Les crédits à l’exportation constituent un outil essentiel du commerce international. Dans l’Union européenne, ils obéissent à un cadre juridique complexe, entre le droit de la concurrence et la politique commerciale commune. Comprendre ces règles s’avère déterminant pour les entreprises exportatrices et leurs banques.
Les aides d’État prohibées dans les échanges intracommunautaires
Le droit européen sanctionne les crédits à l’exportation subventionnés au sein du marché unique. L’article 87 du Traité CE (devenu article 107 TFUE) interdit clairement ces aides entre États membres.
La jurisprudence confirme cette prohibition. Le 10 février 1969, la Cour de justice des Communautés européennes condamnait la France pour son mécanisme de réescompte à taux préférentiel des crédits à l’exportation (CJCE, 10 févr. 1969 : D. 1971, jurispr. p. 665, note Gavalda).
Plusieurs décisions de la Commission ont ensuite rappelé cette interdiction. Les États membres ont dû abandonner progressivement leurs programmes de soutien financier aux exportations intra-européennes.
L’encadrement de l’assurance-crédit à court terme
L’assurance-crédit n’échappe pas à cette logique. En 1997, la Commission publiait une communication invitant les États à se retirer du marché de l’assurance-crédit à court terme (JOCE n° C 281, 17 sept. 1997, p. 3).
Cette initiative définit les risques « cessibles » – ceux que le marché privé peut couvrir sans intervention publique. Initialement limités aux risques commerciaux sur des débiteurs privés de l’UE ou de l’OCDE, ils englobent depuis 2001 les risques politiques sur tout type de débiteurs dans ces mêmes zones (JOCE n° C 217, 2 août 2001, p. 2).
Les assureurs publics ne peuvent donc plus couvrir ces risques aux conditions du marché. Cette interdiction vise à éviter toute distorsion de concurrence entre assureurs privés et publics.
L’avocat qui nous a consultés la semaine dernière l’a appris à ses dépens. Son client, exportateur dans le secteur textile, s’est vu refuser la garantie publique pour des ventes en Allemagne. Une solution alternative a dû être trouvée.
La politique commerciale commune et l’Arrangement OCDE
Pour les exportations hors UE, la politique des crédits à l’exportation relève de la politique commerciale commune. Un avis de la CJCE du 11 novembre 1975 l’a clairement établi (Rec. CJCE 1975, fasc. n° 8, p. 1355-1365).
Cette compétence européenne se manifeste notamment dans la négociation et l’application de l’Arrangement de l’OCDE sur les crédits à l’exportation. Cet accord informel (« gentlemen’s agreement ») limite la concurrence par le crédit entre pays exportateurs.
L’UE négocie d’une seule voix. La Commission représente les États membres lors des discussions à l’OCDE. Les lignes directrices sont ensuite transposées dans l’ordre juridique communautaire par décision du Conseil.
Les États membres doivent donc respecter ces règles internationales concernant :
- les durées maximales des crédits
- les taux d’intérêt minimaux (TICR)
- les primes d’assurance-crédit
- les pourcentages d’acompte
Tout manquement pourrait engager la responsabilité de l’État. Nous constatons cependant que les contrôles restent limités.
La procédure de consultation préalable
Le droit européen a mis en place un mécanisme de transparence entre États membres. La décision du Conseil n° 73/391 du 3 décembre 1973, modifiée en 1976, impose une procédure de consultation préalable pour certains crédits à l’exportation.
Concrètement, un État membre envisageant d’accorder un soutien dérogatoire doit informer les autres États, le Conseil et la Commission. Si un État consulté émet un avis défavorable, une réunion de consultation devient obligatoire.
Cette procédure s’applique notamment aux crédits :
- d’une durée supérieure à 5 ans
- finançant une part locale supérieure à 5%
En pratique, ces consultations permettent d’éviter une concurrence déloyale par le crédit entre exportateurs européens. Elles favorisent aussi un alignement des pratiques nationales.
Les projets de coopération européenne
L’UE a tenté de dépasser la simple coordination pour créer de véritables instruments européens. Ces projets n’ont pas abouti jusqu’à présent.
Par exemple, l’idée d’une Banque européenne d’exportation, proposée dès les années 1970, reste à l’état de projet (JOCE n° C 76, 14 mars 1976, p. 2). Il en va de même pour un assureur-crédit européen (JOCE n° C 230, 28 août 1987, p. 4).
Une avancée concrète existe pourtant : la directive 84/568 du 27 novembre 1984 sur la sous-traitance européenne. Elle organise la collaboration entre assureurs-crédit nationaux lorsqu’une opération d’exportation implique des sous-traitants d’autres pays membres.
Les tentatives d’harmonisation des polices d’assurance-crédit ont également échoué malgré plusieurs initiatives (JOCE n° C 272, 30 sept. 1994, p. 2).
Le dossier qui nous occupait le mois dernier illustrait ce problème. Un exportateur français travaillant avec un sous-traitant italien a dû jongler entre deux systèmes nationaux de garanties. Une approche plus intégrée aurait grandement simplifié l’opération.
Implications pratiques pour les exportateurs et leurs conseils
L’encadrement européen des crédits à l’exportation impose une stratégie adaptée :
- Pour les opérations intra-européennes, privilégier les solutions de marché sans soutien public
- Pour les exportations hors UE, vérifier la conformité du montage avec l’Arrangement OCDE
- Anticiper les obligations de notification et de consultation
- Exploiter les synergies possibles entre systèmes nationaux pour les projets multi-pays
Le recours à un avocat spécialisé s’avère judicieux pour naviguer dans ce cadre complexe. L’analyse en amont des implications juridiques européennes permet d’éviter des blocages ultérieurs.
Lors d’un financement export récent pour un équipementier automobile, nous avons pu restructurer l’opération pour la rendre compatible avec les règles européennes. Ce travail préalable a évité plusieurs mois de retard.
Notre cabinet accompagne régulièrement exportateurs, banques et assureurs dans l’optimisation de leurs montages financiers. N’hésitez pas à nous contacter pour évaluer votre projet export au regard du droit européen.
Sources
- Fasc. 1050 : Crédits à l’exportation. Crédits acheteurs et fournisseurs, JurisClasseur Droit bancaire et financier
- Décision CJCE, 10 février 1969 (D. 1971, jurispr. p. 665, note Gavalda)
- Communication de la Commission européenne (JOCE n° C 281, 17 sept. 1997, p. 3)
- Directive 84/568 du 27 novembre 1984 (JOCE n° L 314, 4 déc. 1984, p. 24)
- Avis CJCE du 11 novembre 1975 (Rec. CJCE 1975, fasc. n° 8, p. 1355-1365)
- Décision du Conseil n° 73/391 du 3 décembre 1973 (JOCE n° L 346, 17 déc. 1973, p. 1)