La réussite d’un séquestre repose sur le respect rigoureux de sa procédure. Une erreur procédurale peut compromettre la mesure et fragiliser les droits qu’elle protège. Connaître les règles de compétence et les étapes de mise en œuvre devient donc essentiel.
Les juridictions compétentes
Compétence d’attribution
Rôle du juge des référés
Le juge des référés constitue l’acteur principal de la procédure de séquestre. Il peut ordonner cette mesure sur deux fondements:
- L’article 834 du Code de procédure civile en cas d’urgence
- Les articles 809 et 849 si un dommage imminent est constaté
Pour exercer ce pouvoir, le juge doit constater:
- Une faute grave
- L’utilité de la mesure pour préserver les droits des parties
Cette compétence s’applique fréquemment aux conflits entre associés d’une société. Le président du tribunal de commerce dispose des mêmes pouvoirs en vertu des articles 872 et 873 du Code de procédure civile.
L’appréciation de l’urgence relève du pouvoir souverain du juge (Civ. 2e, 27 juin 1979).
Compétence du juge de la mise en état
L’article 789 du Code de procédure civile pose une règle claire: dès la désignation du juge de la mise en état, le juge des référés devient incompétent pour ordonner des mesures provisoires.
Deux situations doivent être distinguées:
- Si le juge des référés est saisi avant la désignation du juge de la mise en état, il reste compétent (Paris, 10 octobre 1980)
- Si la demande de séquestre intervient après cette désignation, seul le juge de la mise en état peut statuer (Civ. 2e, 18 mars 1998)
Cette distinction évite les conflits de compétence entre juridictions.
Relations avec l’arbitrage et les tribunaux internationaux
Une clause compromissoire peut affecter la compétence des juridictions étatiques. Lorsqu’un protocole d’accord prévoit une mesure de séquestre et contient une clause d’arbitrage, le juge étatique devient incompétent pour ordonner la mainlevée du séquestre (Civ. 2e, 30 mars 2000).
Les décisions étrangères ne font pas obstacle au pouvoir du juge français. Une cour d’appel peut ordonner une mesure de séquestre sur le territoire français malgré l’existence d’une décision étrangère de nomination d’exécuteurs testamentaires (Civ. 1re, 4 mai 1994).
Compétence territoriale
La mesure conservatoire est normalement prise par la juridiction compétente pour trancher le fond du litige.
Pour le juge des référés, une règle plus souple s’applique: la partie peut s’adresser au président du tribunal dans le ressort duquel les mesures doivent être prises. Cette jurisprudence constante existe depuis 1910 (Civ. 2e, 10 juillet 1991).
Cette compétence territoriale spéciale s’étend même aux parties étrangères non domiciliées dans ce ressort (Civ. 2e, 9 décembre 1976).
Point important: la clause attributive de compétence insérée au contrat reste sans effet en référé, notamment dans le cadre de l’article 808 du Code de procédure civile (Aix-en-Provence, 18 janvier 1979).
Autonomie de la procédure de séquestre
La procédure de séquestre maintient son indépendance par rapport au litige principal. Le séquestre n’est pas partie au conflit. Il joue un rôle de dépositaire neutre, responsable de la conservation du bien sans défendre les intérêts particuliers des antagonistes.
Il reste étranger à l’instance principale et attend son issue pour restituer la chose « à qui elle appartient ».
Distinction avec l’ordre et la distribution du prix
Le séquestre diffère des procédures d’ordre et de distribution par contribution. Ces dernières visent à répartir un prix entre créanciers selon leur rang.
Dans la procédure d’ordre, les fonds sont remis à la Caisse des dépôts et consignations. Elle paie les créanciers suivant les collocations décidées par le juge.
En pratique, les fonds provenant des adjudications sont souvent séquestrés entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats.
Spécificités en matière de saisie immobilière
La saisie immobilière implique plusieurs phases de séquestre:
- Pour enchérir, l’avocat doit obtenir une caution bancaire ou un chèque de banque rédigé à l’ordre du séquestre ou de la Caisse des dépôts et consignation (article R. 322-41 du Code des procédures civiles d’exécution)
- Après l’audience d’enchères, le prix est séquestré
- En cas de distribution du prix d’un immeuble vendu hors procédure d’exécution, la juridiction désigne un séquestre des fonds (article R. 331-3 du Code des procédures civiles d’exécution)
- Le séquestre procède au paiement des créanciers dans le mois suivant la notification du projet de distribution homologué (article R. 334-2 du Code des procédures civiles d’exécution)
La décision de nomination du séquestre
Procédure contradictoire ou sur requête
Le principe du contradictoire s’applique « en toutes circonstances » selon l’article 16 du Code de procédure civile. Toutefois, l’article 17 prévoit des exceptions quand « la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie ».
La procédure d’ordonnance sur requête (article 493 du Code de procédure civile) peut être utilisée si l’on craint que le détenteur des biens ne les fasse disparaître après notification de la citation.
La mesure de séquestre n’est pas une mesure d’instruction mais une mesure conservatoire. Elle relève donc de l’article 845 du Code de procédure civile et non de l’article 145 (Com. 4 mai 2010).
Critères de choix du séquestre
Le requérant peut proposer un séquestre, mais l’article 1963 du Code civil n’oblige le juge à le désigner que si toutes les parties sont d’accord. À défaut, la nomination est faite d’office par le juge, qui dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation (Civ. 1re, 30 juin 1965).
La désignation d’un tiers non partie à la procédure est préférable (Com. 29 janvier 1974). Ce choix évite tout soupçon de partialité.
Le séquestre peut être:
- Une personne de confiance
- Un mandataire judiciaire
- Un auxiliaire de justice habituel du tribunal
Le juge détermine si la fonction sera gratuite ou rémunérée et fixe le montant ou le mode de calcul de cette rémunération.
Portée juridique de la décision
La décision de nomination définit l’étendue des pouvoirs du séquestre. Elle précise:
- Les biens concernés
- La durée de la mission
- Les actes autorisés
- Les modalités de reddition des comptes
Le séquestre acquiert, à titre occasionnel, la qualité d’auxiliaire de justice. Il peut demander une provision sur ses frais et honoraires, conformément aux articles 704 et suivants du Code de procédure civile (Civ. 1re, 3 février 1983).
La décision de nomination peut faire l’objet des voies de recours de droit commun. Son exécution provisoire peut être ordonnée ou résulter de la loi.
La procédure de séquestre demande une attention particulière aux règles de compétence et de forme. Ces aspects techniques déterminent la validité et l’efficacité de la mesure. Pour sécuriser votre démarche et éviter toute erreur procédurale, notre cabinet vous guide à chaque étape de la mise en œuvre du séquestre.
Sources
- Code de procédure civile, articles 16, 17, 493, 789, 834, 845
- Code des procédures civiles d’exécution, articles R. 322-41, R. 331-3, R. 334-2
- Code civil, article 1963