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Amortissement comptable : répartir la valeur de vos actifs dans le temps

Table des matières

Vos machines s’usent à force de produire, vos logiciels deviennent obsolètes avec les nouvelles technologies, vos bâtiments vieillissent… C’est une réalité économique inévitable : la plupart des biens qu’utilise votre entreprise perdent de la valeur au fil du temps. La comptabilité doit refléter cette diminution progressive de valeur. C’est le rôle de l’amortissement comptable : une technique qui permet de répartir le coût initial d’un actif sur sa durée d’utilisation prévue. Loin d’être une simple écriture, l’amortissement a des impacts concrets sur votre résultat, votre bilan et votre fiscalité. Comment savoir quels biens amortir ? Sur quelle base calculer l’amortissement ? Pendant combien de temps et selon quel rythme ? Le Plan Comptable Général (PCG) fournit un cadre précis pour répondre à ces questions. Comprendre l’amortissement des actifs est essentiel pour une gestion financière saine. En maîtrisant cette technique, vous pouvez mieux anticiper les impacts sur votre trésorerie et optimiser votre stratégie d’investissement. De plus, une connaissance approfondie de l’amortissement permet d’éviter des erreurs qui pourraient coûter cher à votre entreprise dans le cadre d’un audit fiscal.

Identifier les actifs amortissables

Tous les actifs inscrits au bilan ne sont pas forcément amortissables. La première étape consiste donc à identifier ceux qui doivent l’être. Selon l’article 214-1 du PCG, un actif amortissable est un actif dont l’utilisation par l’entité est déterminable. Qu’est-ce que cela signifie ?

L’utilisation d’un actif est considérée comme déterminable lorsque l’usage que l’entreprise compte en faire est limité dans le temps. Cette limitation peut provenir de plusieurs facteurs, souvent combinés :

  • L’usure physique : l’utilisation répétée ou l’exposition aux éléments dégrade progressivement l’actif (une machine, un véhicule).
  • L’obsolescence technique : les progrès technologiques rendent l’actif moins performant ou dépassé (un ordinateur, un logiciel).
  • Les limites juridiques ou contractuelles : la durée d’utilisation est fixée par la loi ou un contrat (un brevet dont la protection expire, un droit d’usage limité dans le temps).

Le PCG précise que ces critères ne sont pas exhaustifs. Si plusieurs facteurs limitent la durée d’utilisation, c’est la durée la plus courte qui doit être retenue pour déterminer si l’actif est amortissable et pour quelle durée.

L’analyse clé est celle de la consommation des avantages économiques attendus de l’actif. Si l’entreprise s’attend à consommer ces avantages sur une période limitée, alors l’actif est amortissable. Cette consommation peut se mesurer en unités de temps (des années le plus souvent) ou, si cela reflète mieux la réalité, en d’autres unités d’œuvre comme le nombre de pièces produites par une machine, le nombre de kilomètres parcourus par un véhicule, etc.

Par conséquent, certains actifs ne sont généralement pas amortis car leur durée d’utilisation est considérée comme indéterminée. C’est le cas typique des terrains (sauf exceptions comme les terrains de gisement – carrières, mines – dont le contenu s’épuise). Le fonds commercial (éléments non identifiables acquis lors d’un rachat : clientèle, notoriété…) n’est pas non plus amortissable en principe, car on présume qu’il se maintient voire se développe avec l’activité. Il ne pourrait être amorti que dans le cas exceptionnel où l’entreprise pourrait démontrer que son utilisation est limitée dans le temps (par exemple, lié à un contrat à durée déterminée non renouvelable). Les immobilisations financières (titres de participation…) ne sont pas non plus amortissables, mais peuvent faire l’objet de dépréciations.

Calculer la base amortissable

Une fois qu’un actif est identifié comme amortissable, il faut déterminer le montant qui va être réparti sur sa durée d’utilisation. Ce montant est appelé la base amortissable.

La règle, définie à l’article 214-3 du PCG, est la suivante : Base Amortissable = Valeur brute de l’actif – Valeur résiduelle

La valeur brute est généralement le coût historique de l’actif, c’est-à-dire sa valeur d’entrée au bilan (coût d’acquisition ou coût de production, comme détaillé dans notre précédent article). Si l’actif a fait l’objet d’une réévaluation ultérieure (opération rare et encadrée), c’est la valeur réévaluée qui devient la valeur brute. Il est également essentiel de surveiller la valeur brute au fil du temps, car elle peut ne plus refléter la valeur juste de l’actif en raison de l’usure ou des changements de marché. Dans ce contexte, l’évaluation des pertes de valeur devient cruciale pour déterminer si une provision doit être enregistrée dans les comptes. Ainsi, une évaluation régulière et rigoureuse contribue à garantir que les états financiers soient présentés de manière fidèle et conforme aux normes comptables. Une analyse des méthodes d’évaluation est essentielle pour s’assurer que la valeur brute des actifs soit maintenue à un niveau représentatif. Cela peut impliquer l’examen des approches de valorisation utilisées, qu’elles soient basées sur des comparables de marché ou sur des modèles de flux de trésorerie actualisés. En intégrant cette analyse, les entreprises peuvent mieux anticiper l’impact des fluctuations de valeur sur leur situation financière.

