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Émission et transmission du warrant : endossement, transcription et circulation

Table des matières

Un warrant de magasin général n’est pas simplement un document constatant un dépôt et une créance. Pour qu’il prenne véritablement vie en tant que garantie efficace et qu’il puisse circuler comme un instrument de crédit, des étapes juridiques précises doivent être franchies. Comment ce titre est-il réellement émis ? Comment sa publicité est-elle assurée pour le rendre opposable aux tiers ? Et comment peut-il ensuite être transmis d’un créancier à un autre ? Cet article se penche sur ces mécanismes essentiels : le premier endossement qui donne naissance au warrant gagiste, la transcription sur les registres du magasin général qui le rend « visible » et opposable, et les règles qui gouvernent sa circulation ultérieure.

Le premier endossement : l’acte fondateur du warrant et du gage

Il est fondamental de distinguer le tout premier endossement porté sur le warrant des éventuels endossements qui suivront. Ce premier endossement n’est pas un simple acte de transmission ; il est l’acte même qui crée le warrant en tant qu’engagement de paiement garanti et qui constitue le gage sur les marchandises déposées.

Avant ce premier endossement (qui se trouve matériellement au verso du titre, comme vu dans notre précédent article), le document n’est qu’une partie d’un récépissé-warrant, représentant potentiellement les marchandises mais sans créer de lien direct entre le déposant et un créancier gagiste spécifique. C’est par cet acte que le déposant, en tant que souscripteur, s’engage à payer la somme indiquée à l’échéance au bénéficiaire désigné, et affecte les marchandises décrites au recto à la garantie de cette dette.

Cet endossement doit impérativement comporter les mentions que nous avons détaillées précédemment (montant, échéance, identité du créancier, date, signature du débiteur). Une simple remise du papier sans cet endossement formel n’aurait aucune valeur pour constituer le warrant ou le gage. La jurisprudence est constante sur ce point : la simple tradition manuelle est inefficace.

Bien entendu, cet endossement doit s’accompagner de la remise matérielle du warrant (ou d’un transfert électronique sécurisé pour les futurs warrants dématérialisés) au premier créancier. C’est cette combinaison de l’écrit (endossement formel) et de la dépossession (remise du titre représentant le gage) qui parfait l’opération initiale.

La transcription du premier endossement : une formalité essentielle

Une fois le premier endossement réalisé et le warrant remis au créancier, une autre étape est absolument nécessaire pour que le gage soit pleinement efficace vis-à-vis de tout le monde : la transcription de cet endossement sur les registres du magasin général.

L’article L. 522-29, alinéa 3, du Code de commerce impose cette obligation au premier cessionnaire (le créancier bénéficiaire du premier endossement). Le texte précise qu’il doit faire transcrire l’endossement « immédiatement ». Ce terme doit être compris comme une forte incitation à la diligence, car tout retard expose le créancier à des risques importants. Concrètement, la transcription consiste à recopier les informations essentielles de l’endossement (identité du créancier, montant garanti, échéance) sur le registre à souches tenu par le magasin (registre papier ou électronique conformément au nouvel article L. 522-27-1 du Code de commerce). Le magasin général doit également mentionner sur le warrant lui-même que la transcription a été effectuée, en indiquant la date.

Pourquoi cette formalité est-elle si importante ? Elle remplit plusieurs fonctions :

  1. Publicité du gage : Elle rend publique l’existence de la garantie sur les marchandises.
  2. Information des tiers : Elle permet à quiconque (notamment un acheteur potentiel du récépissé ou un autre créancier du déposant) de savoir que les marchandises sont gagées, pour quel montant et jusqu’à quelle date.
  3. Opposabilité du gage : C’est la conséquence juridique majeure. Sans transcription, le gage existe bien entre le déposant et le premier créancier, mais il n’est pas opposable aux tiers.

