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Remboursement de crédit : les spécificités des régimes de séparation de biens et de communauté universelle

Table des matières

Le choix d’un régime matrimonial est une étape déterminante pour la vie d’un couple, avec des implications qui dépassent largement la seule hypothèse d’un divorce. La gestion des dettes, et notamment le remboursement des crédits souscrits par l’un ou l’autre des époux, est directement impactée par ce choix initial. Si la plupart des couples sont soumis par défaut au régime de la communauté réduite aux acquêts, il existe des options contractuelles qui organisent les relations patrimoniales de manière radicalement différente. Cet article se concentre sur deux régimes spécifiques, aux logiques opposées, la séparation de biens et la communauté universelle, en complément de notre guide complet sur le remboursement de crédit par les couples. Comprendre leurs particularités est essentiel pour anticiper et maîtriser les risques financiers.

Le régime de séparation de biens : un cloisonnement patrimonial

Le régime de la séparation de biens, choisi par contrat de mariage, instaure une indépendance patrimoniale totale entre les époux. Le principe est la séparation stricte : il n’existe pas de masse de biens communs. Chaque époux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, qu’ils aient été acquis avant ou pendant le mariage.

La question de la preuve de la propriété est donc centrale. L’article 1538 du Code civil établit que chaque époux peut prouver par tous moyens qu’il détient la propriété exclusive d’un bien. Cela peut se faire par un titre de propriété, des factures, mais aussi des témoignages ou des présomptions. Lorsque la preuve de la propriété exclusive d’un bien fait défaut, la loi pose une solution simple : le bien est réputé appartenir aux deux époux en indivision, pour moitié chacun. Cette présomption d’indivision est un filet de sécurité qui évite des litiges insolubles, mais elle peut aussi surprendre des époux qui pensaient l’un ou l’autre être seul propriétaire.

Concernant le passif, la règle est tout aussi claire. L’article 1536 alinéa 2 du Code civil dispose que chaque époux reste seul tenu des dettes nées de son chef, que ce soit avant ou pendant l’union. Concrètement, si un époux souscrit un crédit à la consommation pour ses besoins personnels, le créancier ne pourra en principe poursuivre le remboursement que sur les biens propres et les revenus de cet époux. Le patrimoine du conjoint est, en théorie, totalement à l’abri. C’est l’avantage majeur de ce régime, particulièrement recherché par les entrepreneurs ou les personnes exerçant une profession à risque.

Ce principe de séparation des dettes connaît cependant des tempéraments importants. Le plus notable est l’exception des dettes ménagères solidaires, prévue par l’article 220 du Code civil. Cette disposition du régime primaire, applicable à tous les couples mariés, instaure une solidarité pour les dépenses liées à l’entretien du ménage et à l’éducation des enfants. Un crédit à la consommation souscrit pour financer des besoins de la vie courante, s’il porte sur des sommes modestes, pourra donc engager les deux époux, même séparés de biens. Nous analysons en détail cette notion dans notre article sur l’exception des dettes ménagères de l’article 220 du code civil. De même, les dettes contractées pour la conservation ou l’amélioration d’un bien indivis pèsent sur les deux époux propriétaires. Enfin, à la dissolution du mariage, un époux qui aurait remboursé une dette personnelle de son conjoint avec ses propres fonds disposera d’une créance contre lui, dont le calcul peut s’avérer complexe et nécessiter l’intervention d’un avocat pour en assurer la juste revalorisation.

Le régime de communauté universelle : une masse commune étendue face au crédit

À l’opposé de la séparation de biens, la communauté universelle repose sur l’idée d’une fusion quasi totale des patrimoines. Selon l’article 1526 du Code civil, ce régime met en commun tous les biens des époux, qu’ils soient meubles ou immeubles, présents ou à venir. Cela signifie que les biens que chaque époux possédait avant le mariage, ainsi que ceux qu’il reçoit par donation ou succession pendant l’union, tombent dans la communauté. Seuls les biens « propres par nature » (vêtements, instruments de travail, créances de réparation d’un dommage corporel…) y échappent, sauf si le contrat de mariage les inclut expressément.