La valeur résiduelle est une notion importante mais souvent négligée ou nulle en pratique. Elle correspond au montant net que l’entreprise s’attend à obtenir de la vente de l’actif à la fin de sa durée d’utilisation prévue par l’entreprise, après déduction des coûts de sortie (frais de mise en vente, de démontage…). Attention, le PCG précise que cette valeur résiduelle n’est déduite de la valeur brute pour calculer la base amortissable que si elle remplit deux conditions cumulatives : elle doit être significative (c’est-à-dire non négligeable par rapport au coût de l’actif) ET mesurable de façon fiable dès l’origine. En pratique, pour beaucoup d’actifs, la valeur de revente attendue en fin d’utilisation est considérée comme nulle ou non significative, ou difficilement estimable à l’avance. Dans ce cas, la base amortissable est simplement égale à la valeur brute. Toutefois, pour certains actifs comme les véhicules ou certains matériels industriels spécifiques, une valeur résiduelle significative peut exister et doit alors être prise en compte.

Définir le plan d’amortissement

Le plan d’amortissement est la feuille de route qui détaille comment la base amortissable va être répartie sur la durée d’utilisation de l’actif. Il traduit le rythme auquel l’entreprise s’attend à consommer les avantages économiques futurs de cet actif (PCG, art. 214-4). Définir ce plan relève de la responsabilité de la direction de l’entreprise et repose sur deux éléments clés : la durée d’utilisation et le mode d’amortissement.

La durée d’utilisation (ou durée d’amortissement) est la période pendant laquelle l’entreprise prévoit d’utiliser l’actif. Elle doit être estimée de manière réaliste dès l’entrée du bien. Cette durée d’utilisation comptable peut être différente de la durée de vie technique ou physique de l’actif. Par exemple, une entreprise peut prévoir de remplacer ses ordinateurs tous les 4 ans pour rester à la pointe de la technologie, même si les ordinateurs pourraient techniquement fonctionner plus longtemps. C’est cette durée d’utilisation de 4 ans qui sera retenue pour l’amortissement.

Le mode d’amortissement définit le rythme de répartition de la base amortissable sur la durée d’utilisation. L’objectif est de choisir le mode qui reflète le mieux la manière dont les avantages économiques sont consommés (PCG, art. 214-14). Le PCG prévoit principalement :

  • Le mode linéaire : il consiste à répartir la base amortissable de manière égale sur chaque exercice de la durée d’utilisation. C’est le mode le plus simple et le plus courant. Le PCG précise qu’il est appliqué par défaut, si aucun autre mode n’est jugé plus adapté pour traduire le rythme de consommation des avantages.
  • Le mode basé sur les unités d’œuvre : l’amortissement n’est pas calculé en fonction du temps mais en fonction de l’utilisation réelle de l’actif (nombre d’unités produites, nombre d’heures de fonctionnement, kilomètres parcourus…). Ce mode est plus pertinent lorsque l’usure de l’actif dépend davantage de son intensité d’utilisation que du simple passage du temps. Par exemple, amortir une machine en fonction du nombre de pièces qu’elle produit.
  • Le mode dégressif (ou accéléré) : ce mode permet de constater des annuités d’amortissement plus importantes au début de la vie de l’actif et décroissantes ensuite. Bien qu’il puisse parfois refléter une consommation plus rapide des avantages au début, il est surtout connu comme un mode fiscal, autorisé par le Code Général des Impôts pour certains biens neufs afin d’inciter à l’investissement. Si une entreprise utilise le mode dégressif fiscalement alors que le mode linéaire est jugé plus pertinent économiquement (comptablement), elle devra comptabiliser un amortissement linéaire dans ses comptes et constater la différence avec l’amortissement dégressif via un compte spécifique d’amortissement dérogatoire (qui est une forme de « sur-amortissement » temporaire pour raisons fiscales, traité comme une charge exceptionnelle ou une reprise selon les cas).

L’entreprise doit appliquer le mode d’amortissement choisi de manière constante pour tous les actifs de même nature ayant des conditions d’utilisation identiques, afin d’assurer la comparabilité des comptes.

