Posséder et exploiter un bateau sur les voies navigables françaises, que ce soit pour le transport de marchandises, l’accueil de passagers ou même pour des activités stationnaires, ne se résume pas à savoir manœuvrer. Une réglementation dense encadre la mise en service des bateaux et la qualification des personnes habilitées à les conduire. Naviguer sans les documents appropriés peut entraîner des sanctions sévères et engager la responsabilité du propriétaire ou du conducteur en cas d’incident. Cet article détaille les principaux permis, certificats et titres requis pour les bateaux fluviaux et leurs équipages en France, afin de vous aider à y voir plus clair sur l’essentiel des règles à connaître pour une navigation conforme.
Le « permis de navigation » du bateau : assurer sa conformité technique
Avant même de penser à qui tiendra la barre, le bateau lui-même doit être administrativement en règle et techniquement apte à naviguer. Cela passe par l’obtention d’un titre de navigation adapté à son type et à son usage, et par le respect de prescriptions techniques précises.
Tout d’abord, chaque bateau doit porter des marques d’identification claires et permanentes sur sa coque : son nom ou sa devise, son lieu d’immatriculation (suivi de la lettre F pour la France), des éléments clés de son statut juridique, et pour les bateaux de marchandises, l’indication de son port en lourd (sa capacité de chargement maximale). Les bateaux transportant des passagers doivent afficher de manière visible le nombre maximal de personnes autorisées à bord. Des marques d’enfoncement (lignes indiquant la profondeur maximale autorisée selon les zones de navigation) doivent également être présentes et respectées. Il est formellement interdit de charger un bateau au-delà de ces marques.
Pour les bateaux destinés au transport de marchandises, le principal titre de navigation est le Certificat Communautaire de navigation intérieure. Mis en place pour harmoniser les exigences techniques au niveau européen (initialement par la directive 82/714/CEE, aujourd’hui remplacée par la directive 2006/87/CE ), ce certificat atteste que le bateau répond à des normes de construction, d’équipement et de sécurité définies en annexe de textes réglementaires. Il est délivré après une visite technique approfondie par une commission de surveillance compétente, avant la première mise en service ou après importation. Toute modification ou réparation importante affectant la structure ou les caractéristiques du bateau nécessite une nouvelle visite. Sa durée de validité maximale est généralement de dix ans. Certains bateaux de marchandises sont exemptés de ce certificat communautaire, notamment ceux dont le port en lourd ne dépasse pas 15 tonnes ou ceux naviguant exclusivement sur des voies non connectées au réseau européen. Ces derniers doivent toutefois détenir un autre titre, le Certificat de Bateau, qui est délivré après une visite vérifiant la conformité à des prescriptions techniques nationales spécifiques. C’est aussi le cas pour certains bateaux anciens (quille posée avant 1950, port en lourd < 350 tonnes naviguant uniquement en France) et pour les « engins flottants » comme les bateaux de service.
Pour les bateaux destinés au transport de passagers, le régime est différent. Ceux conçus pour transporter plus de douze passagers (hors équipage) doivent posséder un Permis de Navigation spécifique, délivré lui aussi par une commission de surveillance après visite technique. Ce permis, généralement valable deux ans, mentionne le nom du bateau, ses caractéristiques, le nombre maximal de passagers et les voies sur lesquelles il est autorisé à naviguer. Il doit être conservé à bord. Des visites périodiques, notamment une visite complète de la coque à sec (tous les 5 ans si métallique, 2 ans sinon), sont obligatoires pour maintenir sa validité. Les bateaux transportant six passagers ou moins relèvent, quant à eux, de la réglementation applicable aux bateaux de plaisance.
Les bateaux stationnaires, engins et établissements flottants (comme les pontons habités, les restaurants flottants) qui disposent d’une source d’énergie à bord nécessitent une autorisation spéciale tenant lieu de permis de navigation. S’ils reçoivent du public, ils sont en outre soumis aux règles de sécurité très strictes applicables aux Établissements Recevant du Public (ERP), notamment en matière de prévention incendie et panique.
