Un commissaire de justice dirige une vente forcée de biens saisis aux enchères en France. Débiteur et public observent l'adjudication.

Vente forcée et adjudication en saisie-vente mobilière : procédure, formalités et rôle du commissaire de justice (2025)

Table des matières

La vente forcée des biens saisis est une démarche d’exécution qui transforme le patrimoine mobilier d’un débiteur en argent liquide pour désintéresser ses créanciers. Loin d’être une simple formalité, elle est l’aboutissement d’une saisie-vente et représente souvent une étape difficile, tant pour le débiteur qui subit une dépossession que pour le créancier qui cherche à recouvrer sa créance exigible. Encadrée par des règles strictes du Code des procédures civiles d’exécution, cette opération a été profondément modernisée, notamment avec la création de la profession de commissaire de justice. La complexité de l’adjudication et les enjeux financiers rendent souvent indispensable l’assistance et le service d’un avocat spécialisé pour en maîtriser les subtilités.

1. Hypothèses et déclenchement de la vente forcée

Le recours à la vente forcée aux enchères publiques n’est pas systématique. Il intervient principalement comme une solution subsidiaire, lorsque les tentatives de résolution amiable du conflit ont échoué. Cette articulation entre la phase amiable et la phase contentieuse est au cœur du dispositif légal.

L’échec de la vente amiable : un préalable quasi systématique

La loi privilégie une issue négociée. C’est pourquoi la vente forcée est le plus souvent la conséquence directe de l’échec de la vente amiable, une procédure préalable qui offre au débiteur une chance de vendre les biens saisis par lui-même, sous le contrôle du commissaire de justice. Le débiteur dispose d’un délai d’un mois à compter de la saisie pour trouver des acquéreurs et soumettre des propositions de vente. Celles-ci sont ensuite transmises aux créanciers, qui ont quinze jours pour se prononcer. L’échec de cette phase peut résulter de plusieurs facteurs : l’absence de proposition sérieuse de la part du débiteur, le refus des créanciers en raison d’un montant jugé insuffisant, ou encore le non-paiement de la somme convenue par l’acquéreur. Dans ces situations, la voie est ouverte à la vente forcée.

Autres cas de déclenchement : absence de proposition ou défaut de paiement

La vente forcée peut également être engagée directement dans d’autres circonstances. L’hypothèse la plus fréquente est celle où le débiteur reste passif et ne formule aucune proposition de vente amiable dans le délai d’un mois qui lui est imparti. Son silence ou son inaction est interprété comme un renoncement à cette faculté. De même, si une proposition de vente amiable a été acceptée par les créanciers mais que l’acheteur ne verse pas le règlement convenu dans le délai fixé, la vente amiable est considérée comme non aboutie. Cette défaillance fait renaître le droit pour le créancier de poursuivre l’exécution  par une adjudication publique, car le paiement effectif est la condition essentielle, quasi une condition suspensive, du transfert de propriété et de la libération des biens saisis.

2. Les préliminaires indispensables à l’adjudication

Avant que les enchères ne puissent commencer, une série de formalités doit être scrupuleusement respectée. Ces étapes préalables sont conçues pour garantir la transparence du processus, protéger les droits du débiteur et informer les potentiels acquéreurs.

L’organisation de la publicité de la vente

La publicité est une condition essentielle à la validité de la vente forcée. Elle doit être réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. La loi impose une publicité par voie d’affiches, apposées à la mairie de la commune où réside le débiteur, sur le lieu même de la vente, et dans tout autre espace local pertinent. Ces affiches doivent mentionner le lieu, le jour et l’heure de l’adjudication, ainsi que la nature des biens qui seront vendus. Une publicité complémentaire par voie de presse peut être envisagée, notamment pour des biens de grande valeur, afin d’attirer un public plus large et d’obtenir un meilleur produit de la vente. L’accomplissement de ces formalités est certifié par le commissaire de justice, qui consigne les détails dans un acte versé au dossier.

L’information obligatoire du débiteur

Le débiteur doit être personnellement informé de la manière dont se déroule la vente. Le commissaire de justice a l’obligation de l’aviser, par lettre simple ou tout autre moyen approprié permettant d’envoyer l’information, des lieu, jour et heure de la vente, et ce, au moins huit jours avant la date prévue. Bien que la jurisprudence ait pu considérer que l’omission de cette formalité, non prescrite à peine de nullité, n’entraînait pas systématiquement l’annulation de la vente si le débiteur a pu en avoir connaissance par d’autres moyens, le respect de cette obligation d’information est une garantie fondamentale de ses droits. Cela lui permet de prendre ses dernières dispositions, notamment de tenter de régler sa dette jusqu’au dernier moment pour arrêter la procédure d’exécution .

