Lorsqu’un contrat n’est pas honoré, le créancier se retrouve souvent démuni, confronté à l’inertie ou à la défaillance de son débiteur. Le droit des obligations, loin d’être un simple recueil de principes théoriques, offre des outils concrets et puissants pour protéger ses intérêts et sanctionner l’inexécution contractuelle. Ces mécanismes font partie de l’arsenal plus large des recours disponibles, comme nous l’exposons dans notre guide complet des garanties des créanciers. Parmi ces leviers d’action, la résolution du contrat et l’action oblique se distinguent par leurs finalités et leurs conditions de mise en œuvre. Comprendre leur fonctionnement est essentiel pour tout dirigeant ou particulier souhaitant faire valoir ses droits de manière efficace.
L’action en résolution : anéantir le contrat pour sanctionner l’inexécution
L’action en résolution est un mécanisme radical qui permet au créancier de demander l’anéantissement du contrat lorsque son cocontractant manque à ses engagements. Il ne s’agit pas simplement de suspendre ses propres obligations, comme le permet l’exception d’inexécution, mais de détruire le lien contractuel lui-même, et ce, de manière rétroactive. La résolution agit comme une garantie fondamentale : elle permet à la partie lésée de ne pas exécuter sa propre prestation ou, si elle l’a déjà fait, d’en obtenir la restitution. Concrètement, si un fournisseur ne livre pas la marchandise convenue, l’acheteur peut non seulement refuser de payer le prix, mais aussi demander la résolution de la vente pour être totalement libéré de ses obligations.
Domaine et sources de la résolution
La résolution trouve son terrain d’élection dans les contrats synallagmatiques, c’est-à-dire ceux qui créent des obligations réciproques entre les parties, comme la vente, le bail ou le contrat d’entreprise. La jurisprudence a toutefois étendu son application à certains contrats unilatéraux, notamment la donation avec charges. Depuis la réforme du droit des contrats de 2016, l’article 1224 du Code civil clarifie les différentes voies pour obtenir la résolution :
- La clause résolutoire : les parties peuvent prévoir dans le contrat que l’inexécution de tel ou tel engagement entraînera automatiquement sa résolution.
- La notification unilatérale : le créancier peut, sous certaines conditions et à ses risques et périls, notifier au débiteur sa décision de résoudre le contrat.
- La décision de justice : le créancier peut saisir le juge pour qu’il prononce la résolution du contrat.
- La force majeure : si un événement de force majeure rend l’exécution définitivement impossible, le contrat est résolu de plein droit.
Il est important de noter qu’en dehors du jeu d’une clause résolutoire spécifique ou d’un cas de force majeure, la résolution (par notification ou par décision de justice) n’est possible qu’en cas d’inexécution « suffisamment grave ». Un simple retard mineur ou un manquement accessoire ne justifiera généralement pas une sanction aussi lourde que l’anéantissement du contrat.
Conditions et effets de la résolution
La mise en œuvre de la résolution obéit à des conditions précises. Sauf urgence ou stipulation contraire dans une clause, une mise en demeure préalable est généralement requise. Le créancier doit sommer son débiteur de s’exécuter dans un délai raisonnable avant de pouvoir enclencher la résolution. La réponse doit également être proportionnée à la faute. Le juge, s’il est saisi, dispose d’un large pouvoir d’appréciation et peut, au lieu de prononcer la résolution, accorder des délais de paiement ou simplement allouer des dommages-intérêts.
Les effets de la résolution sont significatifs. Le principal est la destruction rétroactive du contrat : les parties doivent être remises dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion. Cela implique des obligations de restitution. L’acheteur doit rendre le bien, et le vendeur doit restituer le prix. Toutefois, cette rétroactivité connaît des limites. Pour les contrats à exécution successive, comme un bail, la résolution, alors qualifiée de résiliation, ne produit d’effets que pour l’avenir. De plus, certaines clauses du contrat sont conçues pour survivre à son anéantissement, notamment les clauses de règlement des différends ou de confidentialité, comme le prévoit l’article 1230 du Code civil. Enfin, la résolution d’un contrat peut entraîner par ricochet la caducité des contrats qui lui sont interdépendants, créant un effet domino qui nécessite une analyse juridique attentive.