Logiquement, le passif suit l’actif. Le même article 1526 précise que la communauté universelle « supporte définitivement toutes les dettes des époux, présentes et futures ». Le principe est donc celui d’une communauté des dettes. Qu’un crédit ait été souscrit par l’un ou l’autre des époux, avant ou pendant le mariage, il est considéré comme une dette commune. Le créancier peut donc, en théorie, poursuivre son paiement sur l’intégralité du patrimoine commun, qui constitue la quasi-totalité du patrimoine du couple.

Toutefois, cette communauté du passif n’est pas absolue. Elle est limitée par deux mécanismes protecteurs issus du régime légal et jugés impératifs par la jurisprudence. D’une part, l’article 1414 du Code civil protège les gains et salaires du conjoint de l’époux débiteur, qui ne peuvent être saisis pour une dette qui ne serait pas ménagère et solidaire. D’autre part, et c’est le point le plus important en matière de crédit, la jurisprudence a confirmé que l’article 1415 du Code civil s’applique également au régime de la communauté universelle.

L’article 1415 du code civil en communauté universelle : incidences et critiques

L’article 1415 du Code civil est une disposition majeure qui protège le patrimoine commun. Il prévoit que lorsqu’un époux contracte seul un emprunt, il n’engage que ses biens propres et ses revenus. Pour que les biens communs soient engagés, le consentement exprès de l’autre époux est requis. La Cour de cassation a jugé de manière constante que cette règle est d’ordre public et s’applique donc même aux époux mariés sous le régime de la communauté universelle.

Les conséquences de cette application sont paradoxales et souvent sévères pour le créancier. En effet, dans une communauté universelle, la masse des biens propres de l’époux emprunteur est, par définition, extrêmement réduite, voire inexistante. Si l’époux souscrit un crédit seul, sans l’accord de son conjoint, le gage du créancier se limite à un patrimoine quasi vide. La banque ou l’établissement de crédit se retrouve alors dans une situation où sa garantie est illusoire. La doctrine a largement critiqué cette solution, soulignant son iniquité et le piège qu’elle représente pour les créanciers qui pourraient légitimement penser que l’ensemble du patrimoine commun est engagé. Cette application stricte a des conséquences bien plus sévères que dans le cadre du régime légal, comme nous l’analysons dans notre article dédié à l’application de l’article 1415 en communauté légale.

Face à ces critiques, une évolution jurisprudentielle récente est venue tempérer cette rigueur. Par un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour de cassation a jugé qu’en présence d’une clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant (fréquente avec ce régime), ce dernier, qui recueille la totalité du patrimoine au décès de son époux, est alors tenu de l’intégralité des dettes, y compris celles issues d’un emprunt souscrit par le défunt sans son consentement. Fondée sur l’article 1524 du Code civil, cette décision rééquilibre la situation au profit du créancier, mais uniquement au décès de l’époux emprunteur. Durant le mariage, le principe de la protection des biens communs par l’article 1415 demeure.

Au stade de la contribution à la dette, c’est-à-dire la question de savoir qui doit supporter la charge finale de la dette entre les époux, le principe de la communauté universelle reprend ses droits. La dette est définitivement supportée par la communauté, sauf s’il est prouvé qu’elle a été contractée dans l’intérêt personnel exclusif de l’un des époux.

La complexité des interactions entre les différents régimes matrimoniaux et les règles du droit du crédit démontre qu’un choix éclairé est indispensable. Pour une analyse de votre situation et l’expertise juridique nécessaire à l’optimisation de votre régime matrimonial face à vos engagements financiers, contactez notre cabinet.

Sources

  • Code civil (notamment les articles 220, 1415, 1526, 1536 à 1538)
  • Code de la consommation
  • Jurisprudence de la Cour de cassation (notamment Civ. 1re, 3 mai 2000, n° 97-21.592 ; Civ. 1re, 5 octobre 2016, n° 15-24.616 ; Civ. 1re, 5 décembre 2018, n° 16-13.323)

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