La vérification des biens saisis : un acte charnière

Juste avant de procéder à la vente, l’officier ministériel doit effectuer une vérification des biens. Cet acte, qui se matérialise par un procès-verbal de vérification complétant le verbal de saisie initial, a une double finalité. D’une part, il permet de s’assurer que les biens saisis sont toujours présents et n’ont pas subi de dégradations. L’officier compare les biens présents avec l’inventaire dressé lors des opérations de saisie, relevant tout objet manquant ou endommagé. D’autre part, et c’est un point capital, cet élément de la procédure « verrouille » le processus. En effet, selon l’art. R. 221-41 du Code des procédures civiles d’exécution, aucune nouvelle opposition de tiers créanciers ne peut être reçue après la vérification des biens. Cet acte marque donc la fin de la possibilité pour d’autres créanciers de se joindre à la saisie et fige la liste de ceux qui participeront à la distribution du produit de la vente.

3. Le déroulement de l’adjudication publique

L’adjudication est une étape critique au sein de la procédure globale de saisie-vente mobilière, qui encadre l’ensemble des opérations depuis le premier commandement de payer jusqu’à la distribution du produit de la vente. C’est le moment public et solennel où les biens sont proposés aux enchères et attribués au plus offrant.

Les personnes habilitées à procéder à la vente

La vente forcée de biens mobiliers est une prérogative réservée aux officiers publics ministériels. Depuis la réforme de 2022, cette compétence est principalement dévolue aux commissaires de justice, qui résultent de la fusion des professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Cette unification a mis fin à l’ancien monopole des commissaires-priseurs pour les ventes judiciaires. D’autres officiers, comme les notaires ou les greffiers des tribunaux de commerce, conservent statutairement cette compétence, bien qu’en pratique, elle soit rarement exercée dans le cadre des saisies-ventes, à la différence de la saisie immobilière où leur rôle peut être plus fréquent. Le choix de l’officier vendeur appartient en principe au créancier saisissant, mais c’est souvent le commissaire de justice en charge de l’exécution  qui orchestre la vente.

La conduite des enchères et la fixation de la mise à prix

La vente doit se dérouler publiquement, dans un lieu accessible à tous et gratuitement. Les enchères sont portées verbalement ou par signes, de manière ascendante. L’officier vendeur annonce une mise à prix pour chaque bien ou lot de biens. Si cette mise à prix n’attire aucune offre, il peut décider de la baisser. Le meuble est adjugé au plus offrant après « trois criées », c’est-à-dire après que l’officier vendeur a répété trois fois la dernière offre sans qu’une nouvelle enchère ne soit portée. Le prononcé du mot « adjugé » scelle la vente et transfère la propriété à l’adjudicataire. La fixation du montant de départ peut être une source de contestation. Si le débiteur estime qu’elle est manifestement trop basse, il peut saisir le Juge de l’Exécution (JEX). Une décision du Conseil constitutionnel du 17 novembre 2023 (numéro 2023-1068 QPC) a d’ailleurs affirmé le droit pour le débiteur de contester ce montant pour les droits incorporels, un principe dont la portée s’étend logiquement aux biens corporels.

Le paiement du prix et l’arrêt des opérations

Une règle fondamentale de l’adjudication est le paiement en argent liquide et au comptant. L’adjudicataire doit s’acquitter immédiatement du montant. S’il ne le fait pas, le bien est immédiatement revendu sur « réitération des enchères ». Si le nouveau prix obtenu est inférieur au premier, l’adjudicataire défaillant est tenu de payer la différence. Les opérations de vente s’arrêtent dès que le montant total des adjudications est suffisant pour couvrir la somme réclamée par le saisissant et les créanciers opposants, en principal, intérêts au taux légal et frais. Le commissaire de justice engage sa responsabilité professionnelle s’il poursuit la vente au-delà de ce qui est nécessaire pour désintéresser les créanciers.

4. Le rôle et les attributions du Commissaire de Justice : une profession réformée

La création de la profession de commissaire de justice a redessiné le paysage de l’exécution forcée en France. Cette réforme a des implications directes sur la conduite des saisies-ventes et peut être source d’incidents et contestations.

Les nouvelles attributions issues de la réforme (2022-2026)

L’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016, pleinement effective depuis le 1er juillet 2022 et qui verra son régime transitoire s’achever en 2026, a fusionné les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Les commissaires de justice disposent désormais d’un monopole élargi sur l’ensemble des activités d’exécution , incluant la signification des actes, l’exécution des décisions de justice, mais aussi les inventaires, les prisées (évaluations) et les ventes aux enchères publiques judiciaires. Cette unification vise à simplifier les démarches et à renforcer l’efficacité du recouvrement. Les textes réglementaires continuent de préciser les contours de cette profession, notamment en matière de dématérialisation.

