Avocat français conseillant un couple examinant un jugement, réfléchissant à l'acquiescement en procédure civile, aux lourdes conséquences.

L’acquiescement en procédure civile : guide complet des définitions, conditions, effets et actualités jurisprudentielles

Table des matières

En procédure civile, l’acquiescement est un acte juridique aux conséquences radicales, souvent méconnu. Il s’agit pour une partie à un procès de reconnaître les prétentions de son adversaire ou d’accepter une décision de justice, renonçant ainsi à poursuivre le débat. Cette démarche, qui peut sembler être un simple aveu de défaite, est en réalité un outil stratégique dont la mise en œuvre doit être mûrement réfléchie. Mal maîtrisé, il peut faire perdre des droits essentiels ; utilisé à bon escient, il met un terme définitif à un litige. Cet article synthétise les définitions, conditions et effets de l’acquiescement, un mécanisme fondamental du droit processuel. La complexité de ses implications souligne l’importance d’être accompagné par un avocat expert en procédure civile pour sécuriser vos décisions.

I. Définition et distinctions fondamentales de l’acquiescement en procédure civile

Définition juridique de l’acquiescement et sa portée

L’acquiescement est un acte juridique unilatéral par lequel un plaideur adhère à la demande formée contre lui ou à un jugement déjà rendu. En tant qu’acte unilatéral, il produit ses effets par la seule volonté de son auteur, sans nécessiter l’acceptation de la partie adverse. Il s’agit d’une manifestation de volonté qui a pour effet d’éteindre le litige ou de clore les voies de recours. Sa portée est donc considérable, puisqu’il exprime une renonciation à contester un droit ou une décision.

Acquiescement à la demande vs. acquiescement au jugement : les fondements du code de procédure civile

Le code de procédure civile (CPC) distingue deux formes principales d’acquiescement. Premièrement, l’acquiescement à la demande, prévu à l’article 408 du CPC, est l’acte par lequel le défendeur reconnaît le bien-fondé des prétentions de son adversaire. Cet acte est grave car il emporte renonciation à l’action elle-même, c’est-à-dire au droit de contester la demande en justice. Deuxièmement, l’acquiescement au jugement, défini à l’article 409 du CPC, consiste pour la partie qui a perdu le procès à se soumettre aux dispositions de la décision rendue. Son principal effet est d’entraîner la renonciation aux voies de recours.

Distinction avec des notions proches : désistement, transaction, aveu, jugement d’expédient

Il est important de ne pas confondre l’acquiescement avec d’autres actes procéduraux. La distinction avec des notions proches comme le désistement, la transaction ou l’aveu est fondamentale pour en saisir la portée exacte. Contrairement au désistement d’instance, qui n’éteint pas l’action et nécessite souvent l’accord de l’adversaire, l’acquiescement est un acte unilatéral aux effets plus profonds. Il se différencie aussi de la transaction, qui est un contrat impliquant des concessions réciproques entre les parties pour mettre fin à un litige. Enfin, l’aveu n’est qu’un mode de preuve, alors que l’acquiescement est un acte qui met fin au débat judiciaire.

Incidence d’une procédure pénale sur l’acquiescement civil

Bien que les procédures civile et pénale soient distinctes, elles peuvent parfois interagir. Dans des domaines spécifiques, comme le droit de la presse, l’acquiescement au jugement civil peut avoir pour effet d’arrêter la poursuite pénale engagée pour les mêmes faits. Inversement, la constitution de partie civile d’un fonds de garantie devant une juridiction pénale ne vaut pas acquiescement à une décision d’indemnisation rendue par une commission civile, démontrant que les deux sphères ne se confondent pas automatiquement.

II. Les conditions de validité de la volonté d’acquiescer en droit processuel

Le consentement : libre, éclairé et sans vices (erreur, dol, violence)

Pour être valide, l’acquiescement doit résulter d’un consentement libre, éclairé et sans vices. Comme pour tout acte juridique, l’erreur, le dol ou la violence (voir les articles 1130 et suivants du Code civil) peuvent entraîner son annulation. Une partie qui acquiesce en croyant à tort qu’un jugement est exécutoire ou n’est susceptible d’aucun recours peut ainsi invoquer l’erreur pour faire annuler son acte. Cependant, l’appréciation de ces vices relève du pouvoir des juges, qui tiendront compte de la qualité des parties, notamment si elles étaient assistées d’un conseil.

