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Délais de paiement et aménagement de dettes : comment négocier avec vos créanciers

Table des matières

L’impossibilité momentanée d’honorer ses dettes ne signifie pas nécessairement la saisie immédiate de vos biens. Le droit français offre plusieurs mécanismes permettant aux débiteurs en difficulté de respirer financièrement tout en préservant les intérêts des créanciers.

Le délai de grâce : une bouffée d’oxygène judiciaire

Conditions d’octroi

Le délai de grâce est accordé par décision de justice. Il s’agit d’un temps supplémentaire octroyé pour exécuter une obligation, en tenant compte de la situation des parties.

Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Selon l’article 1343-5 du Code civil, il peut « reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ». Cette décision peut être prise par les juridictions du fond, le juge des référés, ou le juge de l’exécution.

Concrètement, après un commandement ou un acte de saisie, le juge de l’exécution devient compétent pour accorder ce délai (article 510 du Code de procédure civile). Pour les saisies sur salaires, c’est le tribunal d’instance qui intervient.

Effets pour le débiteur

Une fois le délai de grâce obtenu, plusieurs conséquences favorables au débiteur s’appliquent :

  • Suspension des procédures d’exécution déjà engagées (article 1343-5, alinéa 4 du Code civil)
  • Non-application des majorations d’intérêts ou pénalités de retard pendant le délai fixé
  • Possibilité pour le juge d’ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées portent intérêt à un taux réduit (au moins égal au taux légal)
  • Option d’imputation prioritaire des paiements sur le capital

Le point de départ du délai se situe au jour du jugement pour une décision contradictoire, ou à la notification pour les autres cas.

Garanties du paiement

L’article 1343-5, alinéa 3 du Code civil autorise le juge à « subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette ».

Dans un jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Dié du 19 février 1993, le délai de grâce a été conditionné à « un effort financier sérieux et immédiat » du débiteur. À l’inverse, l’absence de tout commencement de remboursement peut justifier un refus.

Cas de refus

Le délai de grâce n’est pas accordé automatiquement. L’article 1343-5 du Code civil exclut expressément les dettes d’aliments.

D’autres exclusions existent :

  • Lorsque les biens du débiteur sont saisis par d’autres créanciers
  • Si le débiteur a diminué les garanties contractuelles
  • Pour les lettres de change
  • Dans l’hypothèse d’une vente à réméré

Les procédures de nature contractuelle

La conciliation pour les entreprises

La conciliation, instituée par la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, s’adresse aux débiteurs exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent « une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours » (article L.611-4 du Code de commerce).

Cette procédure privilégie une solution négociée plutôt qu’imposée. Elle permet d’éviter les procédures collectives plus contraignantes comme le redressement ou la liquidation judiciaire.

Procédure et mission du conciliateur

La procédure s’ouvre devant le tribunal de commerce. Un conciliateur est nommé pour une durée maximale de quatre mois, prorogeable d’un mois.

Sa mission est précisée à l’article L.611-7 du Code de commerce : « favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ».

Le conciliateur peut également présenter des propositions pour sauvegarder l’entreprise, poursuivre l’activité économique et maintenir l’emploi. Depuis la réforme de 2008, il peut même organiser une cession partielle ou totale de l’entreprise.

Effets sur les procédures d’exécution

Contrairement au règlement amiable qu’elle remplace, la conciliation n’entraîne pas automatiquement la suspension des poursuites. Cependant, le débiteur peut demander au juge d’accorder des délais de grâce.

L’article L.611-7, alinéa 5 du Code de commerce prévoit qu’en cours de procédure, « le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil ».

Une fois l’accord conclu et homologué, l’article L.611-10-1 du Code de commerce stipule que l’accord « interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet ».

Le règlement amiable des entreprises agricoles

Pour les exploitations agricoles, un dispositif spécifique existe dans le Code rural et de la pêche maritime (articles L.351-1 à L.351-7).

Cette procédure vise à « prévenir et régler les difficultés financières des exploitations agricoles dès qu’elles sont prévisibles ou dès leur apparition ».

Un conciliateur peut être nommé par le président du tribunal de grande instance. Sa mission : « favoriser le règlement de la situation financière de l’exploitation agricole par la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers sur des délais de paiement ou des remises de dettes ».

Une particularité importante : le président du tribunal peut prononcer la suspension provisoire des poursuites pour un délai n’excédant pas deux mois, prorogeable une fois.

Les spécificités de l’entreprise individuelle

Subsidiarité de l’exécution forcée sur un bien personnel

La loi du 11 février 1994, dite « loi Madelin », protège le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel. L’article L.161-1 du Code des procédures civiles d’exécution introduit une subsidiarité de l’exécution forcée sur les biens personnels.

Concrètement, l’entrepreneur peut demander que l’exécution soit prioritairement poursuivie sur les biens nécessaires à l’exploitation de l’entreprise, s’il prouve que leur valeur est suffisante pour garantir le paiement.

Cette disposition s’inscrit dans une logique de séparation entre patrimoine personnel et professionnel, sans aller jusqu’à créer un véritable patrimoine d’affectation.

Mesures applicables à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée

L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) bénéficie d’un régime spécial. Selon l’article L.711-7 du Code des procédures civiles d’exécution, les dispositions relatives au traitement des situations de surendettement s’appliquent, mais uniquement pour les dettes non professionnelles.

En outre, les dispositions qui concernent les biens, droits et obligations du débiteur ne visent que les éléments du patrimoine non affecté. Celles qui intéressent les droits et obligations des créanciers s’appliquent dans les limites de ce même patrimoine.

Cette articulation technique protège l’entreprise tout en donnant des garanties aux créanciers. Elle permet d’isoler le patrimoine professionnel des problèmes financiers personnels.

Notre cabinet accompagne régulièrement des entrepreneurs et particuliers en difficulté financière. Chaque situation demande une analyse personnalisée des options juridiques disponibles. N’attendez pas que les procédures d’exécution soient engagées pour agir. Contactez-nous pour évaluer ensemble votre situation et déterminer la stratégie la plus adaptée à votre cas.

Sources

  • Code civil : articles 1343-4 à 1343-5 (délais de grâce)
  • Code de procédure civile : articles 510 à 513 (octroi des délais)
  • Code de commerce : articles L.611-4 à L.611-12 (conciliation)
  • Code rural et de la pêche maritime : articles L.351-1 à L.351-7 (règlement amiable agricole)
  • Code des procédures civiles d’exécution : articles L.161-1 et L.161-2 (subsidiarité sur biens personnels)
  • Code des procédures civiles d’exécution : article L.711-7 (EIRL)
  • Loi n°94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle
  • Ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d’exécution

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