Recouvrer une créance dans un contexte transfrontalier représente souvent un parcours semé d’embûches. La distance géographique, les différences linguistiques et juridiques, ainsi que les coûts associés découragent fréquemment les créanciers de poursuivre leurs débiteurs établis dans un autre État membre. Ce constat a conduit le législateur européen à créer un instrument spécifique: la procédure européenne de règlement des petits litiges.
Cette procédure offre aux personnes physiques comme aux entreprises un moyen efficace de résoudre leurs litiges transfrontaliers de faible montant. Elle se distingue par sa simplicité, sa rapidité et son coût réduit. Gagnez du temps pour comprendre comment cet outil juridique européen peut répondre à vos besoins.
Origine et objectifs de la procédure européenne des petits litiges
La procédure européenne des petits litiges trouve son origine dans le règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007. Ce texte s’inscrit dans le cadre plus large de la coopération judiciaire en matière civile au sein de l’Union européenne, fondée sur l’article 81 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Le législateur européen partait d’un constat simple: les frais, délais et complications liés aux litiges transfrontaliers ne diminuent pas proportionnellement à la valeur du litige. Pour une créance de quelques milliers d’euros, les obstacles procéduraux peuvent rendre le recouvrement économiquement irrationnel. Le règlement vise donc à « simplifier et accélérer le règlement des petits litiges transfrontaliers et à en réduire les coûts », comme l’énonce son article premier.
Ce dispositif a connu une évolution significative avec le règlement modificatif (UE) 2015/2421 du 16 décembre 2015, entré en application le 14 juillet 2017. Cette réforme a élargi le champ d’application de la procédure et renforcé son efficacité, notamment par un recours accru aux technologies de communication.
La procédure coexiste avec d’autres instruments européens poursuivant des objectifs similaires. Citons notamment le règlement (CE) n° 1896/2006 instituant une procédure d’injonction de payer européenne, le règlement (UE) n° 1215/2012 (« Bruxelles I bis ») concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions, ou encore le règlement (CE) n° 805/2004 portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées.
Champ d’application: quels litiges sont concernés?
Trois critères cumulatifs déterminent l’applicabilité et les conditions d’engagement de cette procédure européenne.
Premièrement, elle concerne exclusivement les litiges transfrontaliers. Le règlement définit précisément cette notion: un litige est transfrontalier lorsqu’au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie. Ce caractère transfrontalier s’apprécie à la date de réception du formulaire de demande par la juridiction compétente. Les changements ultérieurs de domicile restent sans incidence.
Deuxièmement, la procédure s’applique uniquement en matière civile et commerciale, quelle que soit la nature de la juridiction saisie. Elle exclut expressément plusieurs domaines:
- Les matières fiscales, douanières ou administratives
- La responsabilité de l’État pour des actes de puissance publique
- L’état et la capacité des personnes physiques
- Les régimes matrimoniaux ou patrimoniaux similaires
- Les obligations alimentaires familiales
- Les testaments et successions
- Les faillites et procédures analogues
- La sécurité sociale
- L’arbitrage
- Le droit du travail
- Les baux d’immeubles (sauf demandes pécuniaires)
- Les atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité
Troisièmement, la valeur du litige ne doit pas excéder 5 000 euros. La réforme de 2015 a relevé ce plafond, initialement fixé à 2 000 euros. Ce montant s’entend hors intérêts, frais et débours, et s’apprécie au moment de la réception de la demande par la juridiction.
Cette procédure s’applique dans tous les États membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark. Ce dernier bénéficie d’un régime dérogatoire dans le domaine de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a également mis fin à l’application du règlement sur son territoire.
Principes fondamentaux de la procédure
Le règlement (CE) n° 861/2007 instaure une procédure uniforme qui se superpose aux législations nationales sans les modifier. Son utilisation reste facultative pour les créanciers qui conservent la possibilité de recourir aux procédures nationales existantes. Cette nature alternative constitue un atout majeur pour les justiciables qui peuvent choisir la voie procédurale la plus adaptée à leur situation.
« Les procédures intermédiaires nécessaires pour qu’une décision rendue dans un État membre soit reconnue et exécutée dans un autre État membre » sont supprimées, comme le précise l’article premier du règlement. Cette abolition de l’exequatur permet au demandeur d’éviter une procédure supplémentaire pour faire exécuter sa décision dans un autre État membre.