Conditions et réserves : une pleine volonté d’acquiescer

L’acquiescement doit traduire une volonté certaine et non équivoque. S’il peut être assorti de conditions, son existence même dépendra alors de la réalisation de ces dernières. Il est également possible d’émettre des réserves. Par exemple, exécuter une décision tout en se réservant expressément le droit d’exercer une voie de recours empêche que cet acte soit qualifié d’acquiescement. Sans cette certitude, les juges refuseront de constater l’existence d’un acquiescement.

Capacité et pouvoir d’acquiescer : mineurs, majeurs protégés et mandataires

L’acquiescement étant un acte de disposition, son auteur doit avoir la capacité juridique de disposer de ses droits. Les majeurs protégés (sous tutelle ou curatelle) et les mineurs sont soumis à des régimes stricts. Le tuteur doit obtenir une autorisation du juge pour acquiescer au nom de la personne protégée. L’avocat, quant à lui, est réputé avoir reçu un pouvoir spécial pour acquiescer au nom de son client en vertu de son mandat de représentation en justice, mais ce pouvoir ne peut excéder celui de son client. La jurisprudence est constante sur ce point, un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation l’ayant rappelé en décembre 2021.

Matières dans lesquelles l’acquiescement est autorisé ou prohibé : principe et exceptions

En principe, l’acquiescement est possible pour tous les droits dont une partie a la libre disposition. Cependant, il n’est pas possible dans toutes les matières. L’acquiescement à la demande est interdit pour les droits dont les parties n’ont pas la libre disposition, c’est-à-dire ceux qui intéressent l’ordre public, comme l’état des personnes ou la filiation, qui relèvent de l’état civil. En revanche, l’acquiescement au jugement est en principe toujours admis, le contrôle préalable d’un juge étant considéré comme une garantie. La loi prévoit cependant des exceptions, par exemple en matière de jugement de divorce concernant un majeur protégé.

III. Les formes de l’acquiescement : exprès ou implicite en procédure civile

L’acquiescement exprès : intention certaine et formes de manifestation

L’acquiescement est dit exprès lorsque l’intention de son auteur est manifestée de manière claire et non ambiguë. Aucun formalisme particulier n’est requis : il peut résulter d’un acte écrit, d’une simple lettre ou d’une déclaration faite en audience dont le juge donne acte. L’essentiel est que la volonté de renoncer à contester soit certaine. Même des conclusions d’avocat déclarées irrecevables sur un plan procédural peuvent être retenues comme preuve d’un acquiescement si elles expriment sans équivoque cette volonté (voir par exemple Civ. 2e, 3 septembre 2015, Bull. civ. II, n° 245, éd. Dalloz).

L’acquiescement implicite : l’exigence d’une intention non équivoque et rôle du juge

L’acquiescement peut également être implicite, c’est-à-dire déduit d’actes ou de faits qui démontrent avec évidence l’intention de la partie d’accepter la demande ou le jugement. Cette intention ne se présume pas et doit être dépourvue de toute équivoque. L’appréciation de cette volonté relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui examinent les circonstances de chaque affaire. Par exemple, le simple fait de ne pas comparaître ou de s’en rapporter à la justice n’est généralement pas considéré comme un acquiescement.

L’acquiescement légal : l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire

Le code de procédure civile prévoit un cas spécifique d’acquiescement implicite : l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire. Trois conditions cumulatives doivent être réunies : un fait d’exécution volontaire, un jugement qui n’est pas encore exécutoire, et une exécution réalisée sans aucune réserve. Dans ce cas, la loi présume l’intention d’acquiescer, et le juge n’a pas à rechercher la volonté réelle de la partie. En revanche, la jurisprudence a précisé que le paiement des dépens ou d’une indemnité de procédure ne vaut plus, à lui seul, acquiescement (depuis un revirement de novembre 1994, confirmé par Civ. 2e, 23 mars 2023, Bull. civ. II, n° 58).

