Récupérer une créance dans un autre pays européen peut sembler intimidant. Les barrières linguistiques, les différences juridiques et la distance compliquent souvent cette démarche. La procédure européenne de règlement des petits litiges offre une solution pratique à ce problème. Ce guide vous présente les étapes concrètes pour l’initier correctement.
Vérifier les conditions préalables d’application
Avant toute démarche, confirmez que votre situation répond aux trois critères essentiels d’application.
Le premier critère concerne le caractère transfrontalier du litige. Cette condition est remplie lorsqu’au moins une des parties a son domicile dans un État membre différent de celui de la juridiction saisie. Ce statut s’apprécie à la date de réception du formulaire par le tribunal.
Le deuxième critère porte sur le montant. La valeur de votre demande ne doit pas dépasser 5 000 euros, hors intérêts, frais et débours. Pour évaluer ce montant, comptabilisez uniquement le principal de votre créance. L’article 2 du règlement (CE) n° 861/2007, modifié en 2015, a relevé ce seuil initialement fixé à 2 000 euros.
Le troisième critère concerne la nature du litige. La procédure s’applique uniquement en matière civile et commerciale. Sont exclus:
- Les litiges fiscaux ou administratifs
- Les questions d’état civil et de capacité
- Les régimes matrimoniaux
- Les successions et testaments
- Les faillites
- Le droit du travail
- Les baux immobiliers (sauf demandes d’argent)
- Les atteintes à la vie privée
Vérifiez également que les pays concernés participent au dispositif. Le règlement s’applique dans tous les États membres de l’Union européenne, sauf le Danemark. Le Royaume-Uni n’est plus concerné depuis le Brexit.
Déterminer la juridiction compétente
Identifier la juridiction compétente constitue une étape décisive. Une erreur à ce stade peut entraîner l’irrecevabilité de votre demande.
La compétence internationale est déterminée par le règlement Bruxelles I bis (règlement UE n° 1215/2012). Le formulaire de demande type A vous guide à travers les différents cas de figure.
Le principe général veut que l’on assigne le défendeur devant les tribunaux de son domicile. L’article 4 du règlement Bruxelles I bis consacre cette règle.
Des options alternatives existent selon la nature de votre litige:
- En matière contractuelle: le tribunal du lieu d’exécution de l’obligation (art. 7.1)
- Pour un contrat de vente: le lieu de livraison des marchandises
- Pour une prestation de service: le lieu d’exécution du service
- En matière délictuelle: le tribunal du lieu du dommage (art. 7.2)
- Pour un contrat conclu avec un consommateur: le tribunal du domicile du consommateur
En France, deux types de juridictions peuvent traiter ces demandes:
- Le tribunal d’instance pour les litiges civils (article L. 221-4-1 du code de l’organisation judiciaire)
- Le tribunal de commerce pour les litiges commerciaux (article L. 721-3-1 du code de commerce)
La compétence territoriale en France suit la règle classique: c’est le tribunal du lieu où demeure le défendeur qui est compétent.
Préparer et soumettre le formulaire de demande
La demande s’effectue via le formulaire type A, disponible dans toutes les langues officielles de l’Union européenne.
Ce formulaire comporte douze rubriques:
- Identification de la juridiction
- Coordonnées du demandeur
- Coordonnées du défendeur
- Base de compétence de la juridiction
- Caractère transfrontalier du litige
- Coordonnées bancaires (facultatif)
- Objet de la demande (montant, intérêts…)
- Détails du litige et preuves
- Audience éventuelle
- Modalités de communication
- Certificat d’exécution
- Date et signature
Pour maximiser vos chances de succès, suivez ces conseils:
- Remplissez le formulaire dans la langue de la juridiction saisie (en France, le français)
- Joignez des copies de tous les documents justificatifs pertinents
- Décrivez clairement les faits sans nécessité de qualification juridique
- Précisez le montant exact réclamé et son mode de calcul
- Si vous demandez des intérêts, indiquez leur taux et la date de départ
Le formulaire doit être transmis directement à la juridiction compétente. En France, selon l’article 1383 du code de procédure civile, il peut être remis au greffe ou adressé par voie postale. La circulaire du 26 mai 2009 mentionne également la possibilité d’une transmission électronique dans certains cas.
Des ressources sont disponibles pour vous aider à compléter ce formulaire. En France, une assistance gratuite est fournie par:
- Les greffes des tribunaux d’instance et de commerce
- Les maisons de justice et du droit
- Les centres départementaux d’accès au droit
- Le portail e-Justice européen
Gérer la phase initiale après dépôt
Une fois le formulaire déposé, la juridiction effectue un contrôle préalable de recevabilité.
Trois scénarios peuvent survenir:
Premier cas: votre demande est jugée manifestement irrecevable ou non fondée. Le tribunal la rejette immédiatement. En France, cette décision est insusceptible de recours, mais vous pouvez toujours agir selon les voies de droit commun.
Deuxième cas: votre demande manque de clarté ou comporte des lacunes. La juridiction vous adresse alors le formulaire type B vous invitant à compléter ou rectifier votre demande dans un délai fixé. Respectez scrupuleusement ce délai. À défaut, votre demande sera rejetée.
Troisième cas: votre demande ne relève pas du champ d’application du règlement. La juridiction vous en informe. En France, le tribunal vous impartit un délai pour vous désister. Si vous ne le faites pas, l’affaire sera instruite selon la procédure ordinaire applicable.
Si votre demande passe ce contrôle initial, la procédure suit son cours normal, avec ses délais et frais. La décision rendue sera ensuite exécutable. Dans les 14 jours suivant la réception de votre formulaire correctement rempli, le tribunal:
- Complète la partie I du formulaire de réponse C
- Notifie au défendeur une copie de votre demande et des pièces justificatives
- Lui transmet le formulaire de réponse à compléter
Le défendeur dispose de 30 jours pour répondre. Il peut accepter votre demande, la contester, ou former une demande reconventionnelle.
Si le défendeur forme une demande reconventionnelle dépassant 5 000 euros, l’ensemble du litige sort du cadre de la procédure européenne et bascule vers la procédure nationale ordinaire.
La qualité de votre préparation initiale détermine souvent l’issue d’une procédure européenne de petits litiges. Notre cabinet peut vous accompagner dans la constitution de votre dossier et garantir que toutes les formalités sont correctement accomplies.
Sources
- Règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil
- Règlement (UE) n° 1215/2012 dit « Bruxelles I bis »
- Code de procédure civile français, articles 1382 à 1391
- Code de l’organisation judiciaire, article L. 221-4-1
- Code de commerce, article L. 721-3-1