Défis pratiques et opportunités de la déjudiciarisation

La réforme s’accompagne d’un mouvement de « déjudiciarisation », qui vise à confier davantage de responsabilités aux commissaires de justice pour désengorger les tribunaux. La mise en place d’un registre numérique des saisies des rémunérations en est un exemple. Cette autonomie accrue présente des défis, notamment lors de la vente de biens complexes (machines industrielles, œuvres d’art) qui exigent une expertise particulière pour leur évaluation et la recherche d’acquéreurs spécifiques. Le commissaire de justice doit faire preuve d’une grande rigueur et d’un discernement éclairé pour maximiser le produit de la vente, tout en respectant scrupuleusement le cadre procédural pour éviter les contestations qui pourraient annuler la vente .

5. L’acte de vente, le transfert de propriété et la répartition des fonds

L’adjudication se conclut par la formalisation de la vente et l’organisation de la distribution du produit de celle-ci entre les créanciers. Cette phase post-vente est essentielle pour finaliser la mesure d’exécution.

Contenu et effets juridiques du procès-verbal de vente

L’officier vendeur dresse un procès-verbal de vente, qui constitue l’acte de vente officiel, s’apparentant à un contrat de vente judiciaire. Ce document doit mentionner la désignation précise des biens vendus, le montant de l’adjudication pour chaque bien, et l’identité déclarée de l’adjudicataire. Le transfert du droit de propriété s’opère au moment de l’adjudication, mais la délivrance matérielle du bien est subordonnée au paiement intégral du montant. Un effet majeur de l’adjudication, une fois la somme payée, est la purge des inscriptions, entraînant la radiation des sûretés qui grevaient le bien, comme les gages ou nantissements. L’acheteur obtient ainsi un bien libre de toute dette antérieure du chef du débiteur saisi.

Gestion et répartition des fonds en cas de pluralité de créanciers

Le produit de la vente est versé entre les mains du commissaire de justice. Si un seul créancier est à l’origine de la saisie, il est payé à hauteur de sa créance. En présence de plusieurs créanciers (le saisissant et les opposants), le commissaire de justice doit procéder à la répartition des fonds. Le principe est celui du concours, où les créanciers chirographaires sont payés proportionnellement au montant de leur créance (au marc le franc), après désintéressement des éventuels créanciers privilégiés. Il établit un projet de répartition amiable qu’il doit envoyer aux créanciers. Si un accord est trouvé, les fonds sont distribués en conséquence. En cas de désaccord, notamment sur l’ordre des privilèges, le commissaire de justice procède à la consignation des sommes et saisit le Juge de l’Exécution, qui tranchera le litige et établira l’ordre de distribution des deniers.

6. Les droits du débiteur et les recours en cas de surendettement ou de biens spécifiques

Le droit de l’exécution forcée n’ignore pas la protection du débiteur, surtout lorsque celui-ci est en situation de grande fragilité financière. Des mécanismes spécifiques permettent de suspendre les poursuites ou d’adapter le processus à la nature particulière de certains biens.

La suspension des poursuites en cas de procédure de surendettement

Il est essentiel de noter l’impact du surendettement sur la saisie-vente, car la recevabilité d’un dossier peut entraîner la suspension immédiate des procédures d’exécution  en cours. Lorsqu’un particulier dépose un dossier auprès de la commission de surendettement et que celui-ci est jugé recevable, l’art. L. 722-2 du Code de la consommation prévoit la suspension automatique et l’interdiction de toute mesure d’exécution , y compris la saisie-vente, pour une durée pouvant aller jusqu’à deux ans. Cette mesure vise à geler la situation du débiteur pour permettre à la commission de trouver une solution globale à son endettement. Le créancier doit alors attendre l’issue de la procédure de surendettement avant de pouvoir, éventuellement, reprendre ses poursuites.

Le sort des biens sous crédit-bail ou des titres financiers dématérialisés

La saisie de certains biens mobiliers, comme les animaux de compagnie (soumis à un régime spécial) ou les titres financiers dématérialisés, obéit à des règles particulières. Les titres (actions, obligations) ne sont pas appréhendés matériellement mais par une notification au tiers détenteur du compte (la banque ou l’intermédiaire financier), qui rend les titres indisponibles. La vente forcée se fait alors par adjudication, comme pour les biens corporels, mais les modalités sont adaptées à la nature immatérielle des actifs. Concernant les biens détenus en crédit-bail, le débiteur n’en est que locataire. Le crédit-bailleur, véritable propriétaire, peut en faire la demande de restitution. Il n’est pas tenu de procéder par une action en revendication si son contrat a fait l’objet d’une publicité régulière. La procédure collective du débiteur n’empêche pas cette restitution, qui prime sur les droits des autres créanciers du locataire.

Face à la technicité de l’adjudication et aux enjeux financiers, le recours à un avocat expert en voies d’exécution est indispensable pour sécuriser vos droits, que vous soyez créancier ou débiteur.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (Articles L221-1 et suivants, R221-33 et suivants, notamment art. R. 221-41 et art. R. 221-31 Civ. proc. exéc.)
  • Code de commerce
  • Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 portant réforme du statut de commissaire de justice
  • Code de la consommation (Dispositions relatives au surendettement, art. L722-2)

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