L’action oblique : une substitution du créancier pour préserver son gage général
L’action oblique est une prérogative plus subtile, qui permet à un créancier d’agir à la place de son propre débiteur lorsque celui-ci néglige d’exercer ses propres droits et actions. L’objectif n’est pas de se payer directement, mais de reconstituer ou de préserver le patrimoine du débiteur, qui constitue le gage général de tous ses créanciers. Si l’action paulienne combat les actes frauduleux par lesquels un débiteur organise son insolvabilité, l’action oblique, elle, sanctionne sa simple passivité. Par exemple, si une entreprise (A) doit de l’argent à un fournisseur (B), mais que A néglige de réclamer une importante somme qui lui est due par son propre client (C), le fournisseur B peut, par la voie de l’action oblique, agir en justice contre C au nom de A pour recouvrer cette créance.
Conditions d’exercice de l’action oblique
L’exercice de l’action oblique, codifiée à l’article 1341-1 du Code civil, est soumis à des conditions strictes pour éviter une ingérence abusive dans les affaires du débiteur.
D’abord, la carence du débiteur doit être établie. Il faut une inaction avérée et prolongée, une négligence qui n’est pas justifiée. Les juges apprécient souverainement cette condition. Si le débiteur a engagé une action, même maladroitement, l’action oblique est en principe irrecevable.
Ensuite, cette carence doit causer un préjudice au créancier. Ce préjudice se matérialise le plus souvent par le fait que l’inaction du débiteur compromet ses chances de recouvrement, typiquement parce qu’elle engendre ou aggrave son insolvabilité.
Enfin, la créance du créancier agissant doit être certaine (non contestée dans son principe), liquide (chiffrée) et exigible (arrivée à échéance). Le créancier peut exercer par voie oblique tous les droits et actions à caractère patrimonial de son débiteur. Sont cependant exclus les droits « exclusivement attachés à la personne », comme les actions en matière familiale ou la réparation d’un préjudice moral, ainsi que les droits insaisissables.
Effets de l’action oblique et ses limites
L’un des traits les plus importants de l’action oblique est son effet collectif. Le produit de l’action, qu’il s’agisse d’une somme d’argent ou d’un bien, ne tombe pas directement dans le patrimoine du créancier qui a agi. Il réintègre le patrimoine du débiteur négligent. Par conséquent, le créancier qui a pris l’initiative de l’action ne bénéficie d’aucun droit de préférence sur les sommes récupérées. Celles-ci deviennent disponibles pour l’ensemble des créanciers du débiteur, qui viendront en concours sur cet actif reconstitué.
Cette action présente d’autres limites. Le tiers poursuivi (le débiteur du débiteur) peut opposer au créancier agissant toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer à son propre créancier (le débiteur initial). Par exemple, il pourra invoquer la prescription de la dette ou une compensation. Pour que le jugement soit opposable au débiteur inactif, il est fortement recommandé de l’appeler en la cause, c’est-à-dire de le faire intervenir dans le procès. Sans cette précaution, le débiteur pourrait contester la décision rendue. L’action oblique se distingue donc nettement des procédures civiles d’exécution comme la saisie-attribution, qui permettent un paiement direct au créancier saisissant.
L’action en résolution et l’action oblique sont deux leviers juridiques puissants à la disposition du créancier. La première offre une sortie radicale d’un rapport contractuel défaillant, tandis que la seconde permet de pallier l’incurie d’un débiteur qui met en péril son propre patrimoine. Le choix entre ces outils, ou leur articulation avec d’autres garanties, dépend d’une analyse fine de la situation contractuelle, de la solvabilité des parties et des objectifs poursuivis. Pour sécuriser vos créances et évaluer la pertinence de ces actions dans votre dossier, l’assistance de notre cabinet d’avocats compétent en sûretés et garanties est un atout déterminant.
Si vous êtes confronté à un débiteur défaillant ou négligent, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse personnalisée de vos options.
Sources
- Code civil
- Code de commerce