Comprendre le bail commercial : les fondamentaux pour les entreprises

Table des matières

Pour de nombreuses entreprises, qu’elles démarrent ou soient bien établies, le choix et la gestion du local d’exploitation représentent une étape déterminante. Le bail commercial est souvent au cœur de cette démarche. Plus qu’une simple location, il s’agit d’un contrat spécifique, encadré par la loi et en constante évolution, qui vise à offrir une certaine stabilité au commerçant, à l’artisan ou à l’industriel tout en définissant clairement les relations avec le propriétaire des murs. Ce cadre légal, connu sous le nom de statut des baux commerciaux, peut être une véritable sécurité pour votre activité, mais aussi une source de contraintes si ses mécanismes sont mal appréhendés. Comprendre les bases de ce statut est donc essentiel. Cet article a pour but de vous éclairer sur les points fondamentaux : quand ce régime s’applique-t-il vraiment ? Quelle est la durée d’engagement ? Comment le loyer initial est-il fixé ? Pour aller plus loin sur les droits et obligations en cours de bail, consultez notre article sur la gestion quotidienne de votre bail commercial.

Quand le statut des baux commerciaux s’applique-t-il ?

Le régime protecteur des baux commerciaux ne s’applique pas automatiquement à toute location de local professionnel. Son application dépend de la réunion de plusieurs conditions précises, définies principalement par l’article L. 145-1 du Code de commerce. Si ces conditions ne sont pas remplies, le contrat de location sera soumis au droit commun du louage (Code civil) ou à d’autres régimes spécifiques (bail professionnel, bail rural, etc.), souvent moins protecteurs pour le locataire.

Les conditions cumulatives à vérifier

Pour qu’un bail relève de plein droit du statut des baux commerciaux, quatre éléments doivent être présents simultanément :

  1. L’existence d’un véritable contrat de bail : Il doit s’agir d’une convention par laquelle un propriétaire (le bailleur) met un bien immobilier à la disposition d’une autre personne (le preneur ou locataire) pour qu’elle en jouisse, moyennant le paiement d’un loyer. Cette définition exclut d’autres types de contrats comme la vente, le prêt à usage (commodat, qui est gratuit), ou encore la simple convention de domiciliation d’entreprise qui n’implique pas une jouissance exclusive et permanente des locaux.
  2. Un local ou un immeuble : Le bail doit porter sur un bien immobilier bâti, c’est-à-dire un lieu clos et couvert, susceptible d’accueillir une clientèle ou de permettre l’exercice d’une activité. Un simple terrain nu, sauf exceptions, ne suffit pas. La jurisprudence précise également que la notion de « local » implique un espace défini et stable, excluant par exemple de simples emplacements sur un marché ou des surfaces d’affichage mural. Le local doit relever du domaine privé ; les occupations du domaine public de l’État ou des collectivités (kiosques sur la voie publique, emplacements dans une gare…) sont généralement régies par des conventions d’occupation précaires et non par le statut des baux commerciaux.
  3. L’exploitation d’un fonds : Un fonds de commerce, artisanal ou industriel doit être exploité dans les lieux loués. L’élément essentiel du fonds est l’existence d’une clientèle propre, attachée au locataire du fait de son activité personnelle. Sans clientèle autonome, il n’y a pas de fonds, et donc pas d’application du statut. Cette condition explique pourquoi certaines activités purement civiles (professions libérales, associations à but non lucratif en principe) n’en bénéficient pas directement, même si elles sont exercées dans un local loué.
  4. L’immatriculation du locataire : Le locataire (ou le propriétaire du fonds exploité) doit être immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS) s’il est commerçant ou industriel, ou au Répertoire des Métiers (RM) s’il est artisan. Cette condition est particulièrement importante, car elle est indispensable pour pouvoir revendiquer le droit au renouvellement du bail à son terme. Si le locataire n’est pas immatriculé au moment où le renouvellement est demandé ou refusé, il risque de perdre le bénéfice du statut, même si toutes les autres conditions sont remplies.

Il est à noter que ces conditions sont cumulatives. L’absence d’une seule d’entre elles peut faire basculer le contrat hors du statut protecteur des baux commerciaux.