L’acquiescement volontaire : poursuites, réception de condamnations et accords transactionnels

En dehors du cas légal, d’autres comportements peuvent traduire une volonté implicite d’acquiescer. Par exemple, la partie qui a gagné le procès et qui engage des poursuites pour forcer l’exécution du jugement manifeste son intention d’acquiescer à la décision. De même, la réception sans réserve par le créancier du paiement des sommes allouées par le jugement peut être interprétée comme un acquiescement. La conclusion d’un accord transactionnel sur la base du jugement rendu est également un indice fort.

IV. Les effets juridiques de l’acquiescement et leur portée

Effets de l’acquiescement à la demande : reconnaissance du bien-fondé et extinction de l’action

L’acquiescement à la demande produit des effets radicaux : il emporte reconnaissance du bien-fondé de la prétention de l’adversaire et renonciation à l’action en justice. Cela signifie que la partie qui a acquiescé ne pourra plus jamais contester ce droit en justice. L’instance s’éteint et l’objet du litige est définitivement clos sur ce point. C’est l’équivalent, pour le défendeur, d’un désistement d’action de la part du demandeur.

Effets de l’acquiescement au jugement : soumission et renonciation aux voies de recours

L’effet le plus significatif de l’acquiescement au jugement est la soumission aux chefs de la décision, ce qui emporte une renonciation irrévocable aux voies de recours ordinaires et extraordinaires, conférant ainsi au jugement une force de chose jugée anticipée entre les parties. La partie qui acquiesce perd ainsi son droit de faire appel ou de former un pourvoi en cassation. Cette renonciation est en principe définitive. Cependant, la loi prévoit une exception : si la partie adverse forme elle-même un recours après l’acquiescement, celui qui avait acquiescé retrouve son droit d’exercer un recours incident.

Portée des effets : vis-à-vis des parties (plurales, indivisibilité, solidarité), tiers, caution et garant

En principe, l’acquiescement ne produit d’effets qu’à l’égard de la partie qui en est l’auteur. Si plusieurs personnes sont parties au procès, l’acquiescement de l’une n’engage pas les autres, sauf si le litige est indivisible. Ainsi, en cas de solidarité, l’acquiescement d’un codébiteur n’empêche pas les autres de poursuivre le litige. De même, la caution n’est pas liée par l’acquiescement du débiteur principal. Les héritiers, en revanche, sont tenus par l’acquiescement de leur auteur. En pratique, la notification de l’acquiescement par un huissier de justice peut être nécessaire pour informer officiellement les tiers ou pour procéder à une exécution forcée sur les points non contestés.

V. Approfondissements et actualités jurisprudentielles de l’acquiescement

Analyse comparative détaillée des nuances jurisprudentielles récentes sur l’acquiescement tacite

La jurisprudence affine constamment les contours de l’acquiescement implicite, en particulier tacite. Les décisions récentes montrent une tendance des juges à exiger une démonstration de plus en plus rigoureuse de la volonté non équivoque d’acquiescer. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi jugé en octobre 2022 (un arrêt publié au Bull. civ.) que le paiement partiel par un débiteur ne constitue pas un acquiescement tacite si le créancier avait déjà engagé une procédure de saisie. Pour aller plus loin, notre analyse comparative des nuances jurisprudentielles récentes sur l’acquiescement tacite détaille les critères retenus par les juges pour caractériser une intention non équivoque (voir par exemple RTD civ. 2023, p. 451, note H. Croze).

Implications fiscales et financières de l’acquiescement à un jugement en litige commercial

L’acquiescement n’est pas qu’un acte procédural ; il a des conséquences financières directes. En droit commercial et financier, acquiescer à un jugement de condamnation du Tribunal de commerce cristallise une dette de manière définitive. Dans le cadre d’une procédure collective, cet acte peut avoir des conséquences importantes pour l’ensemble des créanciers : l’acquiescement du débiteur pourrait être analysé comme une rupture de l’égalité entre créanciers, un aspect que le texte du Code de commerce encadre strictement. Cet acte doit être immédiatement traduit dans les comptes de l’entreprise, ce qui peut affecter son bilan et son résultat. Sur le plan fiscal, la reconnaissance d’une dette ou l’acceptation d’une indemnité peut déclencher des obligations déclaratives ou l’exigibilité de certains impôts, un aspect souvent sous-estimé.

