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Comprendre le secret bancaire en France

Table des matières

Le secret bancaire est souvent perçu comme un rempart contre la curiosité, y compris celle de l’État. Ce principe ancien, dont les origines remontent aux pratiques commerciales séculaires visant à protéger la confidentialité des affaires, n’a été formellement consacré en France qu’en 1984. Il s’avère cependant moins protecteur qu’on ne le croit communément, son caractère étant plus relatif qu’absolu.

Introduction au concept du secret bancaire

Le secret bancaire vise à protéger à la fois les intérêts privés et l’intérêt public. Il garantit la confidentialité des informations détenues par les établissements de crédit concernant leurs clients. Cette protection répond à un besoin fondamental de préserver sa vie privée financière, mais aussi à maintenir la confiance dans le système bancaire, rouage essentiel de l’économie. Cette confidentialité est d’autant plus importante que la législation oblige parfois les particuliers et entreprises à recourir aux services bancaires.

Fondements légaux

L’article L. 511-33 du Code monétaire et financier constitue le socle du secret bancaire français. Ce texte établit que « tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui a un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit, d’une société de financement […] ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel ». [cite: 2035]

La violation de cette obligation est sanctionnée pénalement par l’article 226-13 du Code pénal, qui prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Toutefois, contrairement à d’autres secrets professionnels comme le secret médical ou celui de l’avocat, le secret bancaire n’est pas absolu. Son caractère est relatif [cite: 2142], et l’article L. 511-33 lui-même énumère des exceptions notables. Il précise que « le secret professionnel ne peut être opposé ni à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ni à la Banque de France ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale ». D’autres exceptions existent, notamment au profit de l’administration fiscale, comme nous le verrons. Le secret bancaire et l’administration fiscale entretiennent ainsi une relation complexe.

Portée du secret bancaire

Pour bien cerner ce principe, il faut identifier les personnes qui y sont tenues et les informations qu’il couvre.

Personnes tenues au secret

Sont légalement tenues au secret professionnel bancaire [cite: 2035] :

  • Les membres des conseils d’administration et de surveillance.
  • Toute personne participant à la direction ou à la gestion de l’établissement (dirigeants de fait ou de droit).
  • Les employés de l’établissement, quel que soit leur niveau hiérarchique ou la nature de leur contrat de travail.
  • Certaines personnes extérieures recevant des informations confidentielles dans le cadre d’opérations spécifiques listées par la loi (par exemple, lors de cessions de créances ou de contrats de prestation de services externalisés). Ces tiers sont alors eux-mêmes tenus de conserver la confidentialité des informations reçues.

La jurisprudence a confirmé que cette obligation perdure même après que l’employé a quitté l’établissement (Cass. soc., 30 juin 1982). Le devoir de discrétion survit à la relation de travail.

Informations couvertes

Le secret bancaire protège les informations confidentielles reçues par l’établissement bancaire dans l’exercice de sa profession [cite: 2048]. Pour être couvertes, ces informations doivent :

  1. Avoir un caractère confidentiel : elles ne doivent pas être notoirement connues ou publiquement accessibles.
  2. Avoir été reçues par l’établissement à titre professionnel : elles doivent avoir été obtenues dans le cadre de la relation bancaire ou de l’activité de l’établissement. Les informations obtenues à titre purement personnel par un employé ne sont pas couvertes.
  3. Être suffisamment précises pour porter atteinte, si elles étaient divulguées, au secret des affaires ou à la vie privée du client ou d’un tiers.

En pratique, sont typiquement couvertes par le secret bancaire :

  • L’existence même des comptes ouverts au nom d’une personne.
  • Le solde des comptes (créditeur ou débiteur).
  • Le détail des opérations effectuées sur les comptes (virements, prélèvements, dépôts, retraits).
  • Les informations relatives aux prêts accordés (montant, durée, taux, garanties).
  • L’identité des mandataires disposant d’une procuration sur un compte.
  • L’identité des personnes s’étant portées caution pour un client.
  • Les informations patrimoniales ou personnelles confiées par le client à son banquier.

Un arrêt important de la Cour de cassation a même précisé que le verso d’un chèque, qui peut révéler l’identité du bénéficiaire via les endossements, est couvert par le secret bancaire, y compris vis-à-vis du tireur du chèque lui-même (Cass. com. 13 juin 1995).

Distinction entre secret et renseignements commerciaux

Une nuance importante doit être apportée : le secret bancaire n’interdit pas aux banques de fournir ce que l’on appelle des « renseignements commerciaux » [cite: 2115]. Il s’agit d’informations d’ordre général et économique sur la situation financière ou la solvabilité apparente d’un client, souvent demandées par d’autres entreprises avant d’entrer en relation d’affaires.

La Cour de cassation a encadré cette pratique dans un arrêt du 18 septembre 2007, indiquant que « l’obligation au secret professionnel interdit de fournir à un client des renseignements autres que simplement commerciaux d’ordre général et économique sur la solvabilité » d’un autre client.

Ces renseignements doivent impérativement :

  • Rester généraux et ne pas divulguer de données chiffrées précises ou d’informations confidentielles spécifiques.
  • Être fournis avec prudence et objectivité, reflétant une opinion mesurée et non une certitude absolue.
  • Ne pas être trompeurs.