L’uniformisation de la procédure constitue un facteur essentiel de confiance mutuelle entre les États membres. Le fait que la procédure suivie soit identique dans tous les États membres justifie cette confiance et explique la libre circulation des décisions obtenues.
La représentation par un avocat ou tout autre professionnel du droit n’est pas obligatoire, contrairement à de nombreuses procédures nationales. L’article 10 du règlement énonce clairement ce principe, permettant aux parties de se défendre elles-mêmes si elles le souhaitent. Cette faculté contribue significativement à la réduction des coûts du litige.
Notons toutefois que la procédure ne fonctionne pas en totale autonomie par rapport aux droits nationaux. L’article 19 du règlement prévoit que la procédure « est régie par le droit procédural de l’État membre dans lequel la procédure se déroule », sous réserve des dispositions spécifiques du règlement.
Avantages pratiques pour les justiciables
La standardisation des actes constitue l’une des innovations majeures de cette procédure. Elle s’articule autour de formulaires types multilingues disponibles dans toutes les langues officielles de l’Union européenne. Ces formulaires couvrent les principales étapes de la procédure: demande, réponse du défendeur, demande reconventionnelle et jugement.
Cette standardisation présente deux avantages majeurs. Elle limite d’abord les effets négatifs du plurilinguisme en facilitant la compréhension des actes par leurs destinataires. Elle favorise ensuite l’utilisation de l’informatique dans le déroulement de la procédure, facteur clé de simplification dans un contexte transfrontalier.
Le caractère principalement écrit de la procédure constitue un autre atout considérable. Selon l’article 5 du règlement, « la procédure européenne de règlement des petits litiges est une procédure écrite ». La tenue d’une audience reste exceptionnelle et n’intervient que si la juridiction l’estime nécessaire ou si l’une des parties en fait la demande. Même dans ce cas, le règlement privilégie l’utilisation des technologies de communication à distance comme la vidéoconférence.
Cette prédominance de l’écrit évite aux parties des déplacements coûteux et chronophages à l’étranger, particulièrement dissuasifs pour les litiges de faible valeur.
Le recours aux technologies de communication a été considérablement renforcé par la réforme de 2015. Le règlement modifié prévoit désormais que les communications écrites entre la juridiction et les parties s’effectuent prioritairement « par des moyens électroniques avec accusé de réception ». En France, un arrêté du 1er août 2017 a autorisé la mise en œuvre d’un traitement automatisé dénommé « e-CODEX » permettant l’introduction et le suivi dématérialisés de la procédure.
Concernant les frais de justice, l’article 15 bis du règlement, introduit par la réforme de 2015, pose deux principes essentiels. Ces frais « ne peuvent pas être disproportionnés » par rapport à la valeur du litige. Ils ne peuvent pas non plus être supérieurs aux frais perçus pour les procédures nationales simplifiées correspondantes.
Pour faciliter le paiement transfrontalier de ces frais, le règlement impose aux États membres de prévoir au moins l’un des modes de paiement à distance suivants: virement bancaire, paiement par carte bancaire ou prélèvement sur le compte du demandeur.
Le délai de traitement constitue également un avantage majeur. Le règlement prévoit un calendrier procédural précis avec des délais stricts à chaque étape. Dans les conditions optimales, une décision peut être obtenue en quelques mois seulement.
Pour faciliter la mise en œuvre de cette procédure, les États membres doivent veiller à ce que les justiciables bénéficient d’une aide pratique pour remplir les formulaires. En France, cette assistance est fournie notamment par les greffes des tribunaux d’instance et des tribunaux de commerce, les maisons de justice et du droit ou encore les permanences gratuites d’avocats.
La procédure européenne de règlement des petits litiges représente une avancée significative dans l’accès au droit pour les litiges transfrontaliers de faible montant. Son caractère simplifié, accéléré et moins coûteux en fait un outil précieux tant pour les particuliers que pour les entreprises impliqués dans des échanges intra-européens.
Pour savoir si cette procédure correspond à votre situation et peut vous faire économiser temps et ressources, notre cabinet peut analyser votre dossier et vous orienter vers la solution la plus adaptée à vos besoins.
Sources
- Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges
- Règlement (UE) 2015/2421 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 861/2007
- Code de procédure civile français, articles 1382 à 1391