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Constituer et inscrire une hypothèque : les étapes clés pour sécuriser une créance

Table des matières

La mise en place d’une hypothèque peut apparaître comme un parcours semé d’embûches administratives et juridiques. Pourtant, bien qu’elle exige rigueur et précision, la constitution et l’inscription d’une hypothèque suivent une logique et des étapes bien définies. Comprendre l’hypothèque immobilière, ses bases et l’importance de sa publicité est essentiel pour tout créancier souhaitant s’assurer que sa garantie sera solide et efficace, et tout autant pour le propriétaire du bien concerné. Comment passe-t-on de l’accord de principe à une hypothèque dûment enregistrée et opposable à tous ?

Cet article vous propose de détailler les phases concrètes de la création et de l’enregistrement d’une hypothèque. Nous verrons qui a la capacité de demander cette inscription, à quel moment il est préférable ou nécessaire de le faire, quelles sont les formalités incontournables, notamment le fameux « bordereau », et enfin, quelle est la durée de vie d’une telle inscription.

Qui peut demander l’inscription d’une hypothèque ?

Logiquement, c’est avant tout le créancier, celui au profit duquel la garantie est constituée, qui a qualité pour en demander l’inscription. Il est le premier intéressé à s’assurer que son droit est bien publié et protégé.

Cette démarche peut également être accomplie par ses représentants. Il peut s’agir de représentants légaux (comme un tuteur pour un mineur créancier) ou de mandataires désignés (un gestionnaire de patrimoine, un avocat, ou très fréquemment le notaire rédacteur de l’acte). Les héritiers ou successeurs du créancier initial peuvent aussi, bien entendu, faire inscrire l’hypothèque dont ils ont hérité.

Une situation moins connue, mais prévue par le Code civil à l’article 1341-1, est celle de l’action oblique. Elle permet aux propres créanciers d’un créancier négligent d’agir à sa place pour faire inscrire une hypothèque qui lui est due. Imaginez que A vous doive de l’argent et que A soit lui-même créancier de B, avec une hypothèque sur un bien de B. Si A néglige d’inscrire son hypothèque (ce qui mettrait en péril sa capacité à vous rembourser), vous pourriez, sous certaines conditions, agir au nom de A pour faire inscrire cette hypothèque. C’est un mécanisme de protection indirecte.

Concernant le notaire qui reçoit l’acte de prêt ou l’acte constitutif d’hypothèque, il n’est pas automatiquement tenu par la loi de procéder à l’inscription. Cependant, son devoir professionnel de conseil et d’assurer l’efficacité des actes qu’il rédige l’amène très généralement à s’en charger, agissant alors souvent sur la base d’un mandat tacite de la part du créancier. Sa responsabilité pourrait être engagée s’il manquait à cette diligence alors que les circonstances l’exigeaient. L’article 2428 du Code civil encadre les modalités de cette demande d’inscription.

À quel moment inscrire l’hypothèque ?

Contrairement à d’autres formalités juridiques, il n’existe pas de délai légal strict imposé pour inscrire une hypothèque après sa constitution. Cependant, cette absence de délai légal ne doit pas inciter à la procrastination. Comme nous l’avons vu dans notre précédent article, le rang de l’hypothèque, c’est-à-dire sa priorité par rapport aux autres garanties éventuelles sur le même bien, est déterminé par sa date d’inscription. Plus l’inscription est tardive, plus le risque est grand qu’une autre hypothèque ou qu’un autre droit vienne s’intercaler et prendre priorité, mettant en péril les droits de préférence et de suite du créancier. Inscrire rapidement est donc une mesure de prudence élémentaire pour le créancier.

Il y a toutefois une limite temporelle minimale : on ne peut pas inscrire une hypothèque avant qu’elle n’existe juridiquement. L’inscription ne peut intervenir qu’une fois l’acte ou le jugement qui la fonde devenu effectif. Par exemple, pour une hypothèque conventionnelle liée à un prêt, l’inscription ne peut être requise qu’après la signature de l’acte de prêt et de l’acte d’affectation hypothécaire.