Les situations où le statut est exclu

Certaines conventions, même si elles ressemblent à une location commerciale, sont explicitement exclues du champ d’application du statut :

  • Les baux de courte durée (ou baux dérogatoires) : L’article L. 145-5 du Code de commerce permet aux parties de convenir, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, d’échapper au statut si la durée totale du bail (ou des baux successifs) n’excède pas trois ans (depuis la loi Pinel de 2014, contre deux ans auparavant). C’est une option souvent utilisée pour tester une activité ou un emplacement. Attention : si le locataire reste dans les lieux après l’expiration de cette durée de trois ans sans opposition du bailleur, un nouveau bail soumis au statut prend automatiquement naissance.
  • Les conventions d’occupation précaire : Il ne s’agit pas d’un bail mais d’une autorisation d’occuper des lieux pour une durée dont le terme est marqué par des circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties (ex: attente d’une expropriation, d’une démolition programmée). La précarité doit être réelle et justifiée par ces circonstances objectives, et non par la simple volonté d’échapper au statut. Une faible redevance est souvent un indice, mais pas une condition suffisante.
  • Les locations saisonnières : Elles concernent des activités exercées pendant une saison touristique définie. Même renouvelées d’année en année, elles n’entrent pas dans le statut, car la jouissance des locaux n’est pas continue.
  • Les baux de longue durée : Le bail emphytéotique (18 à 99 ans) et le bail à construction (qui oblige le preneur à édifier des constructions) confèrent au preneur un droit réel sur l’immeuble et sont régis par des textes spécifiques (Code rural, Code de la construction et de l’habitation), excluant l’application du statut des baux commerciaux (sauf pour la révision du loyer en emphytéose).
  • Les dépendances du domaine public : Comme mentionné, l’occupation du domaine public (rues, places, gares, ports, aéroports…) ne peut faire l’objet d’un bail commercial mais seulement d’autorisations administratives précaires et révocables.

L’extension volontaire : choisir le statut

Même si les conditions légales ne sont pas remplies (par exemple, pour une profession libérale), les parties peuvent décider d’un commun accord de soumettre volontairement leur contrat de location au statut des baux commerciaux. Cette volonté doit être claire et non équivoque, idéalement mentionnée explicitement dans le contrat. Dans ce cas, l’ensemble du régime (durée, renouvellement, etc.) s’appliquera, y compris ses dispositions d’ordre public.

La durée du bail commercial : un cadre spécifique

La durée est un élément central du statut des baux commerciaux, conçu pour offrir une visibilité et une stabilité à l’exploitant.

La durée minimale de neuf ans : un principe protecteur

L’article L. 145-4 du Code de commerce pose un principe fondamental : la durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans. Cette règle est d’ordre public, ce qui signifie que toute clause prévoyant une durée initiale plus courte serait nulle. Il est cependant possible de convenir d’une durée plus longue (10, 12 ans ou plus), ce qui aura des conséquences notamment sur le calcul du loyer lors du renouvellement.

La faculté de résiliation triennale pour le locataire

Malgré la durée minimale de neuf ans, le même article L. 145-4 offre une souplesse importante au locataire. Sauf si une clause du bail l’interdit expressément (ce qui est possible, car cette faculté n’est pas d’ordre public pour le locataire), celui-ci a le droit de mettre fin au bail à l’expiration de chaque période de trois ans (on parle souvent de bail « 3-6-9 »). Pour cela, il doit donner congé à son bailleur par acte d’huissier (ou par lettre recommandée avec accusé de réception si le bail a été conclu ou renouvelé après la loi Pinel et avant la loi Macron – la prudence recommande l’acte d’huissier) au moins six mois avant l’échéance triennale.

La résiliation anticipée par le bailleur : des cas limités

Le bailleur, lui, ne dispose pas de cette faculté de résiliation triennale « sans motif ». Il ne peut donner congé avant le terme des neuf ans que dans des cas très précis, prévus notamment par les articles L. 145-18, L. 145-21 ou L. 145-24 du Code de commerce. Il s’agit essentiellement de la reprise pour construire, reconstruire, surélever l’immeuble, ou réaliser certains travaux d’urbanisme. Ces reprises obéissent à des conditions strictes et ouvrent généralement droit à une indemnité d’éviction pour le locataire.

La fin du bail à son terme : nécessité d’un congé

Contrairement à d’autres types de baux, le bail commercial ne prend pas fin automatiquement à l’arrivée du terme convenu (9 ans ou plus). L’article L. 145-9 du Code de commerce est clair : le bail ne cesse que par l’effet d’un congé donné au moins six mois à l’avance. Si ni le bailleur ni le locataire ne donne congé pour le terme, le bail se poursuit par « tacite prolongation » (et non tacite reconduction) pour une durée indéterminée, aux mêmes clauses et conditions. Chacune des parties pourra alors y mettre fin à tout moment, en respectant toujours le préavis de six mois et en visant la fin d’un trimestre civil. Pour une compréhension complète des enjeux de fin de bail, y compris le renouvellement ou l’indemnité d’éviction, approfondissez les mécanismes de la fin du bail commercial.

