Le statut juridique d’un couple, qu’il s’agisse de concubinage ou d’un pacte civil de solidarité (pacs), emporte des conséquences directes sur les obligations financières de chacun, notamment en matière de remboursement de crédit. Contrairement aux idées reçues, ces deux formes d’union ne sont pas traitées de la même manière par la loi, et ignorer ces différences peut conduire à des situations complexes en cas de difficultés financières ou de séparation. Comprendre qui est tenu de rembourser quoi est donc fondamental pour tout couple non marié. Cet article se concentre sur les règles applicables aux couples non mariés, en complément de notre guide complet sur le remboursement de crédit pour les couples.
Le concubinage : l’absence de solidarité légale et ses conséquences
Le concubinage est défini par le Code civil comme une « union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité ». Il s’agit d’une situation factuelle qui n’est pas encadrée par un contrat. Cette absence de cadre juridique spécifique est le point de départ de tout raisonnement : les patrimoines des concubins demeurent totalement distincts.
La conséquence la plus directe de ce principe est l’absence totale de solidarité légale pour les dettes. Chaque concubin est personnellement responsable des dettes qu’il contracte, y compris celles destinées à l’entretien du ménage ou aux dépenses de la vie courante. La jurisprudence est constante sur ce point : les règles de solidarité applicables aux couples mariés ne s’étendent pas aux concubins. Ainsi, si un seul des concubins souscrit un crédit à la consommation, même pour acheter un bien qui profitera aux deux, la banque ne pourra se retourner que contre lui pour obtenir le remboursement.
Est-il alors impossible d’être tenus ensemble d’une même dette ? Non, mais cela ne peut résulter que d’un engagement volontaire. Les concubins peuvent décider de s’engager solidairement, par exemple en souscrivant un crédit en tant que co-emprunteurs. Dans ce cas, leur obligation ne naît pas de leur statut de concubins, mais du contrat de prêt qu’ils ont tous les deux signé. L’article 1310 du Code civil est clair : la solidarité ne se présume pas, elle doit être expressément stipulée. La simple connaissance par un concubin de l’existence d’un prêt souscrit par l’autre est insuffisante pour l’engager.
En ce qui concerne les biens acquis, la situation suit la même logique. Un bien acheté par un seul concubin lui appartient en propre. S’ils achètent un bien ensemble, ils en sont propriétaires en indivision, généralement à hauteur de la contribution de chacun précisée dans l’acte d’achat. En l’absence de précision, l’indivision est présumée être de 50/50. Cette situation est pertinente pour les créanciers : le créancier personnel d’un concubin ne peut pas saisir la part de l’autre dans un bien indivis, mais il peut provoquer le partage judiciaire pour se payer sur la part de son débiteur.
Le pacte civil de solidarité (pacs) : une solidarité encadrée
Le pacte civil de solidarité est un contrat. Il instaure un cadre juridique pour le couple, plus structuré que le concubinage mais moins complet que le mariage. Depuis la réforme de 2007, le régime par défaut pour les partenaires pacsés est la séparation des patrimoines. Cela signifie que, par principe, chaque partenaire reste propriétaire des biens qu’il acquiert et seul responsable des dettes qu’il contracte personnellement.
Toutefois, le pacs introduit une exception majeure à ce principe avec l’article 515-4 du Code civil, qui instaure une solidarité des partenaires à l’égard des tiers. Ce mécanisme est très similaire à celui qui s’applique aux couples mariés, régi par l’article 220 du Code civil, bien qu’il existe des nuances. Cette solidarité signifie que les créanciers peuvent réclamer le paiement de la totalité de la dette à l’un ou l’autre des partenaires, même si un seul d’entre eux a signé le contrat.
Les conditions d’application de la solidarité
Cette solidarité n’est pas automatique pour toutes les dettes. Elle ne joue que pour les « dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante ». La loi exclut de cette solidarité les dépenses « manifestement excessives » par rapport au train de vie du couple.
Pour les crédits, les règles sont encore plus précises. La solidarité est écartée pour les emprunts, sauf dans deux cas :
- S’ils ont été conclus avec le consentement des deux partenaires.
- S’ils portent sur des « sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante » et que leur montant cumulé, en cas de pluralité d’emprunts, n’est pas manifestement excessif.
La notion de « somme modeste » est appréciée par les juges au cas par cas, en fonction des revenus et du train de vie du couple. Un crédit pour acheter une machine à laver peut être considéré comme modeste, tandis qu’un prêt pour une voiture de luxe ne le sera probablement pas. L’intervention d’un avocat peut être nécessaire pour argumenter du caractère modeste ou non d’une somme en cas de litige.
La portée de cette solidarité
Il est essentiel de comprendre que cette solidarité ne joue qu’au stade de l’obligation à la dette, c’est-à-dire dans les rapports entre le couple et le créancier (la banque). Elle ne règle pas la répartition finale de la dette entre les partenaires. Pour bien saisir cette nuance, il est utile de lire notre article sur la distinction entre obligation et contribution à la dette. Entre eux, les partenaires doivent contribuer aux charges de la vie commune à proportion de leurs facultés respectives, sauf s’ils en ont décidé autrement dans leur convention de pacs.
Concernant le régime des biens, si les partenaires n’ont rien prévu, ils sont sous le régime de la séparation de biens. Cependant, ils peuvent opter par convention pour le régime de l’indivision des acquêts. Dans ce cas, les biens acquis pendant le pacs, ensemble ou séparément, sont réputés leur appartenir pour moitié. Ce choix a des conséquences importantes pour les créanciers, qui peuvent alors saisir l’ensemble des biens indivis pour une dette commune.
La dissolution du pacs : quid du remboursement des dettes communes ?
La fin d’un pacs, que ce soit par décision commune, unilatérale ou par mariage, met un terme à la solidarité pour les dettes futures. En revanche, elle ne fait pas disparaître les dettes contractées solidairement pendant l’union. Celles-ci doivent être remboursées intégralement.
La question des recours entre les partenaires devient alors centrale. Si, après la séparation, un seul des ex-partenaires continue de rembourser un crédit contracté solidairement, que peut-il faire ? L’article 515-7 du Code civil prévoit qu’au moment de la dissolution, les partenaires procèdent à la liquidation de leurs droits et obligations. L’un des partenaires peut alors détenir une créance contre l’autre.
Concrètement, si un partenaire a payé une part supérieure à ce qu’il devait au titre de sa contribution aux charges de la vie courante (généralement proportionnelle à ses revenus), il peut demander le remboursement du trop-versé à son ancien partenaire. Le calcul de cette créance peut être complexe et source de nombreux conflits, portant sur la qualification des dépenses (besoins de la vie courante ou dépense personnelle ?) et sur l’évaluation des facultés contributives de chacun pendant la vie commune. L’assistance d’un avocat est souvent indispensable pour chiffrer précisément cette créance et la faire valoir, amiablement ou en justice.
La forme de l’union a des implications juridiques et financières qu’il ne faut pas sous-estimer, en particulier face à un engagement aussi structurant qu’un crédit. Pour une analyse de votre situation et pour sécuriser vos engagements, contactez notre cabinet. Nos avocats compétents en droit du crédit peuvent vous accompagner pour défendre au mieux vos intérêts.
Sources
- Code civil : articles 515-1 à 515-8 (Dispositions relatives au pacte civil de solidarité et au concubinage)
- Code civil : article 1310 (Solidarité)
- Code civil : articles 815 et suivants (De l’indivision)