Par ailleurs, il faut être conscient que certains événements peuvent venir « arrêter le cours des inscriptions », comme le prévoit l’article 2422 du Code civil. Cela signifie qu’à partir d’un certain moment, il devient impossible de prendre de nouvelles inscriptions sur les biens d’un débiteur. C’est le cas notamment lors de l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) ou dès la publication d’un commandement de payer valant saisie immobilière sur le bien concerné. Attendre trop longtemps pour inscrire expose donc au risque de ne plus pouvoir le faire du tout si la situation du débiteur se dégrade.

Comment se déroule l’inscription : les formalités essentielles

L’inscription d’une hypothèque n’est pas une simple déclaration. Elle obéit à un formalisme précis, destiné à assurer la fiabilité et la clarté des informations enregistrées. Au cœur de ce processus se trouve le bordereau d’inscription.

Qu’est-ce qu’un bordereau et que contient-il ?

Le bordereau d’inscription est le document officiel, dont le modèle est réglementé, qui doit être rempli et déposé au Service de la Publicité Foncière (SPF) pour procéder à l’enregistrement de l’hypothèque. L’article 2423 du Code civil et les textes d’application, notamment l’article 55 du décret du 14 octobre 1955, en détaillent le contenu obligatoire. Deux exemplaires identiques doivent être fournis.

Ce document doit contenir des informations précises et complètes, permettant d’identifier sans ambiguïté tous les éléments de l’opération :

  • Le créancier : Son identité complète (nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile pour une personne physique ; dénomination, forme juridique, siège social, numéro SIREN pour une personne morale). L’identité doit être certifiée exacte par un officier public (généralement le notaire).
  • Le débiteur (ou le tiers constituant) : Les mêmes informations précises d’identification que pour le créancier sont requises.
  • Le titre donnant naissance à l’hypothèque : Date et nature de l’acte (contrat de prêt notarié, jugement …) et, le cas échéant, nom et résidence du notaire rédacteur. La cause de l’obligation garantie doit aussi être indiquée.
  • La créance garantie : Le montant exact du capital de la dette. Si la créance est indéterminée, éventuelle ou conditionnelle, le créancier doit fournir une évaluation. Les intérêts (taux, point de départ) et l’époque normale d’exigibilité (date d’échéance) doivent être précisés.
  • L’immeuble (ou les immeubles) grevé(s) : Une désignation individuelle et précise de chaque bien immobilier concerné est impérative, incluant la commune de situation, l’adresse, la désignation cadastrale (section, numéro de parcelle, contenance). Toute désignation générale est exclue.

Ces exigences de précision découlent directement du principe de spécialité de l’hypothèque.

Le principe de spécialité

Ce principe signifie que l’hypothèque doit porter sur des éléments clairement définis. Elle est spéciale quant à la créance : elle ne peut garantir qu’une ou plusieurs dettes spécifiquement identifiées dans l’acte et le bordereau, pour un montant déterminé ou évaluable. On ne peut pas constituer une hypothèque « pour toutes dettes présentes et futures ». Elle est également spéciale quant à l’assiette : elle ne peut grever que des biens immobiliers individuellement désignés. Une hypothèque sur « tous les biens immobiliers actuels et à venir » n’est pas possible en tant que telle lors de l’inscription ; chaque bien doit être spécifiquement visé dans le bordereau. C’est une garantie contre les anciennes hypothèques générales et occultes.

Le rôle du notaire et du Service de la Publicité Foncière (SPF)

En pratique, c’est le plus souvent le notaire qui rédige l’acte constitutif d’hypothèque (obligatoirement pour une hypothèque conventionnelle) et qui prépare les bordereaux d’inscription en veillant au respect de toutes les mentions légales.