Date de début et comptabilisation de l’amortissement

Quand faut-il commencer à amortir un actif ? L’article 214-11 du PCG est clair : l’amortissement débute à la date de début de consommation des avantages économiques qui lui sont attachés. Cette date correspond le plus souvent à la date de mise en service effective de l’actif dans l’entreprise, c’est-à-dire la date à partir de laquelle il est prêt à être utilisé conformément à sa destination. Ce n’est pas nécessairement la date d’achat ou la date de facture.

Une fois le plan d’amortissement défini (base, durée, mode) et la date de début fixée, l’entreprise doit comptabiliser une dotation aux amortissements à la clôture de chaque exercice. Cette dotation représente la part de la valeur de l’actif consommée pendant l’exercice. Elle est enregistrée comme une charge dans le compte de résultat, venant diminuer le bénéfice imposable (sauf pour les amortissements dérogatoires qui ont un traitement fiscal particulier).

Le PCG (art. 214-10) insiste sur le caractère obligatoire de cet enregistrement : la dotation aux amortissements doit être comptabilisée même en cas d’absence ou d’insuffisance de bénéfice. Il n’est pas possible de « reporter » un amortissement sous prétexte que l’entreprise fait des pertes. L’amortissement constate une consommation de valeur économique réelle, indépendante du résultat de l’exercice. De plus, la prise en compte des amortissements est d’autant plus cruciale dans le cadre des quotas carbone et enjeux environnementaux, où la valeur des actifs peut fluctuer en fonction des réglementations et des attentes sociétales. Ignorer ces amortissements pourrait fausser la vision économique de l’entreprise et masquer les véritables impacts sur ses ressources et sa durabilité. Ainsi, une gestion rigoureuse et transparente des amortissements est essentielle pour naviguer au mieux dans le contexte économique actuel.

La révision du plan d’amortissement

Un plan d’amortissement est défini à l’entrée de l’actif sur la base des estimations et prévisions disponibles à ce moment-là. Mais la réalité peut évoluer. L’article 214-15 du PCG prévoit donc que le plan d’amortissement doit être révisé si des changements significatifs interviennent.

Cette révision est obligatoire dans deux cas principaux :

  1. S’il y a une modification significative de l’utilisation prévue de l’actif. Cela peut concerner la durée d’utilisation (par exemple, on décide finalement de garder une machine plus longtemps que prévu initialement) ou le rythme de consommation des avantages (par exemple, une machine produit beaucoup plus ou beaucoup moins que prévu, si on utilise le mode des unités d’œuvre).
  2. Suite à la constatation ou à la reprise d’une dépréciation sur l’actif. Comme nous le verrons dans un prochain article, une dépréciation vient réduire la valeur comptable de l’actif. Cette nouvelle valeur devient alors la nouvelle base à amortir sur la durée d’utilisation restante.

La révision du plan d’amortissement a un caractère prospectif. Cela signifie qu’elle ne modifie pas les amortissements déjà comptabilisés dans le passé, mais elle ajuste les dotations pour les exercices futurs, à partir de la date de la révision.

Informations en annexe

La transparence est essentielle en matière d’amortissement. C’est pourquoi le PCG exige que l’annexe aux comptes annuels fournisse des informations détaillées. Pour chaque catégorie d’immobilisations significatives, l’entreprise doit indiquer :

  • Les durées ou taux d’amortissement utilisés.
  • Les modes d’amortissement retenus (linéaire, unités d’œuvre…).
  • Le poste du compte de résultat où les dotations sont incluses.
  • La nature et l’incidence d’éventuels changements d’estimations comptables significatifs (changement de durée, de mode, de valeur résiduelle…).
  • Si l’approche par composants est utilisée, les détails pour chaque composant (valeur brute, durée, mode…).

De plus, l’annexe doit présenter des tableaux normalisés (prévus aux articles 832-1 et 832-2 du PCG) qui retracent les mouvements des immobilisations en valeur brute et des amortissements cumulés au cours de l’exercice (augmentations, diminutions, dotations).

L’amortissement reflète la consommation de la valeur de vos investissements. Un plan bien défini est gage de fiabilité comptable et d’optimisation fiscale. Contactez-nous pour valider ou adapter vos méthodes d’amortissement.

Sources

  • Plan Comptable Général (tel qu’issu notamment du Règlement ANC n° 2014-03 et ses mises à jour ultérieures), Articles 214-1, 214-3, 214-4, 214-6, 214-7, 214-8, 214-10, 214-11, 214-14, 214-15, 831-2, 832-1, 832-2.
  • Code Général des Impôts (pour les règles fiscales spécifiques comme l’amortissement dégressif).

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