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Les délais d’attente en procédure civile : une garantie pour les droits de la défense

Table des matières

Dans la mécanique judiciaire, le temps est rarement l’allié des justiciables. Pourtant, certains délais constituent des protections essentielles. Contrairement aux délais d’action qui imposent d’agir rapidement sous peine de forclusion, les délais d’attente interdisent toute initiative tant qu’ils ne sont pas écoulés. Ces « délais freins » permettent la réflexion et protègent les droits de la défense.

Les délais de comparution : une protection fondamentale

Durée et calcul du délai

Le délai de comparution constitue le temps minimal entre l’assignation et l’audience. Il est de quinze jours devant le tribunal judiciaire (ancien tribunal de grande instance) depuis le décret n°71-740 du 9 septembre 1971, norme désormais appliquée à la plupart des juridictions.

Ce délai présente une particularité de calcul. Il s’agit d’un délai « à rebours » : on part de la date d’audience pour remonter dans le temps. Ce mécanisme implique qu’il n’y a pas de prorogation possible si le dernier jour est férié ou chômé, comme l’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 14 février 1990.

La jurisprudence considère que ce délai n’est pas susceptible de prorogation lorsque le dernier jour est un jour férié ou chômé (Civ. 2e, 14 février 1990, n°88-18.471). Position logique puisque ce délai vise uniquement à garantir un temps minimal de préparation.

Conséquences du non-respect

Le délai de comparution est un délai in favorem. Son non-respect par le défendeur n’entraîne pas de sanction, puisque ce délai existe précisément pour le protéger.

En revanche, le demandeur qui ne respecte pas ce délai s’expose à des conséquences graves. La jurisprudence considère que la demande en justice est alors nulle de plein droit, sans nécessité de justifier d’un grief (Riom, 23 juin 1988).

Une nullité de fond qui touche à l’organisation judiciaire et aux droits de la défense, donc insusceptible de régularisation. Cette sévérité s’explique par la fonction protectrice du délai.

Pour les justiciables non représentés par avocat, cette subtilité peut constituer un piège redoutable. Une erreur de calcul peut entraîner l’anéantissement de la procédure.

Les exceptions dilatoires : suspendre pour mieux décider

Fonction et mise en œuvre

L’article 108 du code de procédure civile dispose que : « Le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer, soit d’un bénéfice de discussion ou de division, soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi« .

Ces exceptions obligent le tribunal à suspendre la procédure. Elles permettent d’attendre qu’une question préalable soit résolue avant de poursuivre l’instance. Contrairement aux délais d’action, leur méconnaissance n’entraîne pas automatiquement une déchéance.

Applications en matière successorale

Les exceptions dilatoires trouvent une application particulière en droit des successions. L’héritier bénéficie d’un délai de quatre mois à compter du décès pour exercer son option successorale (acceptation pure et simple, acceptation à concurrence de l’actif net ou renonciation).

Si l’héritier est sommé de prendre parti, la loi lui accorde un délai de deux mois pour décider (article 771 du code civil). À défaut de réponse dans ce délai, et sauf prorogation judiciaire, l’héritier est réputé acceptant pur et simple (article 772, alinéa 2).

Cette protection temporelle permet d’éviter toute précipitation dans des choix aux conséquences patrimoniales majeures.

Applications en droit des sûretés

Le bénéfice de discussion constitue l’exception dilatoire classique en droit des sûretés. L’article 2299 du code civil permet à la caution de demander que le créancier poursuive d’abord le débiteur principal.

Cette exception doit être invoquée dès les premières poursuites. En pratique, son utilité reste limitée. Les conditions d’exercice strictes et les clauses contractuelles y dérogeant fréquemment expliquent sa rareté.

Quant au bénéfice de division, il permet à une caution, parmi plusieurs, de demander que sa part dans la dette soit déterminée proportionnellement.

Autres cas de sursis à statuer

L’article 108 du code mentionne « quelque autre délai d’attente en vertu de la loi« , formule ouverte qui englobe d’autres mécanismes suspensifs.

C’est le cas des instances suspendues par décision de sursis à statuer, de radiation ou de retrait du rôle (article 377 du code de procédure civile).

L’incident de faux contre un acte authentique constitue un autre exemple. Si des poursuites pénales sont engagées contre les auteurs présumés du faux, le juge civil doit surseoir à statuer jusqu’à la décision pénale (articles 312 et 313 du code de procédure civile).

Le principe de surséance du civil au pénal, bien qu’atténué depuis la loi du 5 mars 2007, continue de s’appliquer dans ces situations spécifiques.

Une nécessité pour un procès équitable

Contrairement à d’autres contraintes temporelles comme les délais d’action, les délais d’attente ne constituent pas des manœuvres dilatoires mais des garanties fondamentales. Ils concrétisent le principe constitutionnel des droits de la défense et permettent un débat judiciaire équilibré.

Le législateur a prévu ces mécanismes pour éviter l’effet de surprise et donner aux défendeurs le temps de préparer leurs arguments. Sans ces protections temporelles, le procès civil risquerait de favoriser systématiquement le demandeur.

Pour naviguer efficacement dans ces délais complexes, l’assistance d’un avocat spécialisé s’avère souvent précieuse. Un professionnel du droit identifiera les délais applicables et vous aidera à les utiliser au mieux de vos intérêts. Nous restons à votre disposition pour toute question concernant les délais procéduraux.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 108, 142-145, 146-149, 377, 468
  • Code civil, articles 771, 772, 780, 784, 2299
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 14 février 1990, n°88-18.471
  • Cour d’appel de Riom, 23 juin 1988
  • Décret n°71-740 du 9 septembre 1971
  • Loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions

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