Enfin, un cas particulier important concerne le transport de matières dangereuses. Qu’il s’agisse de marchandises sèches ou de liquides en citerne, le bateau doit non seulement posséder son titre de navigation de base (Certificat Communautaire ou de Bateau), mais aussi être conforme à la réglementation spécifique ADNR (Accord européen relatif au transport international des marchandises Dangereuses par voies de Navigation intérieure). Cela implique généralement l’obtention d’un Certificat d’agrément ADNR distinct, attestant que la construction et l’équipement du bateau (double coque, systèmes anti-déflagration, etc.) sont adaptés aux risques. Ce certificat est délivré après inspection par les services compétents.
Ne pas détenir le titre de navigation approprié et en cours de validité expose le propriétaire à des sanctions pénales.
Le « permis de conduire » fluvial : qui peut piloter ?
Autant le titre de navigation concerne le bateau lui-même, autant le certificat de capacité concerne la personne aux commandes. Pour conduire un bateau dit « de commerce » – c’est-à-dire un bateau de marchandises ou un bateau transportant plus de douze passagers – sur les eaux intérieures françaises, il est obligatoire d’être titulaire d’un Certificat de Capacité pour la conduite des bateaux de commerce ou d’un titre reconnu comme équivalent.
L’obtention de ce certificat est soumise à plusieurs conditions cumulatives. Il faut d’abord être âgé d’au moins 18 ans. Ensuite, une aptitude physique et mentale est requise, prouvée par un certificat médical. Cette aptitude doit d’ailleurs être reconfirmée régulièrement après 65 ans, sous peine de suspension du certificat. Une expérience professionnelle conséquente est également exigée : en principe, au moins quatre années comme membre d’équipage de pont sur un bateau de commerce. Cette durée peut être réduite pour les titulaires de certains diplômes ou formations. Enfin, il faut réussir un examen comprenant des épreuves théoriques et pratiques portant sur la conduite, les règlements de navigation, la sécurité, la mécanique de base, etc.. Pour certaines voies d’eau présentant des difficultés particulières (fort courant, trafic dense…), des épreuves complémentaires sur la connaissance des conditions locales peuvent être requises.
Dans un souci d’harmonisation européenne (Directive 96/50/CE), les certificats de capacité délivrés par les autres États membres de l’UE sont reconnus en France, sous réserve de correspondre aux catégories définies (Groupe A pour toutes les voies sauf Rhin, Groupe B pour les voies non maritimes sauf Rhin). La prestigieuse Patente du Rhin est, quant à elle, valable sur toutes les eaux intérieures françaises. Des accords de reconnaissance réciproque peuvent exister avec des pays tiers.
Il existe aussi des certificats de capacité pour des navigations plus spécifiques:
- La catégorie PA permet de conduire des bateaux non motorisés de moins de 15m transportant des passagers en service saisonnier sur un parcours limité et non connecté au réseau principal.
- La catégorie PB autorise la même chose, mais pour des bateaux jusqu’à 35m et 75 passagers maximum.
- La catégorie PC concerne la conduite de bateaux de marchandises de moins de 20m.
Certaines situations permettent de conduire sans le certificat de capacité principal : par exemple, une personne de plus de 15 ans en formation, assistée par le conducteur titulaire.
Une exigence supplémentaire s’applique spécifiquement aux bateaux à passagers. Outre le certificat de capacité du conducteur, la présence à bord d’au moins une personne (le conducteur ou un autre membre d’équipage) titulaire de l’Attestation Spéciale « Passagers » est obligatoire. Cette attestation, obtenue après un examen spécifique, valide les connaissances en matière de sécurité des passagers, gestion des évacuations, premiers secours, lutte contre l’incendie. Si le bateau est autorisé à transporter plus de cinquante passagers, la présence d’une deuxième personne titulaire de cette attestation est requise. Cette attestation peut aussi être exigée sur des bateaux stationnaires recevant du public. La responsabilité en navigation fluviale implique également une vigilance accrue en matière de sécurité, tant pour les passagers que pour l’équipage. Les opérateurs doivent s’assurer que tous leur personnel est formé et informé des protocoles d’urgence, afin de minimiser les risques d’incidents. En cas de négligence dans la mise en œuvre de ces exigences, des sanctions peuvent être appliquées, ce qui souligne l’importance d’une formation adéquate.
Conduire un bateau de commerce sans le certificat de capacité requis ou avec un certificat non valide constitue une infraction pénale.