La sanction du défaut de transcription est donc redoutable : l’inopposabilité du gage. Cela signifie qu’un créancier porteur d’un warrant non transcrit ne pourrait pas faire valoir son droit de préférence sur les marchandises si un autre créancier venait à les saisir, ou si le déposant faisait l’objet d’une procédure collective. Une jurisprudence ancienne mais toujours citée (Paris, 1er décembre 1866) avait ainsi jugé qu’un porteur de warrant non transcrit ne pouvait empêcher la vente des marchandises suite à une saisie pratiquée par un autre créancier après l’endossement mais avant la transcription. Inversement, une fois la transcription faite, le porteur est protégé contre de telles saisies ultérieures.

Existe-t-il une exception en cas de mauvaise foi du tiers qui connaissait l’existence du warrant non transcrit ? La loi ne le dit pas. Par analogie avec ce qui est admis (parfois de manière critiquée) en matière de publicité foncière, on pourrait soutenir que la mauvaise foi du tiers pourrait paralyser son droit à se prévaloir du défaut de transcription. Mais la prudence commande de transcrire sans délai.

Concernant le moment de la transcription, si elle doit être faite « immédiatement », aucun délai strict n’est fixé. Elle peut intervenir tant que le droit existe. Cependant, il y a une limite absolue : l’article L. 622-30 du Code de commerce interdit toute transcription (ainsi que toute inscription de sûreté en général) après le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur (le souscripteur du warrant). Une transcription effectuée après ce jugement serait inefficace et le gage inopposable à la procédure collective. D’où l’importance de la rapidité.

Quel est le rôle du magasin général dans cette procédure ? Il n’est pas juge de la validité de la créance ou du gage. Son rôle est principalement celui d’un « enregistreur ». Il doit vérifier la régularité formelle du warrant présenté à la transcription mais n’a pas à enquêter sur le fond du droit. Toutefois, sa responsabilité peut être engagée s’il commet une faute, par exemple s’il transcrit un warrant manifestement irrégulier ou s’il refuse sans motif légitime une transcription demandée. Sa responsabilité est aussi engagée s’il a délivré initialement un récépissé-warrant erroné par sa faute (erreur sur la quantité vérifiable, par exemple). Rappelons que ses vérifications sur la qualité intrinsèque des marchandises sont limitées, sauf demande expresse d’expertise par un courtier assermenté (article 12 du décret du 6 août 1945).

Le droit de rétention du porteur du warrant

Une fois le warrant valablement émis et son premier endossement transcrit, le créancier porteur bénéficie d’un droit de rétention sur les marchandises déposées. C’est une conséquence directe et logique du gage ainsi constitué et rendu opposable.

Concrètement, cela signifie que l’exploitant du magasin général, informé de l’existence du gage par la transcription, doit refuser de restituer les marchandises au porteur du récépissé si celui-ci se présente seul, sans pouvoir justifier que la créance garantie par le warrant a été payée. Le porteur du warrant « tient » ainsi les marchandises par l’intermédiaire du magasin général.

Ce droit de rétention connaît cependant quelques limites ou aménagements :

  • Il cesse si le porteur du récépissé paie la créance garantie par le warrant ou en consigne le montant auprès du magasin général (mécanisme prévu par l’article L. 522-30 du Code de commerce, que nous détaillerons dans l’article suivant).
  • Il ne fait pas obstacle au remplacement des marchandises fongibles par des équivalentes, si la faculté de substitution a été valablement stipulée dans le titre (voir article précédent).

La transmission du warrant par endossements ultérieurs

Le premier endossement et sa transcription donnent naissance au warrant gagiste. Mais le warrant, en tant qu’effet de commerce, est destiné à pouvoir circuler. Ce principe de circulation fut aussi à l’œuvre pour d’anciennes garanties sur stocks comme le warrant pétrolier. Le premier créancier peut avoir besoin de liquidités avant l’échéance et souhaiter transmettre le warrant à un tiers (par exemple, sa propre banque, en escompte).

Cette transmission s’effectue par de nouveaux endossements, dits « ultérieurs ». Contrairement au premier endossement, ces endossements ultérieurs ne créent rien de nouveau ; ils ne font que transmettre le titre et les droits qui y sont attachés. Par conséquent, ils obéissent au régime général de l’endossement des effets de commerce, tel que défini aux articles L. 511-8 et suivants du Code de commerce. La législation spécifique aux warrants est d’ailleurs silencieuse sur ces endossements, confirmant l’application du droit commun.