La fourniture de renseignements commerciaux engage la responsabilité et le secret bancaire de l’établissement. Une information inexacte ou excessivement optimiste/pessimiste peut causer un préjudice au client concerné ou au tiers demandeur, et entraîner une condamnation à des dommages-intérêts.

Évolution historique et caractère relatif du secret bancaire

Contrairement à une idée reçue, le secret bancaire n’a pas toujours existé en tant que tel dans la loi française [cite: 1948, 1951]. Avant 1984, il n’y avait pas de disposition législative spécifique. La jurisprudence reconnaissait certes une obligation de discrétion professionnelle aux employés de banque, fondée sur le devoir général de loyauté et la responsabilité contractuelle, mais son fondement pénal restait débattu.

C’est l’article 57 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit qui a formellement consacré ce devoir, aujourd’hui codifié à l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier.

Depuis cette consécration, le législateur n’a cessé d’apporter des tempéraments et des exceptions à ce principe. Le secret bancaire français est donc intrinsèquement relatif [cite: 2142]. Il cède devant un certain nombre d’intérêts jugés supérieurs :

  • Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme : obligation de déclaration de soupçon à TRACFIN.
  • Contrôle fiscal : large droit de communication de l’administration fiscale.
  • Coopération internationale : accords comme FATCA avec les États-Unis et directives européennes facilitant l’échange automatique d’informations fiscales.
  • Procédures pénales : inopposabilité du secret à l’autorité judiciaire agissant dans ce cadre.
  • Contrôle prudentiel : inopposabilité à l’ACPR et à la Banque de France.
  • Nécessités de l’activité bancaire elle-même : la loi de modernisation de l’économie de 2008 a introduit des cas de partage du secret bancaire sans accord préalable du client, notamment pour les opérations de crédit syndiqué, les cessions de créances, ou l’externalisation de services.

Cette érosion progressive, dictée par des impératifs de sécurité publique, de lutte contre la fraude et de transparence internationale, limite considérablement la portée pratique du secret bancaire aujourd’hui. Les exceptions au secret bancaire sont nombreuses et touchent des domaines variés.

Levée du secret par le client

Le secret bancaire étant institué principalement dans l’intérêt du client, celui-ci peut y renoncer et autoriser son banquier à communiquer des informations le concernant [cite: 2146, 2160]. Cette levée du secret par le client doit cependant respecter des conditions strictes pour être valable :

  • Consentement exprès : L’autorisation doit être claire et non équivoque. Un consentement tacite ou implicite n’est généralement pas suffisant, surtout depuis la loi de 2008 qui exige un accord « au cas par cas ».
  • Consentement éclairé : Le client doit être pleinement informé de la nature des informations qui seront communiquées, des destinataires de ces informations et de la finalité de cette communication. Une clause générale de levée du secret insérée dans les conditions générales d’un contrat d’adhésion est souvent jugée insuffisante pour garantir un consentement éclairé.
  • Consentement spécifique : Idéalement, l’autorisation devrait porter sur une communication précise, pour une finalité déterminée et à destination de personnes identifiées.

Les héritiers d’un client décédé peuvent également, en prouvant leur qualité, autoriser la levée du secret concernant les informations patrimoniales du défunt. De même, le représentant légal d’un incapable (tuteur, curateur sous certaines conditions) peut accéder aux informations nécessaires à sa mission. La levée du secret bancaire est donc possible mais encadrée.

Sanctions en cas de violation

La violation du secret bancaire par une personne qui y est tenue expose à une double sanction :

  1. Sanction pénale : L’article 226-13 du Code pénal punit la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire par état ou profession d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
  2. Sanction civile : L’établissement bancaire, en tant qu’employeur, est civilement responsable des fautes commises par ses préposés. La victime de la divulgation (le client ou un tiers dont les informations ont été révélées) peut demander réparation du préjudice subi (matériel ou moral) en engageant la responsabilité civile de la banque.

Il faut noter que le Code monétaire et financier prévoit également des sanctions spécifiques pour les dirigeants qui feraient obstacle aux demandes d’information des autorités de contrôle comme l’ACPR.

Bien que le droit français sanctionne sévèrement la violation du secret bancaire, la multiplication des exceptions légales et la tendance croissante à la transparence, notamment fiscale et prudentielle, en limitent considérablement la portée effective. Il reste néanmoins un devoir essentiel du banquier dans sa relation quotidienne avec son client. En cas de doute sur la légitimité d’une demande d’information ou sur les conséquences d’une divulgation, le recours à un avocat en secret bancaire est recommandé.

Pour une analyse approfondie de votre situation et un conseil adapté, prenez contact avec notre équipe d’avocats.

Sources

  • Code monétaire et financier, article L. 511-33
  • Code pénal, article 226-13
  • Loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit
  • Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie
  • JurisClasseur Droit bancaire et financier, Fasc. 141 : DEVOIRS PROFESSIONNELS DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT. SECRET BANCAIRE. – Généralités.
  • Cass. com., 13 juin 1995
  • Cass. com., 18 septembre 2007, n° 06-10.633
  • Cass. soc., 30 juin 1982

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