L’équipage à bord : combien et qui ?
Un bateau motorisé ne peut naviguer sans un équipage suffisant pour assurer sa marche et sa sécurité, en fonction de ses caractéristiques, de la zone de navigation et des circonstances. La composition minimale réglementaire pour la plupart des bateaux est d’un conducteur (titulaire du certificat de capacité adéquat) et d’un matelot apte à participer aux manœuvres. L’âge minimum pour faire partie de l’équipage est de 16 ans. Des arrêtés ministériels peuvent imposer des équipages plus étoffés pour certains types de navigation (convois longs, navigation continue…) ou, exceptionnellement, autoriser des équipages réduits.
Le conducteur est la personne qui détient l’autorité à bord et la responsabilité nautique. Il est responsable du respect de toutes les règles de police et de sécurité. Tous les membres de l’équipage, ainsi que toute autre personne à bord, doivent se conformer à ses ordres pour tout ce qui concerne la sécurité de la navigation et l’ordre à bord. Dans le cas d’un convoi poussé, c’est le conducteur du pousseur qui est responsable de l’ensemble. Dans un convoi remorqué, chaque bâtiment remorqué a son propre conducteur qui doit obéir aux ordres du conducteur du remorqueur, tout en prenant les mesures nécessaires pour la sécurité de son propre bateau.
Pour les bateaux étrangers de plus de 15m naviguant en France, l’équipage (ou un passager) doit comprendre au moins une personne capable de comprendre et parler suffisamment le français pour les consignes de sécurité et les avis à la batellerie. De plus, cette compétence linguistique est essentielle pour garantir la sécurité de tous à bord et assurer le respect des règles de navigation en France. Les autorités maritimes peuvent également imposer des sanctions en cas de non-respect de cette exigence. Il est donc fortement conseillé de se préparer adéquatement avant de naviguer dans les eaux françaises. Il est important de souligner que la méconnaissance des règles de la police de la navigation intérieure en France peut entraîner des incidents graves. Par conséquent, il est recommandé de se familiariser avec ces règlements et de suivre des formations appropriées avant de partir en mer. En agissant ainsi, les plaisanciers pourront naviguer en toute confiance et en toute sécurité.
Les bateaux transportant des matières dangereuses doivent avoir en permanence à bord le personnel compétent requis pour assurer la sécurité, y compris pendant le stationnement si le bateau est chargé ou non dégazé. Des règles spécifiques de composition d’équipage existent également pour les bateaux à passagers, souvent liées au nombre de passagers autorisés.
Sanctions en cas d’infraction
Naviguer sans le titre de navigation adéquat pour le bateau, conduire sans le certificat de capacité requis, ou ne pas respecter les règles de composition minimale de l’équipage constituent des infractions définies par la loi n° 72-1202 du 23 décembre 1972. Elles peuvent entraîner des amendes, l’immobilisation du bateau, voire des peines plus lourdes en cas d’accident. Au-delà des sanctions pénales, la responsabilité civile et/ou administrative peut être engagée.
Obtenir les bons certificats pour votre bateau et votre personnel est essentiel. Notre cabinet vous accompagne dans ces démarches administratives et vous défend en cas de contrôle ou d’infraction. Nous offrons par ailleurs une expertise complète en droit commercial, y compris pour les aspects de navigation et de transport fluvial, afin d’accompagner les professionnels dans la gestion, le financement et la résolution des litiges liés à leurs activités.
Sources
- Code des transports (parties relatives aux titres de navigation et aux équipages)
- Décret n° 88-228 du 7 mars 1988 relatif au service des bateaux de navigation intérieure destinés au transport de marchandises (modifié)
- Décret n° 70-810 du 2 septembre 1970 relatif à la sécurité des bateaux à passagers
- Décret n° 91-731 du 23 juillet 1991 relatif à l’équipage et à la conduite des bateaux (modifié)
- Arrêté du 19 décembre 2003 relatif à l’équipage et à la conduite des bateaux
- Arrêté du 5 décembre 2002 relatif au transport des marchandises dangereuses par voie de navigation intérieure (Arrêté ADNR)
- Directives européennes pertinentes (notamment 2006/87/CE et 96/50/CE)