagner pour déterminer le chemin optimal vers l’obtention d’un titre exécutoire adapté à votre situation. Un conseil personnalisé s’avère souvent décisif pour éviter les erreurs procédurales et accélérer le recouvrement. N’hésitez pas à nous contacter pour une première évaluation de votre dossier.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution : articles L. 111-1 à L. 111-5, L. 125-1
- Code de procédure civile : articles 502, 503, 504, 514, 1568 à 1571
- Loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat, article 19
- Code monétaire et financier : article L. 131-73
- Civ. 2e, 1er juill. 1992, n° 91-11.434, Bull. civ. II, n° 194
- Civ. 2e, 7 janv. 2016, n° 14-26.449, D. 2016. 124
- Civ. 2e, 18 févr. 2016, n° 15-13.945, D. 2016. 1279
- Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire