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Assurance fluviale : les règles du jeu communes à toutes les polices

Table des matières

Que vous cherchiez à assurer votre péniche, les marchandises que vous transportez sur un canal, ou votre responsabilité en tant que professionnel de la navigation intérieure, certains principes fondamentaux traversent tous les contrats d’assurance fluviale et lacustre. Avant même de se pencher sur les détails d’une police « corps », « facultés » ou « responsabilité civile », il est essentiel de bien comprendre le socle commun : les situations que les assureurs refusent quasi systématiquement de couvrir (les exclusions) et les engagements réciproques qui lient l’assuré et l’assureur (les obligations).

Connaître ces règles du jeu générales est primordial. Elles conditionnent la validité même de votre contrat et votre droit à indemnisation en cas de problème. Ignorer une exclusion ou manquer à une obligation peut avoir des conséquences financières importantes. Cet article se propose donc de décrypter pour vous ces exclusions et obligations communes, afin que vous puissiez naviguer en toute connaissance de cause dans le monde de l’assurance fluviale.

Ce que l’assurance fluviale ne couvre généralement pas : les exclusions communes

Tout contrat d’assurance comporte des limites. Les assureurs définissent précisément les événements ou les biens qu’ils acceptent de garantir, et écartent explicitement ceux qu’ils ne souhaitent pas couvrir. En matière fluviale et lacustre, certaines exclusions se retrouvent dans la plupart des polices.

Les limites géographiques de la garantie

Votre contrat d’assurance fluviale est conçu pour… la navigation fluviale et lacustre. Cela semble évident, mais les polices le précisent : la garantie ne joue que si votre bateau navigue sur les voies et plans d’eau intérieurs officiellement classés comme navigables par les autorités compétentes, et situés dans les pays listés dans les conditions particulières de votre contrat.

De plus, une limite claire est posée avec le domaine maritime. La garantie cesse généralement dès que le bateau s’aventure au-delà des jetées dans les ports maritimes qui communiquent avec le réseau fluvial, ou au-delà des bouées extérieures marquant les chenaux d’accès à la mer. S’assurer pour une navigation mixte (fluviale et maritime côtière) nécessite une couverture spécifique.

Les actes intentionnels et fautes graves

C’est un principe de base de l’assurance : on ne peut pas être indemnisé pour un dommage que l’on a volontairement causé. Les polices fluviales excluent donc systématiquement les sinistres résultant de la faute intentionnelle de l’assuré.

Cette exclusion va souvent plus loin et vise aussi la « faute inexcusable ». Cette notion juridique est plus complexe, mais elle désigne en général une faute d’une exceptionnelle gravité, commise consciemment sans raison valable, et qui expose autrui à un danger dont l’auteur aurait dû avoir conscience. L’exclusion peut aussi s’étendre aux fautes intentionnelles ou inexcusables commises par des personnes proches de l’assuré (membres de l’équipage désignés, bénéficiaires du contrat, ayants droit…). La portée exacte de cette exclusion dépendra des termes précis de la police.

Les grands événements perturbateurs : guerre, terrorisme, troubles civils

Les assureurs considèrent que certains événements majeurs, par leur nature et leur ampleur, sortent du champ normal des risques assurables. C’est le cas traditionnellement des faits de guerre. Les polices fluviales excluent donc généralement les dommages résultant de :

  • Guerre civile ou étrangère, hostilités, représailles.
  • Torpilles, mines et autres engins de guerre.
  • Actes de sabotage.
  • Actes de terrorisme ou attentats (avec parfois une distinction selon qu’ils surviennent sur le territoire national français ou à l’étranger, la couverture pouvant être maintenue en France selon les polices).

Sont également souvent exclus les dommages liés aux troubles intérieurs :

  • Captures, prises, arrêts, saisies, contraintes exercées par des gouvernements ou autorités.
  • Émeutes, mouvements populaires, grèves, lock-out et faits similaires.
  • La piraterie est aussi parfois visée, surtout si elle revêt un caractère politique ou se rattache à un conflit armé.

Il est parfois possible de souscrire des garanties spécifiques pour couvrir certains de ces risques politiques ou de guerre, mais elles font l’objet de conditions et de tarifications particulières.

Le risque nucléaire et les activités illégales

Comme dans la plupart des contrats d’assurance, les risques liés à l’énergie nucléaire sont systématiquement exclus. Les polices fluviales écartent donc la garantie pour les dommages résultant des effets directs ou indirects d’explosion, de dégagement de chaleur, d’irradiation provenant d’une modification de structure du noyau de l’atome, ou de la radioactivité, que l’utilisation soit civile ou militaire.

Logiquement, l’assurance ne couvre pas non plus les conséquences d’activités illégales menées par l’assuré. Sont ainsi exclus les dommages liés à la violation de blocus, à la contrebande, au commerce prohibé ou clandestin, ainsi qu’à la confiscation, la mise sous séquestre ou la réquisition du bateau ou des marchandises qui en résulteraient.

Les biens précieux souvent exclus (mais parfois rachetables)

Certains types de biens, en raison de leur valeur élevée ou de leur nature particulière, sont souvent exclus d’office de la garantie standard des assurances fluviales, qu’il s’agisse de l’assurance du bateau (corps) ou des marchandises (facultés). La liste typique comprend :

  • Les bijoux, objets d’art, métaux précieux.
  • Les billets de banque, titres, valeurs de toute espèce.

Il est important de noter que cette exclusion n’est pas toujours absolue. Pour les assurances de marchandises notamment, il est souvent possible de « racheter » cette exclusion, c’est-à-dire de convenir avec l’assureur, moyennant une prime supplémentaire, de couvrir ces objets de valeur jusqu’à un certain montant. En revanche, pour l’assurance du corps du bateau, cette possibilité de rachat est généralement exclue : vos effets personnels de grande valeur à bord ne seront pas couverts par l’assurance du bateau lui-même.

Les devoirs de l’assuré : clés du maintien de la garantie

Le contrat d’assurance est un échange : l’assureur s’engage à indemniser en cas de sinistre, mais l’assuré a aussi des devoirs à respecter. Le non-respect de ces obligations peut avoir des conséquences graves, allant de la réduction de l’indemnité à la nullité du contrat ou la perte totale du droit à garantie (déchéance).

Déclarer le risque : une obligation renforcée

C’est l’obligation première et fondamentale de l’assuré : informer loyalement l’assureur sur la nature et l’étendue du risque qu’il lui demande de couvrir. En matière d’assurance fluviale et lacustre, cette obligation présente une particularité par rapport aux assurances terrestres classiques.

Depuis une loi de 1989, pour une assurance auto ou habitation par exemple, l’assuré n’est tenu de répondre qu’aux questions précises posées par l’assureur dans le questionnaire de souscription. En assurance fluviale (comme en maritime), la règle est différente et plus exigeante : il appartient à celui qui demande l’assurance de déclarer spontanément toutes les circonstances qu’il connaît et qui sont de nature à permettre à l’assureur d’apprécier correctement les risques qu’il prend en charge. Vous devez donc être proactif et ne pas omettre d’informations importantes, même si l’assureur ne vous pose pas directement la question.

De même, en cours de contrat, si des circonstances nouvelles apparaissent qui aggravent le risque (par exemple, un changement important dans l’utilisation du bateau, une modification technique majeure), vous devez en principe les déclarer à l’assureur. Là encore, l’appréciation de ce qui constitue une aggravation à déclarer repose sur vous.

Les conséquences d’une fausse déclaration intentionnelle ou d’une omission volontaire sont sévères : l’article L. 172-2 du Code des assurances prévoit la nullité du contrat. Même en l’absence d’intention de tromper, si l’omission ou l’inexactitude a modifié l’opinion que l’assureur se faisait du risque, l’indemnité pourra être réduite proportionnellement.

Une jurisprudence récente (Cour d’appel de Bordeaux, 8 mars 2017) illustre bien l’importance de cette obligation : l’omission par l’assurée de déclarer qu’elle finançait son bateau (son outil de travail) par un prêt important garanti par une hypothèque, alors qu’elle créait son activité, a été jugée comme un élément de nature à modifier l’appréciation du risque par l’assureur, justifiant l’annulation du contrat d’assurance. L’assureur estimait que cette situation financière précaire pouvait influer sur l’entretien du bateau et donc sur le risque de sinistre.

Payer la prime : des délais stricts

L’obligation de payer la prime convenue est la contrepartie naturelle de la garantie offerte par l’assureur. En cas de non-paiement à l’échéance, les règles en assurance fluviale sont, là aussi, plus strictes que le régime général.

L’article L. 113-3 du Code des assurances, qui s’applique aux assurances terrestres, accorde à l’assuré un délai de grâce de 10 jours après l’échéance avant que l’assureur ne puisse envoyer une mise en demeure. Après cette mise en demeure, la garantie n’est suspendue qu’après un délai de 30 jours, et la résiliation ne peut intervenir que 10 jours plus tard.

Rien de tout cela en assurance fluviale et lacustre ! Le document source indique que les polices prévoient généralement qu’en cas de défaut de paiement, l’assureur peut envoyer une mise en demeure, et la suspension de la garantie ou même la résiliation du contrat peut intervenir seulement huit jours après l’envoi de cette lettre. Ce délai est porté à vingt jours pour les assurés qui naviguent et vivent habituellement à bord de leur bateau, mais cela reste beaucoup plus court que le régime général. Il est donc essentiel d’être très vigilant sur le paiement ponctuel de ses primes.

Prévenir les sinistres : l’obligation de diligence

L’assurance n’est pas un blanc-seing pour la négligence. L’assuré a le devoir d’agir raisonnablement pour éviter que les sinistres ne surviennent. Les polices fluviales le formulent souvent en indiquant que l’assuré « doit apporter les soins raisonnables à tout ce qui est relatif au bateau » ou « aux marchandises assurées ».