Conditions et formes des endossements ultérieurs

Les conditions de fond (capacité, consentement, cause) sont celles de tout acte juridique et de tout engagement cambiaire. Concernant la forme, les exigences sont beaucoup plus souples que pour le premier endossement :

  • Il n’est pas nécessaire de reprendre toutes les mentions détaillées du premier endossement.
  • Un endossement en blanc (simple signature de l’endosseur au dos) est parfaitement valable. Il transforme le titre, jusqu’au prochain endossement nominatif, en un titre « au porteur » de fait, transmissible par simple remise.
  • Un endossement partiel (pour une partie seulement de la somme) est en revanche nul, comme pour les autres effets de commerce.

Types et effets des endossements ultérieurs

Plusieurs types d’endossements ultérieurs sont possibles, avec des effets distincts :

  1. L’endossement translatif : C’est le cas le plus courant. Il transfère au nouveau porteur (l’endossataire) la propriété de la créance constatée dans le warrant, ainsi que tous les droits qui y sont attachés, y compris la sûreté (le gage) sur les marchandises. L’endosseur devient garant solidaire du paiement vis-à-vis des porteurs ultérieurs. Surtout, l’endossataire de bonne foi bénéficie du principe d’inopposabilité des exceptions (art. L. 511-12 C.com) : le débiteur principal (le souscripteur) ne pourra pas lui opposer les exceptions qu’il aurait pu invoquer contre le premier créancier (par exemple, un problème lié à la cause initiale de la dette). C’est un avantage majeur de la circulation cambiaire. La transmission du warrant emporte transmission de la « possession » juridique des marchandises, détenues par le magasin pour le compte du porteur légitime. Si le warrant est escompté par une banque, le remettant qui reçoit le crédit ne perd pas son droit de gage pour autant et pourra le faire valoir si le warrant revient impayé.
  2. L’endossement de procuration (ou « pour encaissement ») : Par cet endossement (portant une mention type « valeur en recouvrement »), le porteur donne mandat à un tiers (souvent sa banque) d’encaisser le warrant à l’échéance pour son compte (art. L. 511-13 C.com). Le mandataire peut exercer tous les droits attachés au warrant, y compris demander la vente des marchandises en cas de non-paiement, mais il ne peut pas transmettre le titre autrement qu’à titre de nouvelle procuration.
  3. L’endossement pignoratif (ou « valeur en garantie ») : Il s’agit de donner le warrant lui-même en gage pour garantir une autre dette (art. L. 511-13 C.com). Cette pratique est possible mais semble très peu utilisée pour les warrants de magasin général, dont l’intérêt principal est déjà d’être un gage sur marchandises.

Transcription des endossements ultérieurs : une simple faculté

Alors que la transcription du premier endossement est une obligation pour l’opposabilité du gage, la transcription des endossements ultérieurs est purement facultative. L’article L. 532-36 du Code de commerce (relatif à la perte du warrant) y fait implicitement référence, et la doctrine unanime admet cette possibilité.

Quel est l’intérêt de faire transcrire un endossement ultérieur ? Essentiellement pratique : cela permet au nouveau porteur de se faire connaître officiellement du magasin général et, par voie de conséquence, du porteur du récépissé. Cela peut faciliter les communications et notamment le paiement (volontaire ou anticipé). Mais l’absence de transcription d’un endossement ultérieur n’affecte en rien sa validité ni l’opposabilité des droits qu’il transmet.

La validité et l’efficacité d’un warrant dépendent crucialement du respect des règles d’endossement et de transcription. Une erreur peut rendre votre garantie inefficace. Pour sécuriser la transmission ou l’acquisition de warrants, notre cabinet vous apporte son expertise en droit commercial. Contactez-nous.

Sources

  • Code de commerce, notamment articles L. 511-8 à L. 511-13, L. 522-29, L. 522-30, L. 532-36, L. 622-30.
  • Loi n° 2024-537 du 13 juin 2024 (mention pour registre électronique art. L. 522-27-1 C.com).
  • Décret n° 45-1754 du 6 août 1945 (article 12 pour l’expertise).

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