Approfondissement des matières spécifiques où l’acquiescement est légalement ou jurisprudentiellement prohibé ou strictement encadré

Au-delà des questions touchant à l’état des personnes, l’acquiescement est encadré dans d’autres domaines où l’ordre public est prépondérant. Par exemple, en matière de procédures collectives, la liberté d’acquiescer d’un débiteur peut être limitée pour protéger l’égalité des créanciers. De même, dans certains litiges de droit social relevant du Code du travail et touchant aux libertés fondamentales du salarié, la possibilité d’acquiescer peut être contrôlée par le juge du tribunal judiciaire pour s’assurer que le consentement est réel et non contraint.

Exemples concrets et pièges à éviter pour la rédaction d’actes d’acquiescement

La rédaction d’un acte d’acquiescement doit être précise pour éviter toute ambiguïté. Un acquiescement partiel doit clairement identifier les chefs du jugement concernés. Le principal piège est l’acquiescement implicite non intentionnel, par exemple en payant une condamnation non exécutoire sans émettre de réserves claires sur l’intention d’interjeter appel. Il est donc fondamental de toujours accompagner un paiement ou un acte d’exécution d’une mention écrite et explicite préservant le droit d’exercer une voie de recours. Par exemple, dans le cours d’une nouvelle procédure de première instance, un acquiescement partiel mal formulé pourrait être interprété de manière extensive par le juge de la mise en état, fermant prématurément le délai d’appel sur des chefs de demande connexes.

La maîtrise de l’acquiescement est un enjeu stratégique dans la conduite d’un procès. Ses conséquences irréversibles exigent une analyse rigoureuse de la situation et une parfaite connaissance des règles de procédure. Pour une analyse approfondie de votre situation et sécuriser vos décisions, notre cabinet se tient à votre disposition.

Foire aux questions

Qu’est-ce que l’acquiescement en termes simples ?

L’acquiescement est l’acte par lequel une personne engagée dans un procès accepte soit la demande de son adversaire, soit la décision rendue par le juge. C’est une manière de mettre fin au débat en renonçant à contester.

Un acquiescement est-il définitif ?

Oui, en principe, l’acquiescement est irrévocable. Une fois donné, on ne peut pas revenir en arrière, sauf dans des cas très limités comme un vice du consentement (erreur, violence) ou si la partie adverse forme elle-même un recours par la suite.

Quelle est la principale différence entre acquiescer à la demande et au jugement ?

Acquiescer à la demande, c’est reconnaître que son adversaire a raison sur le fond du droit et renoncer à l’action. Acquiescer au jugement, c’est accepter la décision du juge et renoncer seulement à faire appel ou à exercer d’autres recours.

Peut-on acquiescer à une partie seulement d’un jugement ?

Oui, il est tout à fait possible de n’acquiescer qu’à certains chefs d’une décision de justice, à condition que ces derniers soient indépendants des autres chefs que l’on souhaite continuer à contester.

Payer une somme due après un jugement signifie-t-il automatiquement acquiescer ?

Non, pas forcément. Si le jugement est exécutoire (par exemple s’il bénéficie de l’exécution provisoire de droit), le paiement est considéré comme contraint. S’il ne l’est pas, le paiement sans réserve vaut acquiescement. Pour éviter cela, il faut toujours accompagner le paiement d’une lettre précisant que celui-ci est fait « sous réserve de l’appel à intervenir ».

Pourquoi est-il conseillé de consulter un avocat avant d’acquiescer ?

Consulter un avocat est essentiel car les conséquences de l’acquiescement sont définitives et peuvent être très lourdes. L’avocat peut évaluer la pertinence stratégique de cet acte, s’assurer de sa validité et en rédiger les termes pour protéger au mieux vos intérêts.

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