Les bordereaux sont ensuite déposés au SPF compétent (celui du lieu de situation de l’immeuble). Le SPF effectue alors un contrôle, mais attention, il s’agit principalement d’un contrôle formel. Le service vérifie que le bordereau est correctement rempli, que toutes les mentions obligatoires y figurent, qu’il n’y a pas de discordance évidente avec les informations déjà publiées sur l’immeuble ou les parties, et que l’identité des parties est certifiée. Le SPF ne juge pas de la validité de l’hypothèque elle-même (par exemple, si le consentement du débiteur était vicié). Si les conditions de forme ne sont pas remplies, le SPF peut refuser le dépôt ou, après avoir accepté le dépôt, rejeter la formalité (après avoir notifié les irrégularités et laissé un délai pour rectifier). Un recours est possible contre ces décisions devant le tribunal judiciaire, comme le prévoit l’article 26 du décret du 4 janvier 1955.

Combien de temps une inscription est-elle valable ?

Une inscription hypothécaire n’a pas une durée de vie illimitée. Elle est soumise à ce que l’on appelle la péremption. Cela signifie qu’après un certain délai, si elle n’a pas été renouvelée, l’inscription cesse de produire ses effets, comme si elle n’avait jamais existé. Elle disparaît du registre public des charges grevant l’immeuble.

Pourquoi cette durée limitée ? L’objectif est d’éviter l’encombrement des registres avec des garanties anciennes qui pourraient ne plus correspondre à des dettes existantes. Cela assure une meilleure lisibilité et fiabilité de la situation hypothécaire des biens pour les tiers (acquéreurs potentiels, autres créanciers).

La durée maximale de validité d’une inscription est fixée par l’article 2429 du Code civil et dépend de la nature de la créance garantie :

  • Si la dette a une échéance (ou une dernière échéance) déterminée, l’inscription produit effet jusqu’à un an après cette échéance, sans pouvoir dépasser une durée totale de 50 ans à compter du jour de l’inscription. Par exemple, pour un prêt remboursable sur 20 ans, l’inscription initiale pourra être prise pour une durée de 21 ans.
  • Si l’échéance est indéterminée (cas rare pour les créances classiques, mais possible pour certaines garanties complexes) ou s’il s’agit d’une hypothèque rechargeable, la durée maximale de l’inscription est de 50 ans à compter de sa date.
  • Si la dette est déjà échue au moment où l’inscription est prise, la durée maximale de l’inscription est de 10 ans.

Ces durées sont des maxima. Le créancier peut choisir une durée plus courte.

Lorsque l’inscription arrive à expiration, si la dette n’est pas totalement éteinte (pour en savoir plus sur les causes d’extinction et mainlevée de l’hypothèque), le créancier doit impérativement demander le renouvellement de son inscription avant la date de péremption. Ce renouvellement, qui nécessite également le dépôt de bordereaux spécifiques, permet à l’hypothèque de conserver son rang initial et de continuer à produire ses effets pour une nouvelle période. Faute de renouvellement en temps utile, l’inscription est périmée, et si le créancier en prend une nouvelle, celle-ci n’aura rang qu’à sa nouvelle date, potentiellement après d’autres créanciers.

Le processus d’inscription et de renouvellement d’une hypothèque requiert une vigilance constante et le respect de règles précises. Une erreur ou un oubli peut avoir des conséquences importantes sur la sécurité de la créance garantie. Si vous envisagez de prendre une hypothèque ou si vous avez des questions sur une inscription existante, il est recommandé de solliciter un conseil juridique. Notre cabinet peut vous assister dans ces démarches pour garantir au mieux vos intérêts.

Sources

  • Code civil (notamment articles 1341-1, 2421, 2422, 2423, 2428, 2429)
  • Décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière (notamment articles 5, 6, 7, 26)
  • Décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955 pour l’application du décret du 4 janvier 1955 (notamment article 55)

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