La fixation du loyer initial : quelles options ?

Si la révision du loyer en cours de bail et la fixation du loyer renouvelé sont très encadrées par la loi, la détermination du premier loyer, celui du bail initial, relève en grande partie de la liberté contractuelle et de la négociation entre le bailleur et le locataire.

Liberté contractuelle initiale

Le montant du premier loyer n’est pas fixé par référence à la « valeur locative » légale, contrairement aux loyers révisés ou renouvelés. Il résulte de l’accord des parties, souvent influencé par l’offre et la demande sur le marché immobilier local.

Le loyer fixe et ses accessoires

La forme la plus simple est le loyer fixe, payable périodiquement (mensuellement, trimestriellement…). À ce loyer principal s’ajoutent généralement :

  • Les charges : Les parties conviennent de leur répartition. Il est fréquent que le bail mette à la charge du locataire des charges qui incomberaient normalement au propriétaire (taxe foncière, assurance de l’immeuble…). La loi Pinel a toutefois imposé plus de transparence avec un inventaire obligatoire des charges dans le bail (L. 145-40-2 C. com.).
  • Le dépôt de garantie : Somme versée par le locataire au début du bail pour garantir la bonne exécution de ses obligations. Son montant est libre, mais si les sommes versées d’avance (dépôt inclus) excèdent deux termes de loyer payables d’avance, l’excédent porte intérêt au profit du locataire (L. 145-40 C. com.).

Le pas-de-porte ou droit d’entrée

Il est courant, surtout pour les emplacements recherchés, que le bailleur demande au locataire, en plus du loyer périodique, le versement d’une somme en capital lors de la conclusion du bail : le pas-de-porte. Sa nature juridique est double et dépend de l’intention des parties, qui doit être précisée dans le bail pour éviter les litiges :

  • Soit il est considéré comme un supplément de loyer payé d’avance, compensant par exemple un loyer périodique initialement modéré. Dans ce cas, il est imposable pour le bailleur et déductible pour le locataire, et il sera pris en compte pour le calcul du loyer renouvelé.
  • Soit il est analysé comme une indemnité forfaitaire, compensant la « perte » de valeur de l’immeuble pour le bailleur du fait des contraintes du statut (notamment le droit au renouvellement et l’indemnité d’éviction). Dans ce cas, il n’est pas imposable immédiatement pour le bailleur (mais peut l’être à la revente) et constitue un élément incorporel non déductible et non amortissable pour le locataire.

Les clauses de loyer variable

Pour s’adapter aux évolutions économiques, les parties peuvent prévoir des clauses faisant varier le loyer dès le départ :

  • La clause d’échelle mobile (indexation) : Le loyer varie automatiquement, souvent annuellement, en fonction d’un indice choisi par les parties. Depuis la loi Pinel, les indices légaux de référence sont l’Indice des Loyers Commerciaux (ILC) pour les activités commerciales ou artisanales, et l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires (ILAT) pour les autres activités (bureaux, logistique…). L’ancien Indice du Coût de la Construction (ICC) ne peut plus être choisi comme indice unique. Le choix de l’indice et sa périodicité doivent respecter les règles du Code monétaire et financier (notamment L. 112-2).  
  • La clause-recettes (ou loyer variable) : Très fréquente dans les centres commerciaux, cette clause fait dépendre tout ou partie du loyer du chiffre d’affaires réalisé par le locataire. Elle peut prendre plusieurs formes : loyer entièrement proportionnel au CA, ou plus souvent un « loyer binaire » avec un minimum fixe garanti (parfois indexé) auquel s’ajoute une part variable calculée sur le CA au-delà d’un certain seuil. La définition précise du chiffre d’affaires à retenir est alors essentielle.

La négociation de ces clauses initiales, qu’il s’agisse de la durée, des modalités de résiliation ou de la structure du loyer, est déterminante pour l’équilibre économique du bail commercial sur le long terme.


Si vous vous interrogez sur les conditions d’application du statut des baux commerciaux à votre situation, ou si vous souhaitez sécuriser la négociation et la rédaction de votre contrat de bail, notre équipe se tient à votre disposition pour une analyse personnalisée.

Sources

  • Code de commerce, articles L. 145-1 à L. 145-5, L. 145-9, L. 145-18, L. 145-21, L. 145-24, L. 145-40, L. 145-40-2.
  • Code monétaire et financier, article L. 112-2.
  • Code civil (principes généraux du louage).

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