Il s’agit d’une obligation générale de diligence, qui découle du bon sens et du professionnalisme attendu, notamment d’un transporteur. Cela implique d’entretenir correctement son matériel, de respecter les règles de sécurité de la navigation, de bien arrimer sa cargaison, etc. Dans certaines polices, comme celle couvrant la responsabilité du transporteur, cette obligation peut être précisée : par exemple, l’obligation de placer le bateau en stationnement sous la surveillance d’une personne apte à intervenir rapidement en cas de danger.

Agir en cas de sinistre : les mesures conservatoires

Si, malgré tout, un sinistre survient, l’assuré a encore des obligations importantes à remplir immédiatement.

D’abord, il doit prendre toutes les mesures utiles pour conserver ou sauver les objets assurés, ou du moins pour limiter l’étendue des dommages. Il s’agit d’une obligation de « sauvetage » : tenter d’éteindre un début d’incendie, mettre la cargaison à l’abri si le bateau prend l’eau, etc. Les frais engagés raisonnablement pour ces mesures sont généralement pris en charge par l’assureur.

Ensuite, et c’est essentiel pour permettre à l’assureur d’exercer éventuellement des recours, l’assuré doit préserver les droits et actions contre les tiers responsables du sinistre. Concrètement, cela signifie qu’il faut faire établir des constats, émettre des réserves auprès du transporteur si l’on est réceptionnaire de marchandises endommagées, respecter les délais pour agir en justice… afin que l’assureur, une fois qu’il aura indemnisé son assuré, puisse se retourner contre le responsable pour récupérer les sommes versées (c’est le mécanisme de la subrogation).

Les engagements de l’assureur : indemnisation et gestion

Face aux obligations de l’assuré, l’assureur a bien sûr lui aussi des engagements, le principal étant de verser l’indemnité prévue en cas de sinistre garanti.

Le règlement de l’indemnité

Une fois que la garantie est acquise et le montant des dommages évalué (selon des règles qui varient selon le type de police), l’assureur doit procéder au paiement. Les polices fluviales prévoient généralement que les sommes dues sont payées comptant, dans un délai de trente jours après que l’assuré (ou le bénéficiaire) a fourni l’ensemble des pièces justificatives demandées. Le paiement est souvent fait au porteur des pièces et du contrat, sans nécessiter de procuration spécifique.

La reconstitution automatique des capitaux

Un sinistre partiel n’épuise pas forcément la garantie pour l’avenir. Les polices prévoient souvent qu’après un événement engageant la garantie, les capitaux assurés se reconstituent automatiquement. Cela signifie que vous restez couvert pour la valeur totale assurée pour d’éventuels sinistres futurs. Cette reconstitution se fait cependant généralement moyennant le paiement d’une surprime, dont le montant est à négocier avec l’assureur.

Quelques règles de « procédure »

Les polices d’assurance contiennent enfin des clauses réglant certains aspects pratiques de la gestion du contrat et des sinistres.

  • Co-assurance : Il arrive qu’un risque important soit couvert par plusieurs assureurs conjointement. En cas de sinistre, chaque co-assureur n’est tenu d’indemniser que dans la proportion de la part du risque qu’il a acceptée. Il n’y a pas de solidarité entre eux (vous ne pouvez pas demander la totalité de l’indemnité à un seul). Souvent, un assureur « apériteur » est désigné pour gérer le contrat au quotidien, mais cela ne lui donne pas automatiquement le pouvoir de représenter les autres en justice.
  • Subrogation : Comme évoqué plus haut, lorsque l’assureur vous indemnise, il est automatiquement « subrogé » dans vos droits et actions contre le responsable du dommage, à concurrence des sommes qu’il a versées. Il peut donc poursuivre le tiers fautif en votre nom pour se faire rembourser.
  • Prescription : Les actions en justice qui naissent du contrat d’assurance (demande d’indemnité par l’assuré, demande de paiement de prime par l’assureur…) se prescrivent par deux ans. Ce délai court à partir de l’événement qui donne naissance à l’action (le sinistre pour une demande d’indemnité, l’échéance pour une demande de prime). Attention, ce délai est court et il est important d’agir rapidement si un litige survient.

La maîtrise de ces règles générales – exclusions et obligations réciproques – est un prérequis indispensable avant de s’engager dans un contrat d’assurance fluviale. Elles forment la structure de base sur laquelle viendront se greffer les dispositions spécifiques à chaque type de garantie.

La connaissance de ces règles générales est indispensable pour naviguer sereinement dans vos contrats d’assurance fluviale. Pour une explication adaptée à votre situation, n’hésitez pas à contacter notre cabinet.

Sources

  • Code des assurances (notamment art. L. 113-3, L. 172-2, et les principes généraux découlant des polices types)
  • Polices types d’assurance fluviale (principes généraux)

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